Parties
Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN) et Autobus des Cantons inc.
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Estrie
Type d'action
Contestations par le syndicat de décisions relatives à des rapports d'intervention.
Décision de
Jacques Degré, juge administratif
Date
24 août 2022
Moyen préliminaire de l'employeur relatif à la recevabilité des contestations. Moyen préliminaire accueilli. Contestations irrecevables.
En 2020 et en 2021, des inspectrices de la CNESST ont délivré des avis de correction concernant les mesures de prévention liées à la COVID-19 qui avaient été mises en place chez l'employeur. L'instance de révision de la CNESST a confirmé les décisions des inspectrices. De façon préliminaire, l'employeur prétend que les contestations du syndicat sont devenues théoriques.
Décision
Contrairement à la situation dans le présent dossier, toutes les décisions auxquelles a fait référence le syndicat ont été rendues alors que l'état d'urgence sanitaire était en vigueur au Québec et qu'il n'était pas possible d'en prévoir la levée. La situation est différente en l'espèce et commande une conclusion différente. L'aspect nouveau et inusité ainsi que l'inconnu qui caractérisait le contexte pandémique de mars 2020, qui explique d'ailleurs la «situation particulière» ou «problématique» dans laquelle se trouvait l'employeur à l'automne 2020, risque peu de se présenter de nouveau. Il est probable que les mesures de protection ou l'organisation du travail, telles qu'elles auraient alors dû ou pu être mises en place, soient dorénavant obsolètes ou, à tout le moins, très peu pertinentes. En ce sens, le présent dossier ne soulève plus qu'une question hypothétique. Dès lors, une décision sur la question n'aura pas pour effet de résoudre un litige pouvant avoir des conséquences sur les droits des parties ou un effet pratique sur ceux-ci.
Chaque partie mise sur l'imprévisibilité du virus pour soutenir son point de vue. Bien que cette imprévisibilité soit un fait, il n'en demeure pas moins que, en date du 13 juillet 2022, plus de 90 % de la population du Québec avait reçu 2 doses de vaccin, 55 %, 1 dose de rappel, 16 %, 2 doses de rappel, et que, depuis décembre 2021, le variant Omicron a infecté plusieurs milliers de personnes au Québec, leur procurant ainsi une certaine immunité. Comme le soulignait le TAT dans Professionnel(le)s en soins de santé unis PSSU-FIQP et CHSLD Vigi Reine-Élizabeth (T.A.T., 2021-03-23), 2021 QCTAT 1401, SOQUIJ AZ-51753424, 2021EXPT-993, depuis le dépôt des contestations, les connaissances relatives au virus ont grandement évolué. Il est probable que le contexte actuel, sur le plan factuel, épidémiologique et scientifique, commande des mesures de protection et une organisation du travail différentes de celles que pouvait commander le contexte qui avait cours à l'automne 2020 chez l'employeur. Le recours du syndicat est devenu théorique.
Les circonstances du présent dossier ne justifient pas que le Tribunal use de son pouvoir discrétionnaire afin de rendre une décision. Aucun débat contradictoire ne persiste en raison du changement radical de contexte qui est survenu depuis l'automne 2020. De plus, bien qu'il soit possible de croire qu'une certaine répétitivité sera présente à l'avenir, il est probable que, en raison du contexte différent qui a cours aujourd'hui, cette répétitivité commandera des mesures de protection ou une organisation du travail différentes. Si une incertitude juridique devait persister en ce qui a trait aux droits et aux obligations des parties, ce n'est pas une décision du Tribunal portant sur le contexte de l'automne 2020 qui le dissipera, compte tenu du caractère évolutif de la situation.