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Le recours à l'encontre d'une pratique interdite

Chapitre XVI
  1. Qu’est-ce que le recours à l’encontre d’une pratique interdite ?
  2. Qu’est-ce que l’exercice d’un droit ?
  3. Qu’est-ce qu’un congédiement ?
  4. Qu’est-ce une mesure de représailles ou discriminatoire ?
  5. En quoi un congédiement déguisé se distingue-t-il d’une démission ?
  6. Qu’est-ce que la présomption ?
  7. Que signifie l’expression «autre cause juste et suffisante» ?
  8. Quels sont les exemples d’autres causes justes et suffisantes ?
  9. Quel est le délai pour déposer une plainte concernant une pratique interdite ? Et s’agit-il d’un délai de rigueur ?
  10. Comment se fait le dépôt d’une plainte ?
  11. Est-ce que le salarié doit envoyer une mise en demeure à l’employeur avant d’entreprendre un recours ?
  12. Est-ce que le salarié peut se faire représenter par avocat ?
  13. Est-ce que la médiation est obligatoire ?
    LES MESURES DE RÉPARATION
  14. Quelles sont les mesures de réparation possibles si le tribunal casse la sanction prise par l’employeur à l’égard du salarié ?

16.1 Qu’est-ce que le recours à l’encontre d’une pratique interdite ?

La loi interdit à un employeur ou à son agent de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction pour divers motifs, et par exemple à cause de l’exercice d’un droit prévu à loi, pour le motif qu’il a transmis des renseignements à la CNESST, en raison d’une enquête effectuée par la CNESST dans un établissement de cet employeur ou parce qu’une salariée est enceinte.

16.2 Qu’est-ce que l’exercice d’un droit ?

Par exemple, le dépôt d’une plainte à la CNESST constitue l’exercice d’un droit résultant de la Loi sur les normes du travail ou d’un règlement.

De plus, par exemple, des démarches préliminaires, comme une simple communication pour effectuer des vérifications auprès de la CNESST, constituent l’exercice d’un droit et suffisent pour faire naître la présomption en faveur d’un salarié.

Les réclamations salariales ou de commissions, pourboires, vacances, jours fériés, heures supplémentaires, etc., découlant de l’application de la Loi sur les normes du travail ou de l’un de ses règlements constituent l’exercice d’un droit. Il en est de même concernant le fait de prendre un congé de maternité ou un congé parental, ou encore concernant la demande adressée à un employeur d’exercer ses fonctions dans un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.

16.3 Qu’est-ce qu’un congédiement ?

Le terme « congédiement » n’est pas défini dans la loi. Toutefois, il est bien établi que les termes « congédié » et « congédiement » doivent recevoir une interprétation assez large afin de ne pas rendre illusoire la protection accordée par la loi et devraient couvrir toute forme de terminaison d’emploi.

16.4 Qu’est-ce une mesure de représailles ou discriminatoire ?

L’expression «mesure de représailles» signifie toute mesure de vengeance prise par l’employeur contre un salarié en riposte à l’exercice d’un droit découlant de la Loi sur les normes.

Une mesure est discriminatoire lorsqu’elle traite un individu ou un groupe d’individus autrement que d’autres et à leur détriment.

16.5 En quoi un congédiement déguisé se distingue-t-il d’une démission ?

Le congédiement déguisé est la démission résultant d’une stratégie élaborée par l’employeur pour la provoquer en prenant des mesures remettant en question le contrat de travail: rétrogradation, déplacement, etc. Le nom anglais de cette forme de congédiement rend bien cette idée: on dit «constructive dismissal». En français, on emploie aussi «congédiement par induction». Cette expression rend mieux l’idée du bris de conduite de l’employeur envers le salarié afin qu’il se congédie lui-même.

16.6 Qu’est-ce que la présomption ?

La présomption est un mode, un procédé de preuve. Il y a application de la présomption dès lors que le salarié démontre:

  • qu’il est un salarié au sens de la Loi sur les normes du travail;
  • qu’il a été l’objet d’une des pratiques interdites (congédiement, suspension, déplacement);
  • qu’il est en mesure d’invoquer l’une des situations ou l’un des faits mentionnés à la loi;
  • qu’il existe une certaine concomitance entre la pratique interdite et la situation ou le fait en cause;
  • qu’il a déposé une plainte dans le délai imparti par la Loi sur les normes du travail.

16.7 Que signifie l’expression « autre cause juste et suffisante » ?

Dans tous les cas, il s’agit de déterminer si l’autre cause invoquée par l’employeur est une cause sérieuse par opposition à un prétexte, et si elle constitue la véritable cause du congédiement.

Le devoir imposé au décideur par la Loi sur les normes du travail est d’apprécier toutes les circonstances pouvant démontrer quelque acte fautif du salarié, pour juger s’il y a là un prétexte de l’employeur ou une décision minimalement logique, bien qu’elle puisse ne pas être la plus équitable.

Quand la bonne question est ainsi posée, l’appréciation des faits relève d’une discrétion complète. Les diverses circonstances peuvent démontrer qu’un manquement mineur d’un salarié peut être suffisant pour justifier la pénalité imposée, mais inversement qu’un accroc en principe grave peut s’inscrire dans un contexte suffisamment incohérent et illogique qui sera jugé être un prétexte ne repoussant pas la présomption découlant d’activités légitimes.

16.8 Quels sont les exemples d’autres causes justes et suffisantes ?

Il existe une véritable multitude d’autres causes justes et suffisantes. Chaque cas est un cas d’espèce et doit être jugé selon les faits et les circonstances de chacune des situations.

Une faute mineure peut dans un certain contexte justifier la sanction ou le congédiement. Mais à l’inverse, une faute qui peut apparaître grave peut dans un certain contexte, et selon les faits et circonstances, constituer un prétexte pour se débarrasser d’un salarié.

Des exemples d’autres causes justes et suffisantes sont la réalisation d’économies réelles, la perte d’un contrat, des motifs économiques, une pandémie, une réorganisation administrative de l’entreprise, les fréquents retards, l’attitude et le comportement inapproprié, le rendement insatisfaisant, l’insubordination, le non-respect des directives, le non-respect des mesures de sécurité, et le refus d’accepter les ordres et directives du supérieur.

16.9 Quel est le délai pour déposer une plainte concernant une pratique interdite ? Et s’agit-il d’un délai de rigueur ?

Le délai pour déposer une plainte est de 45 jours et c’est un délai de rigueur, donc de déchéance, qui s’impose d’office au juge.

De plus, la loi mentionne que la computation du délai de 45 jours pour porter plainte débute à partir du moment où la personne croit qu’elle a commencé à être victime d’une pratique interdite. Cette croyance doit être appréciée sous l’angle d’une personne raisonnable qui, informée de la position de l’employeur, serait d’avis qu’elle est l’objet d’une sanction. Par exemple, dans le cas du refus d’autoriser un retour progressif, le délai débute lorsque le salarié en a connaissance.

16.10 Comment se fait le dépôt d’une plainte ?

Le dépôt d’une plainte peut se faire directement sur le site Internet de la CNESST par le salarié lui-même. Ou encore, le salarié peut se rendre dans l’un des bureaux de la CNESST pour déposer la plainte en personne. Dans tous les cas, il faut conserver une copie de la plainte et plus particulièrement la preuve de la date du dépôt de celle-ci.

16.11 Est-ce que le salarié doit envoyer une mise en demeure à l’employeur avant d’entreprendre un recours ?

C’est la CNESST qui peut prendre en charge le dossier complet pour le bénéfice du salarié. Avant d’envoyer une communication, elle procède à une forme d’enquête pour établir s’il y a un fondement à la plainte, le cas échéant.

16.12 Est-ce que le salarié peut se faire représenter par avocat ?

Lorsqu’il s’agit d’un recours à l’encontre d’une pratique interdite, la CNESST peut fournir les services juridiques nécessaires et peut entreprendre le recours, le cas échéant. Les services sont alors sans frais pour le salarié. Le salarié peut aussi se faire représenter par l’avocat de son choix, en retenant les services d’un avocat qui pratique au privé.

16.13 Est-ce que la médiation est obligatoire ?

Non, la médiation offerte par la CNESST n’est pas obligatoire. La médiation est toujours volontaire. L’expérience nous enseigne qu’il arrive souvent que les dossiers soient réglés par le biais de la médiation. Il s’agit d’un service sans frais offert par la CNESST et qui a comme avantage de pouvoir régler rapidement une affaire. Cependant, il faut bien comprendre que dans le processus de la médiation, tout le monde doit «mettre de l’eau dans son vin», comme le dit si bien l’adage.

À savoir !
La présomption s’applique lorsque le salarié démontre qu’il a effectivement exercé un droit, qu’il a été l’objet d’une mesure prohibée et qu’il est plausible qu’il ait été traité ainsi en raison de l’exercice de ce droit.
À retenir !
L’exercice d’un droit peut prendre plusieurs formes. Ainsi, une simple demande faite à l’employeur dans le but de bénéficier d’un droit résultant de la Loi sur les normes du travail peut suffire. Il en va de même pour la demande de renseignements auprès de la CNESST.
Attention !
La simple croyance en l’exercice d’un droit ne suffit pas. L’exercice du droit doit résulter de l’application de la Loi sur les normes du travail et non d’une autre loi.

LES MESURES DE RÉPARATION

16.14 Quelles sont les mesures de réparation possibles si le tribunal casse la sanction prise par l’employeur à l’égard du salarié ?

Lorsqu’il accueille une plainte, les pouvoirs du Tribunal administratif du travail sont limités. Dans les faits, il n’a aucune discrétion en ce qui a trait aux mesures de réparation. En effet, il doit replacer le salarié là où il serait si le geste illégal n’avait pas été commis par l’employeur.

Le tribunal doit replacer le salarié dans l’état où il était avant la prise de la sanction par l’employeur et lui accorder le même traitement que si elle n’avait pas eu lieu.

Par exemple, il n’a pas la discrétion voulue pour réduire la période visée par l’indemnité en fonction des autres circonstances de l’affaire, comme cela est le cas lorsque celle-ci est saisie d’une plainte déposée concernant un congédiement sans cause juste et suffisante.

À savoir !
Dans le cas d’un congédiement illégal, la mesure de réparation qui s’applique est la réintégration. Le salarié a aussi droit au salaire et aux avantages perdus.
À retenir !
Le Tribunal administratif du travail n’a aucune discrétion en ce qui a trait aux mesures de réparation. En effet, il doit replacer le salarié là où il serait si le geste illégal n’avait pas été commis par l’employeur. Il ne peut condamner l’employeur à verser par exemple des dommages moraux.