Chapitre IX
  1. Quel est le tribunal compétent pour disposer d’une plainte en harcèlement psychologique et sexuel ?
  2. Quel est le bénéfice juridique découlant d’une plainte en harcèlement psychologique et sexuel ?
  3. Quel est le rôle du Tribunal administratif du travail ou de l’arbitre de griefs ?
  4. Quel est le rôle de la CNESST ?
  5. Comment contester la présence de harcèlement psychologique ou sexuel en milieu de travail ?
  6. Qui peut déposer une plainte pour harcèlement psychologique ou sexuel ?
  7. Le salarié peut-il cumuler plus d’un recours pour contester la même conduite ?
  8. À quel endroit la plainte du salarié qui n’est pas visé par une convention collective doit-elle être déposée ?
  9. Quel doit être le contenu d’une plainte d’un salarié non représenté par un syndicat ?
  10. Quel est le cadre d’analyse du décideur ?
  11. Quel est le rôle du syndicat face à un grief de harcèlement psychologique ?
  12. Quel est le délai pour déposer une plainte et que doit contenir la plainte ?
  13. La transmission du détail des faits est-elle obligatoire ?
  14. Quelles sont les informations que doit fournir l’employeur lorsqu’il impose une sanction à un salarié ?
  15. Le salarié visé qui se voit imposer une mesure disciplinaire pour ses faits et gestes peut-il contester la mesure imposée ?
  16. Qui a le fardeau de démontrer et de prouver la présence du harcèlement psychologique ?
  17. Qu’est-ce que la médiation et est-elle obligatoire ?
  18. Un tiers peut-il intervenir dans un débat concernant une plainte de harcèlement psychologique ?
  19. Pour quel motif un tiers pourrait intervenir dans un litige ?
  20. Quelle forme doit prendre l’enquête de la CNESST ?
  21. Quelle est la distinction entre la CNESST et le Tribunal administratif du travail ?

9.1 Quel est le tribunal compétent pour disposer d’une plainte en harcèlement psychologique et sexuel ?

C’est le Tribunal administratif du travail qui est compétent pour entendre et disposer d’une telle plainte, car la Cour supérieure est incompétente pour statuer sur les dommages découlant du harcèlement psychologique que prétend avoir subi un salarié. En effet, les tribunaux de droit commun, par exemple, n’ont pas compétence pour entendre et trancher un recours en dommages et intérêts pour harcèlement psychologique intenté par un salarié syndiqué. L’interprétation de ce qui constitue du harcèlement psychologique au sens des dispositions de la Loi sur les normes du travail est au coeur de la compétence même du Tribunal administratif du travail ou de l’arbitre. Il n’appartient donc pas aux tribunaux supérieurs d’évaluer à sa place la crédibilité ainsi que la valeur probante des témoignages qu’il a entendus et de court-circuiter l’exercice des pouvoirs qui lui sont dévolus.

Toutefois, l’on a déjà statué qu’il semble que l’on ne saurait conclure que seule la CNESST ou encore le Tribunal administratif du travail sont compétents en matière de harcèlement psychologique, et ce, en l’absence de disposition expresse à ce propos. En effet, la règle prohibant le harcèlement psychologique au travail est d’ordre public et d’application générale. La Loi sur les normes du travail ne prévoit aucune immunité de poursuite en faveur d’un employeur ou d’un employé. Le lien qui unit le salarié, non syndiqué, à l’employeur est fondé sur un contrat individuel de travail régi par le droit commun et assujetti aux normes impératives de la loi précitée. Ainsi, dans ce contexte la Cour supérieure peut entendre un recours en dommages et intérêts exercé par le salarié contre un employeur.

Cependant, par l’adoption des dispositions relatives au harcèlement psychologique, le législateur a manifesté son intention, lorsque le salarié plaignant est visé par une convention collective, de confier à l’arbitre de griefs la compétence exclusive pour disposer de toute plainte de harcèlement psychologique. En somme, le législateur a voulu que les griefs pour harcèlement psychologique soient soumis au mécanisme de règlement des griefs prévu au contrat collectif entre l’employeur et le syndicat accrédité. C’est donc l’arbitre de griefs, et non un tribunal civil qui a compétence lorsqu’une situation de harcèlement psychologique est alléguée et que la convention collective contient une section à ce sujet, d’autant plus que les dispositions de la loi sont réputées en faire partie.

9.2 Quel est le bénéfice juridique découlant d’une plainte en harcèlement psychologique et sexuel ?

Le bénéfice juridique recherché par le recours devant le Tribunal administratif du travail est de faire reconnaître le droit du salarié à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique et à faire constater que l’employeur a contrevenu à son obligation de prévenir le harcèlement. La réclamation du travailleur auprès de la CNESST vise à faire reconnaître qu’il a été victime d’une lésion professionnelle.

9.3 Quel est le rôle du Tribunal administratif du travail ou de l’arbitre de griefs ?

Dans ce genre de litige, le rôle du tribunal est de déterminer si la personne plaignante a réellement été victime de harcèlement psychologique ou sexuel au travail. Pour ce faire, la personne plaignante doit faire la démonstration qu’elle rencontre les cinq éléments dont nous avons parlé dans le présent ouvrage. Dans les faits, elle doit prouver la conduite vexatoire, son caractère répétitif, le fait qu’il y a eu des paroles, des gestes, des comportements hostiles ou non désirés qui ont porté atteinte à sa dignité ou à son intégrité, et que le milieu de travail est rendu néfaste. À la fin de l’enquête le tribunal rend une décision écrite qui confirme, ou non, que la personne plaignante a été victime de harcèlement psychologique ou sexuel au travail.

9.4 Quel est le rôle de la CNESST ?

La CNESST a un rôle très important à jouer dans le cadre de l’administration d’un dossier et dans la défense des droits d’un salarié concernant le dépôt d’une plainte pour harcèlement psychologique ou sexuel. En effet, celle-ci peut représenter gratuitement un salarié devant le Tribunal administratif du travail. Dans ce cas, les différentes étapes du cheminement d’une plainte, et du dossier, sont notamment les suivantes, soit :

  • Le dépôt de la plainte auprès de la CNESST;
  • L’analyse préliminaire de la recevabilité de celle-ci par la CNESST;
  • La possibilité de tenir une première médiation à la CNESST;
  • La tenue de l’enquête formelle par la CNESST;
  • La préparation du dossier pour l’audience par le procureur de la CNESST;
  • La possibilité de la tenue d’une autre médiation au Tribunal administratif du travail;
  • L’audience devant un juge du Tribunal administratif du travail.

Il est important de noter que pendant la période qui se situe entre le dépôt de la plainte et jusqu’à la fin des audiences, soit avant de recevoir le jugement final du tribunal, les parties peuvent toujours convenir d’une entente hors cour. En effet, les parties peuvent directement convenir, sans l’aide d’un médiateur, de régler l’affaire à l’amiable.

9.5 Comment contester la présence de harcèlement psychologique ou sexuel en milieu de travail ?

Tout salarié, y compris le cadre supérieur, a le droit de déposer une plainte, ou encore un grief selon le cas, pour se plaindre de harcèlement psychologique ou sexuel en milieu de travail. Il s’agit alors de s’adresser, en premier lieu, à la personne responsable de recevoir la plainte tel qu’indiqué dans le mécanisme interne de la politique en vigueur dans l’entreprise, à moins qu’il ne s’agisse pas d’un processus indépendant, objectif et transparent. Si ce mécanisme n’existe pas, ou encore, s’il n’y a pas de politique en vigueur dans l’entreprise, le salarié peut alors s’adresser directement à la CNESST, soit à son conseiller syndical pour les personnes sous convention collective, à son conseiller en ressources humaines ou en relations industrielles, ou encore à un avocat. Dans tous les cas, il faut informer l’employeur de la situation par écrit et il faut en conserver la preuve. Il faut également respecter la hiérarchie en vigueur chez l’employeur pour régler la situation et monter d’un niveau si la situation ne se règle pas.

9.6 Qui peut déposer une plainte pour harcèlement psychologique ou sexuel ?

Pour bénéficier du régime de protection des salariés contre le harcèlement psychologique et pouvoir exercer les recours prévus par la Loi sur les normes du travail, le plaignant doit établir sa qualité de salarié au sens des dispositions de la loi. Il ressort clairement de la Loi sur les normes du travail que seule une personne salariée peut formuler une plainte alléguant du harcèlement psychologique au travail. Donc, la personne qui ne peut faire la preuve qu’elle est un salarié ne peut déposer de plainte, car elle n’a pas droit au recours.

Lorsque le législateur utilise les mots «salarié» et «milieu de travail» dans les dispositions de la loi, c’est pour indiquer sa volonté de protéger une catégorie de personnes bien précise contre une conduite illicite causant une situation qu’il réprouve. Ainsi, par exemple, une personne qui a détenu le statut de salarié ne perd pas la protection de la loi du simple fait de la cessation de son emploi parce que celle-ci ne tient pas uniquement de sa volonté. Également, il ne faut pas interpréter la loi comme si seuls les comportements de harcèlement psychologique subis durant la période d’emploi d’un salarié étaient sujets à la protection de la loi. Pour que la protection s’applique, il faut qu’un tel comportement fautif ait débuté pendant l’emploi de la victime.

9.7 Le salarié peut-il cumuler plus d’un recours pour contester la même conduite ?

Sans entrer dans tous les détails juridiques des procédures judiciaires, il est maintenant reconnu qu’un salarié peut cumuler une plainte dans laquelle il allègue avoir subi une lésion professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et une plainte basée sur le harcèlement psychologique au sens de Loi sur les normes du travail. En effet, il n’y a pas identité de cause ni d’objet entre les deux recours. Aussi, les recours en vertu des articles du Code du travail et celui prévu par les dispositions des articles de la Loi sur les normes du travail ne sont pas identiques, étant donné qu’il n’y a pas identité de parties ni de cause. Il n’y a pas de litispendance entre ces deux recours. Les différents recours peuvent donc être exercés par le salarié pour contester le harcèlement psychologique.

9.8 À quel endroit la plainte du salarié qui n’est pas visé par une convention collective doit-elle être déposée ?

Le salarié qui n’est pas visé par une convention collective doit déposer sa plainte directement à la CNESST. Le lecteur trouvera les coordonnées de cet organisme dans le carnet d’adresses qui se retrouve à la fin du présent ouvrage. Le formulaire de plainte est disponible soit sur Internet ou soit directement à cet organisme. Par la suite, la plainte, et le dossier seront transférés administrativement au Tribunal administratif du travail. Pour le salarié visé par une convention collective, c’est la procédure prévue par celle-ci qui s’applique, soit la procédure de grief et d’arbitrage. Toutefois, pour les personnes qui sont sous convention, mais qui n’ont pas droit à la procédure de grief, elles doivent s’adresser à la CNESST.

9.9 Quel doit être le contenu d’une plainte d’un salarié non représenté par un syndicat ?

Les dispositions de la loi ne comprennent aucune règle quant à la procédure à suivre pour la rédaction d’une plainte de harcèlement psychologique lorsqu’elle est présentée par un salarié non représenté par un syndicat. Il n’y a donc aucun contenu obligatoire qui est exigé pour le dépôt de la plainte. Dans tous les cas, on ne saurait être plus exigeant envers un salarié dont les conditions de travail sont déterminées par une convention collective sans déroger à des dispositions d’ordre public. Ainsi, l’on ne peut, pour cette seule considération, juger un grief irrecevable en raison de l’absence d’énumération des faits à l’origine du grief. Il n’y a pas de forme particulière quant au contenu de la plainte. Par exemple, constitue une plainte le fait pour le salarié de remettre directement à son employeur une lettre indiquant qu’il se plaint d’une conduite vexatoire dans le cadre de son emploi. À noter que la CNESST fournit gratuitement le formulaire de plainte qui peut être utilisé et qui est disponible sur le site Internet de la Commission. Celle-ci fournit de l’aide et des renseignements pour chaque plaignant.

9.10 Quel est le cadre d’analyse du décideur ?

Dans tous les cas, le décideur doit nécessairement déterminer s’il y a eu une conduite vexatoire, laquelle doit en principe se manifester de façon répétitive et de manière hostile ou, encore, non désirée. Également, le décideur doit établir si cette conduite a porté atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et si elle a entraîné un milieu de travail néfaste. Par ailleurs, le harcèlement psychologique ne peut reposer sur de simples perceptions ou insinuations.

9.11 Quel est le rôle du syndicat face à un grief de harcèlement psychologique ?

Les dispositions de la loi portant sur le régime de protection contre le harcèlement psychologique s’appliquent à tous les salariés, qu’ils soient ou non syndiqués, en l’intégrant dans toutes les conventions collectives. Toutefois, en édictant cette règle, le législateur fait bien plus que d’inclure simplement à la convention collective un ensemble d’articles. C’est tout un régime de protection qu’il intègre. Contrairement à la philosophie d’intervention, ou de non-intervention, ce régime impose à l’association accréditée d’être active et vigilante. Elle ne peut faire de l’attentisme et demeurer dans l’inaction. Le régime impose à toute association accréditée d’être active et vigilante. Ainsi, un syndicat fait preuve de négligence grave à l’endroit d’un salarié en refusant de faire enquête au sujet des allégations de harcèlement psychologique qu’il a formulées et en omettant de déposer un grief en son nom. Dans ce cas, le salarié a un recours contre son syndicat pour manquement au devoir de représentation.

9.12 Quel est le délai pour déposer une plainte et que doit contenir la plainte ?

Depuis le 1er juin 2018, pour déposer une plainte, le délai est de deux ans, plutôt que de 90 jours, à partir de la dernière manifestation du harcèlement psychologique. Ainsi, au lieu de décider que le recours devait être exercé dans les deux ans de l’événement, le législateur a plutôt prescrit que le dépôt d’une plainte devait s’effectuer dans les deux ans de la dernière manifestation d’une conduite harcelante. Ainsi, le législateur reconnaît qu’il puisse exister des manifestations antérieures, ce qui n’empêche toutefois pas l’exercice du recours ni la mise en preuve de ces manifestations lors de l’audience. Dans tous les cas de plaintes basées sur le harcèlement psychologique, il faut que la réclamation trouve un fondement dans des gestes ou, encore, dans une manifestation de conduite harcelante au cours des deux ans précédant le dépôt de la plainte. Ainsi, c’est seulement si la preuve de tels gestes ou d’une telle conduite est faite qu’il y aura lieu d’envisager la recevabilité en preuve d’éléments antérieurs.

9.13 La transmission du détail des faits est-elle obligatoire ?

Il est établi en matière de harcèlement psychologique, lorsque les allégations sont trop vagues ou imprécises pour permettre à la partie visée par la plainte de savoir qui sont les personnes à l’origine du harcèlement allégué et quels sont les comportements reprochés ou les événements qui en témoignent, que les décideurs doivent ordonner à la partie qui formule de telles allégations de fournir ces renseignements essentiels à la partie contre qui elles sont dirigées. Toutefois, en matière de requête pour précisions, il faut faire une distinction entre ce qui est clairement nécessaire à la compréhension réelle par une partie des reproches de harcèlement psychologique qu’on lui adresse et les moyens de preuve auxquels on compte recourir afin d’en démontrer le bien-fondé. Dans tous les cas, la partie plaignante n’est pas tenue de révéler les moyens de preuve qu’elle entend faire valoir pour étayer ses prétentions.

9.14 Quelles sont les informations que doit fournir l’employeur lorsqu’il impose une sanction à un salarié ?

L’employeur qui congédie un salarié pour harcèlement psychologique et intimidation doit fournir au salarié concerné un minimum d’éléments tels que les circonstances de temps et de lieux, le contenu approximatif des propos reprochés, par exemple, ainsi que le nom des personnes impliquées, et ce, afin de permettre au salarié de les situer dans le temps et dans leur contexte. Ces éléments dans le contexte du harcèlement psychologique doivent permettre au salarié de pouvoir se défendre et d’avoir une idée des reproches formulés à son égard. Toutefois, l’employeur n’est pas tenu de fournir au salarié le contenu de ses éléments de preuve.

9.15 Le salarié visé qui se voit imposer une mesure disciplinaire pour ses faits et gestes peut-il contester la mesure imposée ?

Le salarié assujetti à une convention collective peut contester par grief et, s’il bénéficie de plus de deux ans de service continu, il peut déposer une plainte pour contester le congédiement. Dans ces deux cas, il revient à l’employeur de démontrer la cause de l’imposition de la sanction et la justesse de celle-ci. Le choix de la mesure imposée doit reposer sur un certain nombre de critères objectifs en fonction de certains éléments. L’employeur doit, par exemple, tenir compte de la gravité des gestes, de la répétition et de la continuité de ceux-ci, des circonstances aggravantes et atténuantes, du refus exprimé ou non par la victime, des effets du harcèlement, du nombre de victimes, de la fonction du harceleur, de l’admission des faits et de la présence de regrets, de l’ancienneté, des effets de la drogue ou de l’alcool, du dossier disciplinaire, du contenu de la politique, de la possibilité de réhabilitation, etc.

9.16 Qui a le fardeau de démontrer et de prouver la présence du harcèlement psychologique ?

Il revient au plaignant de fournir une preuve prépondérante d’une conduite vexatoire ou d’une conduite grave. Une simple allégation vague et générale est insuffisante. Il doit le faire à l’aide d’une preuve étayée, précise et prépondérante et non au moyen d’une preuve fondée sur des allégations vagues, générales ou ambiguës. Ainsi, une preuve qui repose uniquement sur des perceptions ou des suppositions n’est pas suffisante pour établir la présence de harcèlement psychologique. Il faut tenir compte du fait que les éléments énoncés par la loi sont cumulatifs et doivent tous être prouvés par le salarié plaignant.

9.17 Qu’est que la médiation et est-elle obligatoire ?

La plupart des politiques concernant le harcèlement psychologique prévoient et doivent prévoir un processus de médiation. La médiation est une démarche informelle et volontaire qui présuppose la collaboration des parties impliquées lors de rencontres en présence d’une tierce partie neutre, soit un médiateur. Elle a pour but de permettre aux personnes concernées de trouver ensemble une solution acceptable pour elles.

Si la situation ne se règle pas, la plainte est alors déférée à l’arbitrage ou à la CNESST, selon le cas. La CNESST offre aussi ce type de service. Elle peut en tout temps, soit au cours de l’enquête et avec l’accord des parties, demander au ministre de nommer une personne pour entreprendre avec elles une médiation. La CNESST peut aussi, sur demande du salarié, l’assister et le conseiller pendant la médiation. Cette médiation est volontaire et le rôle du médiateur est aussi de permettre aux personnes concernées de trouver ensemble une solution acceptable pour elles.

9.18 Un tiers peut-il intervenir dans un débat concernant une plainte de harcèlement psychologique ?

Le tiers qui désire intervenir dans un débat concernant une plainte de harcèlement psychologique doit démontrer :

  • Qu’il a un intérêt juridique direct, personnel, né et actuel;
  • Que des circonstances exceptionnelles justifient son intervention;
  • Que celle-ci est nécessaire.

Ces trois critères sont cumulatifs et doivent être établis avant qu’une intervention ne soit autorisée. De plus, le rôle accordé au tiers qui désire intervenir doit tenir compte de la nature de la question en litige, de l’objet de l’arbitrage et du rôle que le législateur a confié à chacune des parties. La jurisprudence dominante est de limiter le rôle de l’intervention du tiers. Le fait qu’il s’agisse d’un grief déposé dans le cadre du harcèlement psychologique ne doit pas nous faire oublier les principes régissant les rapports collectifs de travail.

En somme, les intérêts de l’employeur et ceux de celui qui veut intervenir se confondent, le premier soutenant que le second n’a pas exercé de harcèlement psychologique à l’endroit du plaignant. Également, la conduite harcelante engage la responsabilité de l’employeur. Aussi, le litige entre les parties ne doit pas se transformer en litige entre le prétendu harceleur et le plaignant. Enfin, il peut être permis au tiers intervenant d’assister à l’audience et d’être représenté par l’avocat de son choix. Il peut être interrogé par son procureur et plaider sur la preuve factuelle présentée par les parties concernant ses droits fondamentaux ainsi que sur la conclusion recherchée qui le vise expressément. Toutefois, il peut ne pas être autorisé à assigner des témoins ni à contre-interroger ceux que les parties auront assignés.

9.19 Pour quel motif un tiers pourrait intervenir dans un litige ?

Il est possible de permettre à une personne d’intervenir dans le cadre d’un grief de harcèlement psychologique lorsqu’il peut y avoir une atteinte aux droits fondamentaux d’une personne. À cette fin, cette personne pourra assister à l’audience, être représentée par un avocat pendant son interrogatoire ou son contre-interrogatoire par les parties, être interrogée par son procureur sur les faits et actes qui lui sont personnellement reprochés par le syndicat et qui peuvent porter atteinte à ses droits fondamentaux, plaider sur la preuve relative à ses faits et actes et, avec l’autorisation préalable de l’arbitre, intervenir autrement à l’audience dans le respect du débat contradictoire des parties, si telle intervention se justifie en vertu de son droit à la protection de ses droits fondamentaux.

9.20 Quelle forme doit prendre l’enquête de la CNESST ?

Le législateur a accordé des pouvoirs d’enquête à la CNESST qui est l’organisme dont la fonction est la surveillance de la mise en oeuvre et de l’application des normes du travail. La forme de l’enquête de la CNESST n’est pas définie ni encadrée par la Loi sur les normes du travail. Il lui appartient donc d’en déterminer la forme et la teneur. À la fin de l’enquête, si aucun règlement n’intervient entre les parties et si la CNESST donne suite à la plainte, cette dernière est déférée sans autre formalité au Tribunal administratif du travail qui doit en disposer. Ce tribunal n’a aucun pouvoir de surveillance ou de contrôle vis-à-vis de la CNESST.

Que ses pouvoirs soient considérables ou non, que l’employeur collabore ou non, que le rapport d’enquête soit transmis au service juridique de la CNESST ou non, et même que l’enquête ait lieu ou non, ne concerne pas le tribunal puisque la compétence de celle-ci commence uniquement au moment où la plainte lui est déférée. Ainsi, il n’appartient pas au tribunal de se prononcer sur le caractère approprié ou non de l’enquête menée par la Commission ou, encore, de sanctionner le fait qu’une telle enquête n’a pas été tenue par elle. Le tribunal n’a aucun pouvoir de surveillance ou de contrôle sur la façon dont la Commission exerce les mandats qui lui sont confiés par la loi. Dès que la Commission décide de lui déférer une plainte de harcèlement psychologique, le tribunal en est valablement saisi et doit en disposer.

9.21 Quelle est la distinction entre la CNESST et le Tribunal administratif du travail ?

La CNESST et le Tribunal administratif du travail sont deux organismes totalement indépendants. Le Tribunal administratif du travail est un organisme quasi judiciaire, alors que la CNESST est un organisme administratif. Il existe donc un mur étanche entre ces deux organismes. Pour entendre une affaire, le Tribunal administratif du travail doit être saisi d’une plainte écrite à défaut de quoi il est sans compétence. S’il y a des erreurs ou de la négligence à la CNESST, le tribunal ne peut intervenir. Ce dernier n’a aucun pouvoir ou autorité pour ordonner à la Commission de faire ou de ne pas faire quelque chose.

À savoir !
Il existe plusieurs recours qui sont à la portée du salarié qui croit être victime de harcèlement psychologique ou sexuel au travail.
À retenir !
Le salarié doit d’abord se référer à la politique en vigueur chez son employeur pour pouvoir dénoncer une situation ou pour se plaindre de harcèlement psychologique ou sexuel au travail.
Attention !
Il revient au salarié plaignant de démontrer qu’il est victime de harcèlement psychologique ou sexuel au travail. Il lui revient de faire cette preuve à l’aide d’une preuve étayée, précise et prépondérante et non au moyen d’une preuve fondée sur des allégations vagues, générales ou ambiguës, d’où l’intérêt de bien documenter la situation au fur et à mesure et de conserver toutes les preuves.