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Une seule conduite grave

Chapitre VI
  1. Que signifie l’expression une seule conduite grave ?
  2. Quels sont les types de conduites que l’on retrouve et quelle est la distinction entre elles ?
  3. Quels sont les critères pour déterminer la seule conduite grave ?
  4. Comment évalue-t-on le niveau de gravité ?
  5. Les conséquences de la conduite doivent avoir un impact sur quoi ?
  6. Le critère de la perspective d’ensemble ou globale s’applique-t-il à la seule conduite grave ?
  7. Quels sont les exemples de cas d’application constituant une seule conduite grave ?
  8. Quels sont les exemples de cas d’application ne constituant pas une seule conduite grave ?

6.1 Que signifie l’expression une seule conduite grave ?

Quatre éléments sont indispensables pour conclure qu’une seule conduite constitue du harcèlement psychologique. Le plaignant a le fardeau de démontrer :

  • Qu’il s’agit d’une conduite vexatoire au sens du premier alinéa de l’article 81.18 L.N.T.;
  • Que cette conduite est grave;
  • Que cette conduite grave porte atteinte, soit à sa dignité, soit à son intégrité psychologique ou physique;
  • Que cette atteinte produit un effet nocif continu pour lui.

L’on peut aussi mentionner qu’un seul événement grave qui produit un effet nocif continu peut constituer exceptionnellement une conduite vexatoire. Une attitude grave doit être évaluée en elle-même, bien qu’il n’y ait pas d’autres écarts de conduite, pour déterminer si elle a produit un effet nocif continu. Une conduite est susceptible d’être évaluée en elle-même dès lors qu’elle apparaît manifestement hors de l’ordinaire et qu’elle est carrément inexcusable.

Il faut également constater une nocivité découlant de cette conduite grave, c’est-à-dire identifier à un moment donné dans le temps des conséquences fâcheuses résultant de cette conduite isolée. L’effet nocif continu renvoie à un diagnostic qui porte sur une certaine période de temps et non seulement dans l’immédiat ou à très court terme. Par voie de conséquence, il doit y avoir une preuve de cause à effet entre un incident unique et l’effet nocif de celui-ci.

En somme, une seule conduite grave peut constituer du harcèlement psychologique si deux conditions sont satisfaites: cette conduite grave doit d’abord porter «une telle atteinte» – à savoir une atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié – et elle doit ensuite produire «un effet nocif continu pour le salarié».

6.2 Quels sont les types de conduites que l’on retrouve et quelle est la distinction entre elles ?

On retrouve deux types de conduites dans le cadre de la définition prévue par la Loi sur les normes du travail, soit en premier lieu, la conduite vexatoire, répétée et non désirée ou encore, celle qui est unique, mais grave. Si ces deux conduites doivent porter atteinte à la dignité ou encore à l’intégrité psychologique ou physique du salarié, il y a clairement une distinction entre les deux. Ainsi, la conduite vexatoire, répétée et non désirée doit entraîner un milieu de travail néfaste pour le salarié, tandis que la conduite grave unique doit produire «un effet nocif continu» pour celui-ci. Cette distinction est importante. En effet, la conséquence du comportement sur le milieu de travail est évacuée dans la seconde hypothèse. Ainsi, et par exemple, une seule conduite grave qui survient pendant une rencontre de congédiement peut constituer du harcèlement psychologique si elle est vexatoire, si elle porte atteinte à la dignité ou encore à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et si elle produit un effet nocif continu à son égard.

6.3 Quels sont les critères pour déterminer la seule conduite grave ?

Un seul événement grave qui produit un effet nocif continu peut constituer exceptionnellement une conduite vexatoire. Une attitude grave doit être évaluée en elle-même, bien qu’il n’y ait pas d’autres écarts de conduite, pour déterminer si elle a produit un effet nocif continu. Une conduite est susceptible d’être évaluée en elle-même dès lors qu’elle apparaît manifestement hors de l’ordinaire et qu’elle est carrément inexcusable. Il faut également constater une nocivité découlant de cette conduite grave, c’est-à-dire identifier à un moment donné dans le temps des conséquences fâcheuses résultant de cette conduite isolée. L’effet nocif continu renvoie à un diagnostic qui porte sur une certaine période de temps et non seulement dans l’immédiat ou à très court terme. Par voie de conséquence, il doit y avoir une preuve de cause à effet entre un incident unique et l’effet nocif.

6.4 Comment évalue-t-on le niveau de gravité ?

Il s’évalue selon que le fait qu’une conduite unique peut constituer du harcèlement psychologique si son caractère est objectivement grave. Le niveau de gravité pourra, entre autres, être mesuré en fonction de l’effet nocif continu que cette conduite pourrait produire chez une personne raisonnable.

6.5 Les conséquences de la conduite doivent avoir un impact sur quoi ?

Dans le cas d’une seule conduite, en plus de tous les autres éléments mentionnés dans le cas du harcèlement psychologique, l’atteinte du harcèlement psychologique doit produire un effet nocif continu pour le salarié. Les conséquences du harcèlement doivent donc avoir un impact sur la victime et non pas uniquement sur le milieu de travail. Le terme «nocif» fait référence à un effet véritablement nuisible, ayant des effets continus, sans être permanents.

6.6 Le critère de la perspective d’ensemble ou globale s’applique-t-il à la seule conduite grave ?

Les conditions pour conclure à une conduite vexatoire dans le cas du harcèlement psychologique imposent de ne pas se limiter à un seul élément isolé, mais de maintenir une perspective d’ensemble de la situation. Cette règle de droit s’applique également lorsque l’on invoque une seule conduite grave au sens de la loi; il est alors pertinent et nécessaire de la situer dans son contexte. De plus, le seul fait qu’une personne se sente humiliée ou menacée par la conduite d’un supérieur ou d’un collègue ne suffit pas pour qualifier la conduite de vexatoire ou de grave. Cette situation doit être analysée objectivement, et toutes les autres conditions prévues par la loi doivent être rencontrées.

6.7 Quels sont les exemples de cas d’application constituant une seule conduite grave ?

Il existe une très grande multitude de situations qui ont été qualifiées par les différents tribunaux comme étant des cas constituant une seule conduite grave lorsqu’il y a atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié, par exemple :

  • Le fait d’être victime d’une violente attaque verbale absolument intolérable dans un milieu de travail constitue une seule conduite grave;
  • Les menaces et l’intimidation, de même que l’utilisation de la force physique pour faire signer au salarié un document de démission constituent une seule conduite grave;
  • Des gestes à caractère sexuel, soit des gestes irrespectueux et des attouchements sexuels, commis lors d’un événement unique;
  • L’attouchement sexuel par le supérieur de la salariée lors d’une fête de Noël, soit le fait de lui avoir touché un sein en glissant un glaçon dans son chandail;
  • La séquestration d’une salariée par un collègue de travail;
  • Le fait d’être accusé faussement d’avoir exercé du harcèlement psychologique;
  • Le fait de menacer un salarié de son poing en tenant des propos vulgaires, injurieux et racistes;
  • La lecture publique de reproches injustifiés à l’endroit d’un salarié devant une salle pleine de citoyens et de journalistes;
  • Se livrer à des voies de fait et proférer des menaces de mort;
  • L’agression physique de la part d’un collègue de travail;
  • Le fait pour un représentant de l’employeur de se précipiter vers la porte afin de bloquer la sortie de la salle à un représentant syndical et de dire d’un ton agressif et menaçant que les choses tourneraient mal si les personnes sortaient;
  • Le fait d’isoler un salarié après une ordonnance de réintégration émise par un arbitre, d’obstruer les vitres de la classe du salarié gardien d’enfants, de même que l’intrusion permanente dans sa vie privée par des médias et la création d’un site Web hébergeant une pétition contre la violence en garderie.

6.8 Quels sont les exemples de cas d’application ne constituant pas une seule conduite grave ?

Il existe également une très grande multitude de situations qui ont été qualifiées par les différents tribunaux comme étant des cas ne constituant pas une seule conduite grave lorsqu’il y a absence d’atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié, par exemple :

  • Des paroles prononcées dans le contexte d’un conflit de personnalités;
  • Un niveau de langage inapproprié;
  • Une conversation téléphonique privée, déplaisante et déplacée, tenue par deux collègues de travail;
  • Une réaction de colère et d’exaspération qui constitue une manifestation spontanée d’agressivité ou d’irritabilité;
  • Le transfert ou le déplacement d’un salarié d’un lieu de travail à un autre;
  • Le fait que des collègues de travail verrouillent les portières d’un véhicule en marche et laissent le salarié seul dehors sur l’autoroute;
  • Des gestes déplacés, comme passer sa main dans les cheveux d’un collègue de travail;
  • Des paroles prononcées par le supérieur du salarié ne constituent pas du harcèlement psychologique lorsqu’elles ne sont qu’une réaction d’agressivité à l’insolence manifestée;
  • Des propos tenus par le supérieur immédiat ne constituent pas du harcèlement psychologique lorsqu’ils sont tenus dans le cadre d’une rencontre professionnelle et qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir;
  • Des propos excessifs tenus lors d’une rencontre portant sur des questions d’ordre professionnel;
  • L’attitude des supérieurs du salarié de même que des paroles grivoises et le manque de civilité;
  • Le langage abusif et la réaction de colère de la part d’un supérieur à l’égard d’un salarié.
À savoir !
Il n’y a pas de définition dans la loi de ce que pourrait être une seule conduite grave. D’ailleurs, il n’existe pas non plus à ce jour de définition élaborée par les tribunaux. Toutefois, il existe une série de précédents permettant de cerner la question de la notion de ce que constitue une seule conduite grave.
À retenir !
Le critère de la perspective d’ensemble ou globale s’applique également à la notion d’une seule conduite grave. Il faut aussi que l’atteinte produise un effet nocif continu pour le salarié.