Le harcèlement psychologique et les autres situations au travail

1. Quelle est la distinction entre une situation conflictuelle et du harcèlement psychologique ?
2. Quelle est la distinction entre des mésententes et du harcèlement psychologique ?
3. Quelle est la distinction entre un conflit légitime et du harcèlement psychologique ?
4. Quel est le critère applicable pour faire la distinction entre une situation conflictuelle et du harcèlement psychologique ?
5. Des problèmes relationnels peuvent-ils occasionner du harcèlement psychologique ?
6. Un conflit interpersonnel ouvert, de l’insubordination et le manque de respect peuvent-ils constituer du harcèlement psychologique ?
7. Le salarié est-il tenu d’être au travail pour se plaindre de harcèlement psychologique ?
8. Quel est le délai pour qu’apparaisse le harcèlement psychologique ?
9. Le salarié doit-il dénoncer le harcèlement psychologique à la première occasion ?

2.1 Quelle est la distinction entre une situation conflictuelle et du harcèlement psychologique?

Il faut faire la distinction entre une situation conflictuelle et du harcèlement psychologique. La différence principale entre ces deux situations est essentiellement la suivante: dans un conflit, les reproches sont connus et la communication est ouverte et directe, les deux parties sont en quelque sorte considérées sur un pied d’égalité, alors que, dans une situation de harcèlement psychologique, il y a du non-dit et la partie qui attaque déprécie la valeur de l’autre partie en cherchant à la dominer et à la soumettre. La personne qui harcèle une autre personne ne cherche pas à critiquer son travail, bien fait ou mal fait, mais plutôt à l’atteindre personnellement en vue, consciemment ou non, de la blesser, de lui nuire et de la dominer. La situation conflictuelle au travail est marquée de reproches nommés, alors que le harcèlement psychologique se manifeste généralement par le non-dit et la dissimulation.

2.2 Quelle est la distinction entre des mésententes et du harcèlement psychologique?

Ce ne sont pas tous les gestes inappropriés ou les attitudes inadéquates qui conduisent à conclure qu’on est en présence de harcèlement psychologique au sens de la Loi sur les normes du travail. Ainsi, tous les conflits, toutes les mésententes et toutes les relations tendues ne sont pas la source ou la manifestation d’une situation de harcèlement psychologique en milieu de travail. Par exemple, des rapports sociaux difficiles, des situations conflictuelles légitimes liées aux exigences normales du milieu de travail, la victimisation, la personnalité paranoïde, les relations de travail qui relèvent des obligations liées à l’exécution du contrat de travail, ne doivent pas être assimilés à du harcèlement psychologique et ne sont généralement pas la source d’une telle situation.

2.3 Quelle est la distinction entre un conflit légitime et du harcèlement psychologique?

Il y a lieu de faire une distinction entre un conflit légitime découlant de la relation du travail et le harcèlement psychologique au sens de la Loi sur les normes du travail. Le conflit est une manifestation normale des rapports humains et sociaux. Une relation conflictuelle peut mener à du harcèlement psychologique, mais, dans un tel cas, la preuve doit démontrer de la méchanceté et des abus gratuits, totalement disproportionnés avec l’objet du litige ou sans rapport avec lui, et ce, de manière répétée et systématique. Arriver à une autre conclusion équivaudrait à déclarer harceleur toute personne qui, en situation de conflit, attaque légitimement la crédibilité de l’autre ou perd la maitrise d’elle-même sous le coup de la colère, ce qui ne correspond pas à l’intention du législateur en ce qui concerne la question du harcèlement psychologique.

2.4 Quel est le critère applicable pour faire la distinction entre une situation conflictuelle et du harcèlement psychologique?

Comme déjà mentionné, une situation conflictuelle entre deux personnes au travail n’engendre pas nécessairement et forcément du harcèlement psychologique. C’est plutôt le critère objectif d’appréciation de la conduite de la victime présumée qui permet de distinguer la situation conflictuelle du harcèlement psychologique. Il importe de bien saisir que dans une situation conflictuelle, la conduite des deux parties en litige est centrée sur l’objet même du litige à résoudre, tandis que dans une situation de harcèlement, la conduite de l’une des parties est centrée sur l’autre, de manière répétitive et hostile, et met en cause sa dignité ou son intégrité.

2.5 Des problèmes relationnels peuvent-ils occasionner du harcèlement psychologique?

Des problèmes relationnels de la part d’un représentant de l’employeur à l’égard du salarié, en l’absence de preuve d’hostilité et de l’intention de porter atteinte à la dignité de celui-ci, ne peuvent constituer du harcèlement psychologique. Ainsi, des problèmes de relations entre le salarié plaignant et ses collègues de travail ainsi qu’entre le plaignant et ses supérieurs ne constituent pas du harcèlement psychologique dans le contexte d’un conflit de personnalités où les personnes ont des relations tendues et difficiles durant la période pertinente. Il ne peut y avoir de harcèlement psychologique dans le cas où le salarié plaignant voit des traitements empreints de discrimination, des injustices, de l’abus de confiance et du harcèlement alors que l’employeur invoque les impératifs de la gestion efficace de son entreprise et les problèmes de comportement du salarié plaignant.

2.6 Un conflit interpersonnel ouvert, de l’insubordination et le manque de respect peuvent-ils constituer du harcèlement psychologique?

Un conflit interpersonnel ouvert, l’insubordination et le manque de respect ne constituent pas nécessairement du harcèlement psychologique. En effet, le conflit est souvent marqué de reproches nommés, alors que le harcèlement dit moral se manifeste plutôt généralement par le non-dit et la dissimulation. Le conflit est une source de renouvellement et de réorganisation puisqu’il oblige à se remettre en question. Par contre, le harcèlement psychologique met en relief une relation dominant-dominé. La victime est plus souvent qu’autrement déroutée par les comportements et les attitudes du harceleur. Ce sont ces attaques soutenues, parfois anodines, mais presque toujours inexplicables par la situation ou son contexte, qui suscitent le malaise et la remise en question, puis qui, à terme, portent atteinte à l’intégrité psychologique.

2.7 Le salarié est-il tenu d’être au travail pour se plaindre de harcèlement psychologique?

Il n’y a pas d’obligation prévue par la loi pour un salarié d’être présent dans le milieu de travail en tout temps pour pouvoir bénéficier de la protection contre le harcèlement psychologique. Aucun indice qui concourt en ce sens n’est indiqué dans la Loi sur les normes du travail. Selon le sens logique des choses, certaines personnes en congé de maladie, en vacances, absentes du lieu de travail habituel pour quelque motif que ce soit, ne peuvent être exclues de l’application de la loi, alors que peut se manifester pendant ce temps une cause de harcèlement psychologique reconnue comme le dénigrement ou la dépréciation d’une personne aux yeux de collègues ou de tiers.

2.8 Quel est le délai pour qu’apparaisse le harcèlement psychologique?

Le harcèlement psychologique peut être défini comme une conduite inacceptable qui ne peut être appréciée qu’en examinant une situation dans son ensemble, situation qui, parfois, peut être définie dans le temps et, parfois, peut s’échelonner au cours d’une assez longue période avant que la victime puisse prétendre qu’elle est harcelée. Ainsi, prendre conscience qu’on est victime de harcèlement psychologique, surtout dans le cas où il s’agit d’une série de gestes, de paroles, de comportements plus ou moins graves, nécessite souvent un certain écoulement du temps. En fait, le temps est de l’essence du harcèlement: ce dernier est une faute qui comporte une certaine durée. On peut affirmer que le harcèlement psychologique est le résultat cumulé d’un certain nombre de gestes plus ou moins graves qui ont un caractère répétitif et persistant. C’est l’accumulation des incidents qui, rétrospectivement, fait paraître leur véritable importance. Par contre, le harcèlement psychologique peut se manifester très rapidement dans le cas qui implique une seule conduite grave.

2.9 Le salarié doit-il dénoncer le harcèlement psychologique à la première occasion?

Généralement, on ne peut reprocher à un salarié plaignant d’avoir omis de dénoncer sans délai le harcèlement dont il était victime, plus particulièrement lorsque le harceleur est la personne qui détient le plus haut niveau d’autorité. Autrement dit, il peut être difficile parfois de reprocher à un salarié de ne pas avoir dénoncé à la première occasion une situation de harcèlement psychologique. En effet, plus particulièrement dans le contexte où le salarié se retrouve sous le contrôle et la surveillance de la personne détenant la plus haute autorité, il peut être très délicat, pour toutes sortes de raison, de faire à la première occasion une telle dénonciation. Il faut évaluer chaque situation dans son contexte, selon toutes les circonstances de chaque affaire.