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Le télétravail : introduction

Chapitre I
  1. Qu’est-ce que le télétravail ?
  2. Qu’est-ce qu’un télétravailleur ?
  3. Quel est le statut juridique du télétravailleur au Québec ?
  4. Est-ce que le télétravail est prévu dans une législation au Québec ?
  5. Quels sont les différents types et formes de télétravail ?
  6. Quels sont les avantages du télétravail ?
  7. Quels sont les inconvénients ou les risques potentiels du télétravail ?

1.1 Qu’est-ce que le télétravail ?

Il n’y a pas de définition «officielle» de ce que constitue le télétravail. Celui-ci n’est défini dans aucune législation au Québec ou au Canada. Il n’existe donc pas de définition unique et uniforme. Toutefois, l’on peut très bien imaginer que le télétravail est basé, en réalité, sur l’autorisation d’exécuter à distance la prestation de travail, soit généralement au domicile du salarié, par l’utilisation de différents moyens technologiques de l’information et des télécommunications, que ce soit par ordinateur, téléphone, téléphone cellulaire, modem, courriel, télécopieur, Internet, etc. Notons que le Canada n’a pas ratifié la Convention (n° 177) sur le travail à domicile du 20 juin 1996 de l’Organisation internationale du travail.

1.2 Qu’est-ce qu’un télétravailleur ?

Il n’y a pas non plus de définition officielle de ce que constitue un télétravailleur. Ce concept n’est défini dans aucune législation au Québec ou au Canada. Cependant, malgré cette absence de statut, il est raisonnable de penser que le télétravailleur est la personne qui exécute sa prestation de travail à partir de son domicile, ou à l’extérieur de son lieu habituel de travail, via les nouvelles technologies de l’information, sous le contrôle et la surveillance et pour le bénéfice de son employeur. Jusqu’à tout récemment le télétravail était encore assez minoritaire. Évidemment, comme chacun le sait, le contexte qui s’est imposé radicalement avec l’avènement de la pandémie de la COVID-19 a changé la donne. Alors, il y a eu une très grande majorité de personnes qui sont devenues du jour au lendemain, bien malgré elles, des télétravailleuses. Notons que cette notion exclut le travailleur autonome, qui, lui, rend ses services sans lien de subordination avec l’entreprise.

1.3 Quel est le statut juridique du télétravailleur au Québec ?

Il n’y a pas de statut juridique du télétravailleur dans la législation, et cette absence peut soulever plusieurs questions qui sont abordées dans le présent ouvrage. Autrement dit, aucun statut juridique n’est reconnu au Québec pour ce type de salarié, contrairement à d’autres législations dans le monde. Malgré cela, il faut quand même être en mesure de définir clairement le rapport juridique qui existe entre la personne qui exécute à distance la prestation de travail et le donneur d’ouvrage, soit l’employeur. Notons qu’il n’y a pas de définition de salarié prévue dans le Code civil du Québec. Dans la Loi sur les normes du travail, il est indiqué que le salarié est une personne qui travaille pour un employeur et qui a droit à un salaire; ce mot comprend en outre le travailleur parti à un contrat en vertu duquel:

  1. il s’oblige envers une personne à exécuter un travail déterminé dans le cadre et selon les méthodes et les moyens que cette personne détermine;
  2. il s’oblige à fournir, pour l’exécution du contrat, le matériel, l’équipement, les matières premières ou la marchandise choisis par cette personne, et à les utiliser de la façon qu’elle l’indique;
  3. il conserve, à titre de rémunération, le montant qui lui reste de la somme reçue conformément au contrat, après déduction des frais d’exécution de ce contrat.

La notion de salarié prévue par la Loi sur les normes du travail englobe aussi celle de l’entrepreneur dépendant, compte tenu de la définition retenue par le législateur. Cette notion n’est pas prévue au Code civil. À tout évènement, on peut affirmer que le salarié est une personne qui travaille pour un employeur et qui a droit à un salaire. L’on peut, peut-être, dans certains contextes probablement, s’inspirer de ces notions pour qualifier une personne de salarié au sens du Code civil. Toutefois, vu le nombre d’inclusions et d’exclusions prévues dans cette loi, il faut être très prudent dans l’utilisation de cette définition. Notons aussi que les dispositions du Code civil ne distinguent pas le salarié du cadre intermédiaire et du cadre supérieur. Évidemment, le cadre est le représentant de l’employeur. Ce qui vient complexifier la chose, c’est que les définitions du statut d’une personne varient d’un texte à l’autre. Ainsi, et sous réserve de distinctions dans le contexte des lois particulières, trois éléments caractérisent le statut de salarié et qui doivent être présentes, soit: une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination envers l’employeur. Les deux premiers éléments sont relativement faciles à déterminer et à constater. C’est donc le lien de subordination qui permet de distinguer le salarié de l’entrepreneur, l’entrepreneur n’étant jamais, d’aucune façon, sous le contrôle du donneur d’ouvrage.

Dans les faits, c’est la question du lien de subordination envers l’employeur qui devient importante et essentielle pour déterminer si la personne est sous le contrôle ou non du donneur d’ouvrage. Sans entrer dans tous les méandres des détails, pour la détermination du véritable salarié, les règles générales du test portent sur plusieurs éléments et critères en lien avec les trois éléments ci-haut mentionnés.

Les questions suivantes se posent pour la question de la subordination juridique en mode télétravail, soit notamment: quelle est l’intégration du télétravailleur au sein de l’entreprise ? Qui contrôle et surveille l’exécution des tâches de la personne ? Comment se matérialisent ce contrôle et cette surveillance ? Est-ce qu’il y a une exécution personnelle de la prestation de travail ? Les outils de travail utilisés sont de quel type ? Ils sont fournis par qui ? Qui en est le propriétaire ? Qui assume les dépenses liées à ces outils et à leur exploitation ? Qui prend le risque des pertes ou des profits ? En somme, en fonction du droit actuellement applicable, l’on peut affirmer que le télétravailleur est considéré comme un salarié dès qu’il a une obligation de fournir une prestation personnelle et réelle de travail de façon régulière, surtout lorsque certaines conditions permettent la surveillance ou le contrôle immédiat de la façon d’exécuter le travail. L’on verra de quelle façon plus loin dans le présent ouvrage.

1.4 Est-ce que le télétravail est prévu dans une législation au Québec ?

En fonction des réponses déjà données précédemment, le lecteur aura compris que c’est le «vide juridique» concernant les questions liées au télétravail. Il faut donc s’en remettre aux lois générales de l’emploi, aux Chartes des droits et libertés, au Code civil du Québec et à la jurisprudence (décisions des tribunaux) pour tenter de trouver des réponses. Dans tous les cas, l’employeur doit tenir compte de plusieurs aspects avant de se lancer dans le télétravail. Ces aspects sont présentés dans le présent ouvrage.

1.5 Quels sont les différents types et formes de télétravail ?

Cela peut peut-être surprendre, mais en réalité il est bon de savoir qu’il existe différents types de concepts et de formes de télétravail. Comme nous l’avons vu précédemment, le télétravail est une forme d’arrangement selon lequel une personne est autorisée par l’employeur à travailler hors de l’entreprise, le plus souvent à son domicile, au moyen des différentes technologies de l’information et des communications. Le télétravail tel qu’on le connait actuellement peut prendre trois formes: 1) le télétravail par projet (entente pour une période prédéterminée et/ou pour un mandat précis); 2) le télétravail occasionnel (entente ponctuelle et de courte durée); 3) le télétravail régulier (entente permettant à une personne d’exercer ses fonctions en partie sur son lieu de travail et en partie à partir de son domicile). Dans ce dernier cas, il s’agit d’une forme qui jusqu’à tout récemment était très peu reconnue et plus ou moins acceptée par les employeurs pour toutes sortes de motifs.

1.6 Quels sont les avantages du télétravail ?

Il y en a beaucoup, et ce, autant pour le salarié que pour l’employeur. Évidemment, les avantages ne sont pas tous les mêmes et n’ont pas tous le même poids et la même importance selon le poste occupé, le type d’entreprise, la personne visée, ses besoins, ses aspirations, le goût ou non de travailler à distance et en isolement, etc. Il faut également distinguer les avantages du salarié de ceux de l’employeur. Les listes des avantages énumérées ci-bas ne sont soumises qu’à titre de suggestion.

Pour le salarié, cela peut être, notamment, les avantages suivants, soit :

  • Une réduction et même une suppression du temps de transport. Donc, un gain de temps;
  • Moins de distractions que dans l’environnement au bureau;
  • Une augmentation de la concentration par l’élimination des distractions;
  • Une diminution du stress engendré par les déplacements, par les bouchons de circulation ou de trajets effectués dans les transports en commun;
  • Une réduction du stress due au fait de ne pas être dans un environnement contrôlé;
  • Un horaire de travail plus souple qui laisse plus de temps libre dans la journée et dans la semaine;
  • Un accroissement de l’efficacité et de la productivité par une meilleure gestion du temps (pourvu que le salarié soit quelqu’un d’organisé);
  • Un accroissement de gain en autonomie et en responsabilité, car le salarié organise lui-même son emploi du temps. Donc, un salarié plus motivé;
  • Une diminution des frais de transport, des dépenses, des frais de repas, de cafés, etc. Donc, une réduction des dépenses;
  • La possibilité de faciliter la conciliation travail-famille;
  • Une diversification des tâches, car le salarié peut facilement alterner entre son travail professionnel et ses diverses tâches quotidiennes (tâches parentales, travail dans la maison, travail bénévole, sports et loisirs). Donc, une meilleure qualité de vie;
  • La possibilité de travailler hors de sa ville de résidence;
  • Une diminution de l’empreinte écologique, car moins de déplacements en voiture, en autobus, etc.

Pour l’employeur, cela peut être, notamment, les avantages suivants, soit :

  • Une continuité des services en cas de situation de crise, urgence, tempête, pandémie;
  • Une réduction du coût des loyers lié à la location d’un espace de travail;
  • Une réduction des coûts d’entretien, de chauffage, d’assurances, moins de frais pour l’aménagement des locaux, etc.;
  • Une réduction de l’absentéisme et des retards, surtout dans les grandes villes, en cas de bouchons de circulation, etc.;
  • Une augmentation de la flexibilité des ressources humaines;
  • Une meilleure gestion des déménagements et des transferts d’activité (si l’entreprise change de lieu d’activité, il est possible d’éviter les licenciements liés au changement de zone géographique);
  • Une réduction des frais généraux et des dépenses (pas de frais de transport pour l’employeur);
  • Une augmentation de la motivation;
  • Une augmentation de la compétitivité;
  • Une augmentation de la productivité;
  • Une fidélisation des employés puisque le télétravail est souvent demandé;
  • La possibilité d’attirer et de retenir davantage d’employés qualifiés puisque le télétravail est souvent considéré comme un avantage social très incitatif, principalement par les employés désirant une meilleure conciliation travail-famille;
  • Une meilleure intégration des salariés handicapés;
  • Une augmentation des profits de l’entreprise.

1.7 Quels sont les inconvénients ou les risques potentiels du télétravail ?

Pour le salarié, il peut y avoir plusieurs inconvénients liés à la prestation de travail exécutée en mode télétravail. Ces inconvénients sont notamment les suivants, soit :

  • Le risque de se sentir seul et isolé sur le plan social et professionnel;
  • Le risque de devenir sédentaire;
  • L’obligation d’être pleinement autonome;
  • La sensation de manquer des opportunités;
  • Le risque de toujours être au travail et de ne pas avoir d’horaire défini;
  • Le risque de se faire distraire par des éléments périphériques;
  • Le fait de ne pas développer de routine;
  • La possibilité de développer de la fatigue, des problèmes physiques et/ou psychologiques;
  • La difficulté à séparer la vie professionnelle de la vie personnelle;
  • Les difficultés à régler les problèmes informatiques à distance.

Pour l’employeur, il peut également y avoir plusieurs inconvénients liés à la prestation de travail exécutée en mode télétravail. Ces inconvénients sont notamment les suivants, soit :

  • Problèmes pour maintenir les contacts et les communications directes et ouvertes avec le salarié;
  • Obligation potentielle de développer de nouvelles formes de gestion;
  • Contrôle plus délicat de ce que fait le salarié en heures réellement travaillées;
  • Problèmes d’aménagement des horaires et de la répartition du travail;
  • Problèmes pour la gestion du temps et/ou du temps de travail;
  • Doute quant au travail effectué;
  • Difficultés dans le contrôle du rendement et de la performance au travail;
  • Retard possible dans ce qui doit être livré ou exécuté;
  • Problèmes de suivi des dossiers vu l’absence des salariés;
  • Difficulté à gérer des équipes à distance;
  • Problèmes de socialisation et d’intégration des nouveaux employés;
  • Problèmes pour la sécurité informatique;
  • Problèmes pour la CNESST;
  • Difficultés d’organisation interne lorsque les salariés sont absents.
À savoir !
Il n’y a pas de définition ni d’encadrement juridique au Québec concernant la question du télétravail, il faut donc s’en remettre aux lois générales et aussi à celles applicables en matière d’emploi.
À retenir !
Il existe différentes formes de télétravail: par projet, de façon occasionnelle ou de façon régulière. Il arrive souvent que le télétravail soit effectué sur une base de quelques jours par semaine.
Attention !
Comme il n’existe pas d’encadrement et de statut juridique au Québec du télétravail et du télétravailleur, il faut être prudent lorsque l’on se réfère aux lois de l’emploi et du travail, car chaque législation comporte ses propres objets et définitions. Il faut donc adapter chaque situation selon les faits et les circonstances.