Le contexte économique incertain ne devrait pas inciter les organisations à cesser d’investir dans les outils technologiques innovants leur permettant de répondre aux enjeux liés à la gestion des ressources humaines, estime Jean-François Bordeleau, coprésident de Komplice. Il ajoute que « selon Gartner, 89 % des gestionnaires songent à investir davantage dans les technologies en 2024, et ce, pour une troisième année consécutive ».
Pour savoir quoi prioriser, on peut se baser sur les tendances qui devraient marquer l’année à venir, mentionne Jean-François Bordeleau, comme le recrutement, le bien-être du personnel et une réflexion large sur le recours à l’intelligence artificielle.
Faciliter le recrutement
Le refrain de la pénurie de main-d’œuvre a été maintes fois entendu dans les dernières années, et les services RH sont plus au fait que quiconque de la situation. C’est pourquoi Carole Mari, CRHA, analyste principale SIRH chez Komplice, invite les entreprises à faire le point sur les plateformes de recrutement qu’elles utilisent.
La tendance est aux solutions « plus intuitives, plus simples à utiliser, plus conviviales » et qui permettent aux ressources humaines et aux opérations de collaborer afin de cibler « des candidatures qui, bien souvent, restent dormantes dans les bases de données ».
Certaines plateformes de recrutement offrent aussi la possibilité de géolocaliser la recherche de candidatures, ce qui rendra l’offre d’emploi beaucoup plus attrayante pour les personnes concernées.
Offrir des manières de rapprocher l’équipe, même à distance
La proportion du travail qui se fait au bureau et à la maison varie grandement d’une entreprise à l’autre, mais une chose est manifeste : en 2024, le télétravail continuera d’occuper une place dans les opérations de la majorité des entreprises. Dans ce contexte, celles qui n’ont pas encore implanté de solutions de plateformes collaboratives devraient à tout prix le faire cette année.
« On estime qu’environ 75 % des employées et employés aimeraient interagir avec leurs collègues comme ils le feraient avec leurs amies et amis », soutient Carole Mari. Selon elle, avoir recours à ce type de plateforme pendant la journée pour favoriser les échanges et les discussions ne devrait pas amener des craintes de perte de productivité, mais plutôt être perçu comme une manière d’améliorer le bien-être du personnel.
Ces plateformes sont d’ailleurs hautement personnalisables et peuvent s’adapter aux besoins propres à chaque entreprise. Elles offrent une manière de remplacer la discussion autour de la machine à café pendant les journées de télétravail.
« On sait qu’avoir une ou un ami au travail rend le travail plus agréable. On est plus concerné, plus engagé, plus créatif et plus productif, affirme Carole Mari. Alors, n’hésitez pas à déployer des plateformes collaboratives qui sont de véritables antidotes au stress. »
Favoriser le bien-être et réduire les irritants
Justement le stress, ce grand mal du 21e siècle, devrait pousser les leaders à intégrer des outils de gestion de la qualité de vie qui aident à améliorer les différentes facettes du bien-être de leur main-d’œuvre.
Carole Mari indique que les trois quarts « du personnel serait prêt à quitter leur employeur pour une entreprise qui leur offre plus de soutien quant à leur bien-être ». Citant l’autrice et neuroscientifique Sonia Lupien, elle parle maintenant du stress du travail, et non plus du stress au travail. Déterminer les risques psychosociaux qui sont présents au sein d’une entreprise devient un enjeu d’attractivité. Circonscrire ces risques est aussi désormais prescrit par la loi québécoise depuis la mise à jour de la législation sur la santé et la sécurité du travail.
Concrètement, ces plateformes prennent la forme de tableaux de bord afin de « piloter les facteurs humains de l’entreprise », explique Carole Mari.
Sur le sujet du bien-être, l’analyste SIRH ajoute un rappel important : il ne faut pas négliger la qualité de vie professionnelle des gestionnaires. « Il existe des applications et des outils très intéressants qui peuvent permettre d’apporter des programmes d’e-coaching à vos gestionnaires afin d’appuyer l’humain-gestionnaire. »
« Une ou un gestionnaire avec une intelligence émotionnelle et une empathie développée sont des facteurs essentiels pour soutenir le bien-être de vos employées et employés », soutient Carole Mari.
Elle invite aussi les organisations à s’ouvrir aux outils qui permettent de sonder leurs équipes. « On vous encourage vraiment à […] aller à la rencontre des perceptions de vos employées et employés afin de leur permettre de vous dire les vraies affaires. » Cela peut avoir pour effet de « renforcer le lien d’appartenance des membres du personnel et des gestionnaires ».
Faire appel à l’analyse de données
Jean-François Bordeleau invite les entreprises à faire de l’analytique, c’est-à-dire d’apprendre à écouter et à décortiquer les nombreuses données récoltées au fil du temps. « Vous disposez tous d’informations importantes sociodémographiques et opérationnelles afin de mieux connaître vos employées et employés, de même que la situation de votre entreprise », rappelle-t-il.
Il ne faut pas hésiter à consulter des spécialistes et son fournisseur de domaine pour y voir clair et connaître les solutions d’analytique qui pourraient être appropriées. En croisant les informations disponibles sur « la charge de travail du personnel, la planification des mandats, les ventes et les compétences des personnes à l’emploi », par exemple, on pourrait arriver à revoir l’évaluation de la performance, améliorer le recrutement, mieux cibler ses besoins de formation et bien plus encore.
« Prenez donc le temps d’analyser les données dont vous disposez [et] vous pourrez déterminer les mesures concrètes à prendre pour vos processus et les modules SIRH prioritaires pour vous », conclut le coprésident de Komplice.
Entamer la réflexion sur l’intelligence artificielle
Aucun sigle n’est plus tendance, par les temps qui courent, que le fameux IA. En ce moment, « les éditeurs de logiciels sont en train d’investir de plus en plus massivement dans l’intégration des composantes d’intelligence artificielle générative dans leurs solutions ». D’ici à ce que ces logiciels soient offerts à tout le monde, Carole Mari invite les leaders à entamer la réflexion suivante : « Comment voulez-vous que l’intelligence artificielle soit utilisée au sein de votre entreprise? »
Il n’est pas trop tôt pour le faire, puisqu’environ « 75 % des employées et employés utilisent une certaine forme d’IA dans le cadre de leurs fonctions, alors que seulement 23 % le font avec le consentement de leur employeur ». En d’autres termes, beaucoup font appel à des outils en leur propre nom pour améliorer leur productivité et éviter des tâches répétitives.
Par où commencer? Puisque les robots conversationnels, comme ChatGPT, sont populaires et d’usage courant, déterminer lequel ou lesquels seront permis et encadrés au travail est un bon point de départ. C’est une tâche qui peut être faite en collaboration avec l’équipe des TI, ajoute Carole Mari. Il serait ensuite judicieux de s’abonner à la version payante de ces robots, qui présentent souvent une meilleure protection des données. Les organisations pourraient aussi offrir « de la formation à [leurs] employées et employés pour leur dire comment utiliser l’IA [...] de manière éthique et sécuritaire ».
Les outils technologiques pouvant être adoptés sont donc multiples. Chaque entreprise doit choisir la ou les directions à emprunter selon ses capacités et ses ambitions. Mais peu importe la solution qu’on fait sienne, Jean-François Bordeleau rappelle que l’ensemble de l’effort de déploiement doit être relié à l’accompagnement des gens dans ces changements, qui sont parfois majeurs.