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Comment bâtir la confiance entre les gestionnaires et leur équipe

Dans le contexte d’une demande croissante de flexibilité et du développement exponentiel des modes de travail à distance et hybrides, la confiance est une condition sine qua non de réussite.
25 avril 2023
Pascaline David

La confiance est primordiale au sein d’une entreprise, et cette conviction ne cesse de se renforcer dans le contexte de la transformation des modes de travail liée à la pandémie mondiale. Des réflexions et des outils peuvent être suggérés aux gestionnaires pour diagnostiquer le degré de confiance au sein de leur équipe et déterminer les mesures concrètes qui permettront de le développer.

 « Pourquoi êtes-vous venus à cette conférence? Est-ce que vous me faites confiance? » a l’habitude de lancer d’entrée de jeu Jorj Helou, CRHA, formateur chez LeaderZone, au début de son atelier Bâtir la confiance. Pour le coach, la confiance entre la direction et les collaborateurs et collaboratrices est fondamentale au sein d’une entreprise.

Dans son dernier atelier, lorsqu’il a demandé aux personnes participantes si les leaders de leur organisation ont conscience de l’importance de la confiance dans l’exercice de leur leadership, un quart d’entre elles ont répondu par la négative. La majorité a toutefois répondu par l’affirmative, en précisant que trop peu d’actions sont mises en place pour maintenir la confiance. Enfin, une minorité estimait que les efforts en ce sens sont constants.

Pourtant, lorsque la confiance est absente, elle peut avoir de nombreuses conséquences négatives. « Des gestionnaires méfiants auront tendance à inspecter davantage les personnes employées, à pratiquer la microgestion ou bien à s’acharner pour atteindre les objectifs fixés », poursuit Jorj Helou. Résultat : les membres du personnel pourraient ne pas se sentir à leur place et vivre de l’anxiété, voire fournir le minimum d’efforts nécessaires dans leurs tâches. C’est ce qu’on appelle le quiet quitting, ou démission silencieuse.

Dans le contexte d’une demande croissante de flexibilité et du développement exponentiel des modes de travail à distance et hybrides, la confiance est même une condition sine qua non de réussite. Les gestionnaires doivent se baser sur des modèles qui privilégient l’autonomisation des membres de leurs équipes et les résultats.

Comment, dès lors, accompagner les leaders pour les aider à instaurer la confiance au sein de leurs équipes? Il faut d’abord la comprendre pour ensuite la développer ou la mettre en place si elle n’est pas déjà une réalité dans l’organisation. Elle ne doit pas être aveugle ni reposer sur l’insécurité ou le doute. « On peut la définir comme le fait de remettre quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant à sa bienveillance ainsi qu’à sa bonne foi », explique le formateur. Le tout, sans garantie d’avoir quelque chose en retour.

Les trois éléments de la confiance

Selon l’étude The 3 Elements of Trust, menée auprès de 87 000 dirigeantes et dirigeants par Jack Zenger et Joseph Folkman et parue dans la revue américaine Havard Business Review, trois éléments sont fondamentaux pour insuffler la confiance en entreprise. Il s’agit, avant tout, de cultiver des relations positives, en s’enquérant des préoccupations de son personnel, en favorisant la coopération et la résolution collective de conflit ainsi qu’en donnant une rétroaction honnête.

Les gestionnaires doivent également exercer un bon jugement et avoir des compétences à la hauteur de leurs responsabilités. Les leaders qui comprennent les aspects techniques des tâches et qui ont une expérience approfondie pourront prendre de meilleures décisions et anticiper ou réagir rapidement aux problèmes, selon Zenger et Folkman.

Enfin, le dernier élément établi est la cohérence, c’est-à-dire jusqu’à quel point les gestionnaires tiennent leurs promesses et réalisent ce qui a été annoncé. D’après l’étude, la confiance est beaucoup plus souvent accordée aux personnes qui incarnent un exemple, un modèle de fiabilité.

 Le diagnostic

Afin de déterminer le degré de confiance qu’inspirent les leaders de votre organisation, il peut être utile d’établir un diagnostic de celui-ci. Jorj Helou suggère pour cela un outil qui prend la forme d’une autoévaluation, dans laquelle, sur une échelle de 1 à 10, les gestionnaires notent différents énoncés. Ces derniers sont catégorisés en trois volets, à savoir la crédibilité, la connexion et le cadre, et deux orientations : inspirer la confiance et faire confiance.

Dans le volet crédibilité, le questionnaire permettra de déterminer si les gestionnaires ont l’expertise nécessaire et font preuve d’assez de transparence pour inspirer confiance. Il sera également question d’établir, entre autres, si le climat de sécurité psychologique permet à tout un chacun de révéler ses vulnérabilités sans recevoir de jugement ou bien si les gestionnaires connaissent les aspirations et les limites de leurs collaboratrices et collaborateurs.

De son côté, le volet connexion interroge les gestionnaires sur les valeurs personnelles véhiculées au quotidien par le biais de leurs décisions. La bienveillance et l’empathie sont-elles de mise? La collaboration entre les membres de l’équipe est-elle facilitée? L’inclusion, le respect et l’écoute entre ses membres sont aussi des éléments à faire évaluer.

La communication étant déterminante, le volet « cadre » examine les objectifs et les moyens mis en œuvre par la direction pour les atteindre, évalue si la vision de cette dernière est communiquée clairement, si elle est attentive aux comportements toxiques ou si elle promeut suffisamment les réussites de l’équipe. Fait-elle suffisamment participer l’équipe à ses réflexions stratégiques? Anticipe-t-elle les conflits?

Autant de questions et de réponses qui permettront de déterminer des « zones d’excellence » et de reconnaître des « zones de vigilance ». La direction doit ensuite s’engager à renforcer ou à modifier certaines pratiques, selon les résultats. « La ligne est mince entre les gestionnaires qui créent une pression plutôt que l’engagement », souligne Jorj Helou. D’où l’intérêt d’explorer en profondeur — et avec honnêteté — ce qui peut être amélioré et comment.

Les quatre types d’écoute

Pour créer des relations et des moments de réflexion qui aboutiront à une solide confiance, il faut communiquer adéquatement. Jorj Helou braque ainsi les projecteurs sur le concept de la communication consciente, telle que modélisée par Otto Scharmer, maître de conférences à la Sloan School of Management du Massachusetts Institute of Technology. L’auteur a élaboré la Théorie U, qui aide à pratiquer « l’art de diriger », par l’entremise de ce qui est possible plutôt que ce qui est prévisible. Celle-ci se base sur la hiérarchisation de quatre stades d’écoute.

  • Au stade 1, l’écoute se fait en mode « téléchargement », c’est-à-dire avec ses habitudes. « Ce type d’écoute amène à reconfirmer les anciens avis et favorise le jugement », explique Jorj Helou.
  • Au stade 2, l’écoute est purement factuelle, ce qui permet de remarquer les différences sans juger et de remettre certaines choses en cause.
  • Au stade 3, on parle d’une écoute empathique, c’est-à-dire que l’on arrive à voir à travers les yeux d’une autre personne.
  • Enfin, au quatrième et dernier stade, l’écoute est générative. Elle comprend une volonté ouverte de devenir une meilleure version de soi-même dans l’avenir.

Si cette classification peut paraître un peu ésotérique, elle permet de prendre conscience de l’importance d’une écoute véritablement active, centrée sur l’autre, tout en ayant assez d’ouverture d’esprit pour se remettre soi-même en question. Les ressources humaines peuvent ainsi prendre un moment pour bien comprendre et expliquer ces concepts communicationnels aux gestionnaires.

Ultimement, selon Jorj Helou, cela demande d’accompagner les leaders en les incitant à sortir de leur zone de confort, pour se dépasser et réussir à faire preuve de courage managérial lorsque vient le temps d’agir et de changer.

Pascaline David est journaliste à l’agence 37e avenue


Pascaline David 37e AVENUE