Avez-vous déjà reçu un courriel sans avoir vraiment su comment l’interpréter? En télétravail, avez-vous parfois regretté le contact direct avec les membres de votre équipe?
À l’arrivée de la pandémie, le recours aux des communications virtuelles a littéralement bondi, et les plateformes en ligne se sont multipliées. Comme gestionnaire RH, faute de discussions spontanées en présentiel, nous avons dû composer avec des communications parfois ambiguës et porter une attention particulière à la façon dont nous communiquions avec nos équipes.
Depuis quelques années, les organisations doivent s’adapter à une nouvelle réalité dans laquelle les modes virtuel et présentiel coexistent. Par exemple, la diversification des moyens de communication et la flexibilité sur le plan des horaires sont devenues la nouvelle réalité du monde du travail. « Plus de 70 % des communications inter équipes se passent virtuellement. Le numérique est désormais une composante permanente de notre réalité. », explique Jennifer Gabriele, associée, Développement des leaders et des équipes chez Humance.
Les défis liés à la transformation virtuelle
Qui n’a jamais répondu à un message texte, un courriel ou encore coché sa liste de tâches pendant une réunion virtuelle? Jennifer Gabriele rappelle qu’il est faux de croire que le cerveau humain est capable de faire deux choses à la fois. En fait, le mode multitâche divise plutôt notre attention. « Ces distractions ont un impact sur la qualité de nos interactions. Il faut être conscient de cet élément et de l’impact que ça a sur les organisations », explique-t-elle.
La transformation du monde virtuel a aussi eu pour conséquence la perte de contrôle du calendrier et une diminution de l’innovation et de la créativité, qui sont plus fertiles en mode présentiel.
Les indices non verbaux font aussi défaut en mode numérique. « Le brainstorm en 3D a une dimension de plus qu’en 2D […]. Il faut être conscient qu’on manque beaucoup d’indices non verbaux en 2D. La qualité de l’interaction est aussi à la baisse lorsqu’on est à l’écrit et qu’on répond à un message texte ou en Teams, précise également Jennifer Gabriele. Cinquante pour cent du temps, on ne comprend pas ce qu’on nous dit; [le ton est] mal interprété. Or, le ton fait toute la différence. »
En plus de la possible mauvaise interprétation, les interactions à distance peuvent perturber le rythme normal des échanges. « Il y a parfois un décalage de 30 millièmes de seconde en virtuel qui a un impact. Le fait de couper notre micro et de le réactiver pour parler enlève aussi l’instantanéité », illustre-t-elle.
Parmi les difficultés liées au virtuel, l’experte en communication numérique croit que les gens ont plus de tolérance en 3D qu’en 2D. « En 3D, on n’est pas obligé d’être assis sur une chaise sans bouger : on peut avoir des petites discussions en s’activant. En 2D, on est très intolérant. On se justifie quand on nous voit faire autre chose. Par exemple, on explique qu’on prend des notes, non pas qu’on répond à des courriels », ajoute celle qui préfère parler de dimensions (2D ou 3D), plutôt que de virtuel ou de présentiel. « C’est plus parlant pour les gens. »
Diminuer l’anxiété numérique
Jennifer Gabriele mentionne qu’il y a quatre façons de provoquer de l’anxiété numérique lorsqu’on communique : être bref et ambigu; envoyer des messages passifs agressifs; transmettre une réponse plus lentement qu’à l’habitude; être formel, par exemple, avec des collègues qu’on connaît bien. Ces comportements font augmenter le stress et l’anxiété chez la personne qui reçoit un message.
« Il faut aussi savoir que plus la hiérarchie est élevée, moins il y a de confort. La tendance qu’on voit, c’est que plus les gens sont hauts dans la hiérarchie, plus ils veulent aller vite, et plus leurs communications peuvent faire mal. Il faut donc être conscient de l’impact qu’on a sur le plan organisationnel », mentionne-t-elle. La première étape pour diminuer cette anxiété chez les autres est la conscience de nos propres façons de fonctionner. Par la suite, des changements peuvent être apportés, et l’intentionnalité peut être mise en place.
Le leadership intentionnel
Les communications numériques ont amené un langage propre à ce type d’échanges, qui s’appelle le langage non verbal numérique. Celui-ci comprend tous nos signaux numériques et les méthodes de communication que nous utilisons : la ponctuation, les émoticônes, le ton utilisé à l’écrit, les courriels et Teams ainsi que le temps de réponse. Ce langage particulier influence le degré d’anxiété numérique et le stress au travail, notamment en raison de la mauvaise interprétation qui peut y être associée.
Jennifer Gabriele propose donc le concept de leadership intentionnel, qu’elle définit comme l’anticipation et la proactivité dans son style de gestion, la gestion de l’organisation et du temps, la création d’un sentiment de présence et la conscience de l’effet de nos communications verbales et numériques.
La conscience de nos échanges verbaux et numériques est un premier pas vers l’intentionnalité. « Il est également important de créer un sentiment de présence. Si on n’est pas à 100 % quelque part, on manque des informations. Par exemple, dans l’auto, en train de penser à autre chose, n’avez-vous jamais manqué votre sortie? Si on ne prend pas le temps d’être intentionnel dans nos messages, on manque notre coup », croit-elle.
En comprenant l’effet du langage non verbal numérique, cela permet d’être intentionnel dans ses actions, d’améliorer sa communication, de briser le vase clos, de créer un environnement de confiance et d’augmenter l’efficacité et l’engagement des membres de votre équipe.
Choisir le bon canal de communication
« Au nom de la rapidité, on utilise parfois les mauvais moyens de communication. On devient paresseux dans nos choix de canal. Oui, les communications numériques nous ont permis d’être rapides, de favoriser la diversité et de briser les frontières. Mais l’écoute, la clarté et la qualité des interactions ont diminué. » Alors, comment choisir le bon canal? « Il faut se demander : ce mode de communication est-il le bon à utiliser en ce moment? Si on a des nouvelles à annoncer, même bonnes, c’est toujours bien en personne », exprime la spécialiste. Selon cette dernière, même une bonne nouvelle annoncée par courriel peut donner lieu à des frustrations chez les membres du personnel, si poser des questions ne leur est pas possible, par exemple.
« Quel est l’objectif de mon message? Qui doit l’entendre et comment devrais-je le faire passer? » sont les questions à se poser avant de choisir notre type de canal, de l’avis de Jennifer Gabriele.
La boîte à outils du leader intentionnel
Jennifer Gabriele fait part de quelques actions à mettre en place pour s’assurer d’avoir de meilleures pratiques de communication à l’ère numérique. « Choisissez le meilleur canal de communication selon votre message. Gardez en tête le niveau hiérarchique et le niveau de confort que vous avez avec l’autre personne. Prenez une pause avant de répondre. » En tant que gestionnaire RH, pour optimiser les communications, il est aussi important de présumer que les personnes ont de bonnes intentions et d’écrire de manière claire et concise.