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Fidéliser les talents : l'importance de l'intégration

La fidélisation des talents – jeunes et moins jeunes – exige de prendre soin de la relation dès les premières étapes de la sélection et durant toute la phase d'intégration qui s'étale jusqu'à un an après l'entrée en fonction.
25 avril 2025
Christophe Lo Giudice

Pour faire face à la guerre des talents, travailler l'image d'employeur est une solution, observe Gaëtane Caesens, docteure en sciences psychologiques et chargée de cours à l'UCLouvain. « Mais une autre piste consiste à fidéliser les talents qu'on a réussi à attirer en soignant l'intégration. Cette intégration gagne à être abordée avant l'entrée en fonction, durant les différentes étapes de sélection, et au début de l'entrée en fonction des nouvelles recrues. » 

Les statistiques en matière d'onboarding sont interpellantes : 20 % des nouvelles recrues penseraient déjà à quitter leur emploi à la fin de leur première journée, et seulement 12 % rapporteraient avoir eu une bonne intégration. Gaëtane Caesens souligne qu'une bonne intégration « a une influence significative sur la satisfaction au travail, sur la réduction du stress et sur le turnover des nouvelles recrues. »

Avant l'entrée en fonction 

Premier conseil : « Durant la période de recrutement, utilisez des outils de sélection 'valides' – qui mesurent bien ce qu'ils prétendent mesurer – et 'fidèles' – qui donnent les mêmes résultats à des moments différents. Privilégiez les interviews structurées ou les mises en situation plutôt que des tests comme la graphologie, peu valides. »

Deuxième conseil : « Donnez toujours une description réaliste du poste et évitez les fausses promesses. Le risque est de créer des attentes qui, n'étant pas rencontrées, susciteront des réactions négatives. N'hésitez pas à présenter une image aussi honnête que possible, en fournissant des informations positives et également potentiellement négatives. »

Troisième point d'attention : « Les candidats vont toujours se poser la question de savoir si la procédure de sélection et la décision sont justes. » Stephen Gilliland a décrit dix règles importantes concernant la justice perçue durant la sélection, réparties en deux catégories :

  • Les caractéristiques formelles : pertinence perçue entre la procédure et l'emploi, possibilité de révision de l'évaluation, opportunité d'expression pour le candidat, cohérence dans la passation des tests, clarté des informations et feedback.
  • Les caractéristiques sociales : honnêteté et transparence, qualité de la relation interpersonnelle avec le recruteur, communication bidirectionnelle et bienséance des questions.

Après l'entrée en fonction 

« La littérature scientifique parle de 'processus de socialisation organisationnelle', celui qui fait passer l'individu d'externe à membre interne de l'organisation », relève Caesens. Ce processus débute dès la période de recrutement et dure jusqu'à 12 mois après l'entrée. 

La recherche s'est d'abord focalisée sur les pratiques que l'entreprise peut mettre en place, puis s'est davantage centrée sur la proactivité des recrues. « Ce qui est désormais communément admis, c'est que les deux dimensions – programmes formels mis en place par l'entreprise et caractéristiques individuelles des nouvelles recrues – interagissent et que le déficit d'une dimension peut être compensé par la présence de l'autre. »

Les six piliers de l'intégration 

Talya Bauer a élaboré un modèle pyramidal avec six piliers pour une bonne politique d'intégration :

À la base se trouve la conformité (informations et matériel nécessaires) surmontée par la clarification (explication des objectifs et tâches). « Dans la plupart des cas, ces deux bases sont souvent présentes au sein des entreprises », indique Caesens.

Les quatre autres niveaux, moins fréquents, sont :

  • La confiance : renforcer le sentiment d'efficacité personnelle par le feedback positif
  • La connexion : soutien pour développer son réseau social dans l'entreprise
  • La culture : explications sur les valeurs, l'histoire, le jargon
  • Le check back : évaluation de l'intégration à plusieurs moments

Une méta-analyse récente confirme que les programmes formels de socialisation permettent de réduire significativement le turnover, avec trois composants particulièrement efficaces :

  1. Favoriser la proactivité chez les nouvelles recrues
  2. Identifier clairement les comportements attendus et les objectifs
  3. Faciliter l'intégration sociale (drink d'accueil, implication du manager, désignation d'un mentor, lunchs avec des collègues)

Les programmes sont plus efficaces en présentiel qu'en digital, et lorsqu'ils sont échelonnés dans le temps plutôt que concentrés sur les premiers jours. « Il serait donc conseillé de réfléchir à un vrai plan de socialisation, en partant d'une évaluation des besoins, en déterminant des objectifs précis et en opérant un design des pratiques les plus appropriées. »

Enfin, il est crucial de satisfaire les besoins socioémotionnels : « Les nouvelles recrues se posent la question de savoir si elles peuvent être pleinement elles-mêmes, montrer leur 'vrai moi', être authentiques... Il convient donc d'essayer de répondre à ces besoins dans ces phases d'intégration. »


Author
Christophe Lo Giudice Rédacteur en chef de la Revue Htag (Belgique)

Source : Revue RH, volume 28, numéro 2 ─ Avril/Mai/Juin 2025