Quels sont les plus grands défis que devra affronter le monde patronal en 2025 du point de vue des relations de travail?
Au cours des dernières années, les entreprises ont traversé plusieurs crises et transformations importantes. Nous avons connu la pandémie de COVID-19, l’émergence de la normalisation du télétravail, l’explosion des pénuries de main-d’œuvre, une importante inflation et maintenant, une remise en question quant à notre relation économique avec les États-Unis.
Les conventions collectives renégociées depuis la fin de la pandémie ont permis aux travailleuses et travailleurs québécois de rétablir et même d’augmenter leur pouvoir d’achat de 3,9 % entre la fin de 2019 et le début de l’année 2024[1]. Leurs attentes étaient et sont toujours élevées quant à leurs salaires. D’ailleurs, nous avons connu une augmentation spectaculaire du nombre d’ententes de principes rejetées en assemblées syndicales. Cependant, d’autres milieux entameront des négociations en 2025 alors que nous serons au milieu d’une période économique incertaine et nous nous attendons à ce que les employeurs fassent preuve de plus de prudence. Une augmentation des conflits de travail est dans l’ordre du possible.
Dans un contexte de transformation numérique et d’intégration des technologies numériques, comment voyez-vous l’évolution des relations de travail pour la prochaine année?
Avec la vitesse de l’évolution des technologies, nous pouvons être certains que d’une chose : le changement! Nous entendons beaucoup d’ouverture au dialogue entre les employeurs et les syndicats quant aux meilleurs moyens à mettre en place afin que nos entreprises restent innovantes et compétitives dans ce contexte.
De plus en plus de milieux de travail implantent des canaux de communication afin de revoir leurs façons de faire et afin d’accompagner les travailleuses et travailleurs dans les changements à venir. L’accès à de la formation continue devient un facteur plus important que par le passé.
Quel effet a le télétravail, devenu plus répandu avec la pandémie, sur les relations de travail et le rôle des représentantes et représentants du monde patronal?
Je pense que le point d’équilibre n’est pas encore atteint quant au télétravail. Plusieurs employeurs tentent encore de définir la formule qui leur convient le mieux. Plusieurs employeurs craignent d’un côté l’érosion de leur culture d’entreprise et l’effritement de leur pouvoir de gestion tout en désirant conserver leur attractivité et la mobilisation de leur main-d’œuvre. L’encadrement ou l’accès au télétravail revient fréquemment dans les demandes lors des renouvellements de conventions collectives. 2025 sera déterminante pour la suite des choses.
Il y a une polarisation croissante dans la société du point de vue politique ou idéologique. Cela peut évidemment s’exprimer dans les relations de travail. Quelle est votre vision du rôle des employeurs dans ce contexte?
Les milieux de travail sont des endroits de socialisation et de dialogue. Le choc des idées et des valeurs a toujours eu lieu, mais il est vrai que la situation actuelle pousse à l’expression de divergences plus profondes. La culture d’entreprise est le meilleur outil à la disposition des employeurs. Une entreprise qui valorise l’ouverture, le respect et la diversité depuis de nombreuses années pourra bénéficier d’une autorégulation entre les employées et employés. Lorsque le climat de travail est cordial, les débats sont nécessairement moins virulents et nous assistons à moins de débordements. Le cas échéant, il faut que les règles de civisme soient claires et bien communiquées afin d’éviter que des situations s’enveniment. Il faut être vigilant et ne pas hésiter à intervenir rapidement afin d’éviter qu’une situation s’aggrave.
Comment les employeurs peuvent-ils contribuer à atténuer les enjeux de santé mentale au travail?
Il faut normaliser la discussion sur la santé mentale en milieu de travail. L’épuisement, le stress, l’anxiété et la dépression peuvent autant être des sujets de discussions et d’échanges qu’un mal de dos, une tendinite ou un bras cassé. En mettant en lumière ces enjeux de santé, on favorise la prise en charge, l’accommodement et la recherche de solutions.
Maintenant, la modernisation de notre régime de santé et sécurité du travail vient forcer la réflexion de l’employeur, de ses travailleuses et travailleurs quant aux répercussions du travail sur la santé psychologique. Nous sommes sur la bonne voie afin de faire face à cet enjeu important de notre société en plus de nous doter de leviers puissants pour rehausser notre productivité. Une personne heureuse au travail, motivée et en pleine possession de ses moyens, est un atout très précieux pour le succès d’une organisation.
- Frédérick HALLÉ-ROCHON, Suzie ST-CERNY et Luc GODBOUT (2024), Comparaisons internationale et canadienne du pouvoir d’achat des salariés, Regard CFFP 2024/21, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, Université de Sherbrooke.