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Repenser l'inclusivité des politiques dans les milieux de travail diversifiés

L'intégration de l'EDI dans toutes les politiques d'entreprise est cruciale pour un environnement de travail inclusif, prenant en compte les différences culturelles et linguistiques, pour améliorer la communication et la compréhension entre les employées et employés.
18 février 2025
Précillya Godbout Hébert, CRHA

Au cours des dernières années, nous avons dû adapter nos politiques de gestion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI) au sein de nos entreprises pour répondre à la diversité de notre main-d’œuvre. Mais qu'en est-il de l'intégration de l'EDI dans nos autres politiques d’entreprise? Sommes-nous réellement inclusifs dans toutes nos politiques? Est-ce que toutes les personnes à notre emploi peuvent les comprendre? Comment présentons-nous nos politiques à nos collègues dont les codes culturels diffèrent des nôtres? Nous avons consacré du temps à la rédaction de nos politiques, mais est-ce que notre présentation de celles-ci est véritablement inclusive?

L’augmentation de la diversité de la main-d'œuvre au sein des entreprises amène un défi de management interculturel sur le plan du développement des politiques générales dans les milieux de travail. Plusieurs employeurs ont bâti des programmes ou des politiques EDI, mais qu’en est-il des autres politiques internes? Lors de la mise en place de politiques dans les milieux accueillant des travailleuses et travailleurs étrangers, les différences culturelles doivent être prises en compte dans la rédaction et la présentation de celles-ci. En tant que professionnelles et professionnels des ressources humaines, nous devons adopter une nouvelle perspective et comprendre les codes culturels de la diversité visible et non visible, tels que l’origine culturelle, l’origine nationale, les expériences de vie, ainsi que les lois et coutumes des pays d’origine, afin de clarifier les politiques existantes et les concepts de celles-ci. La reconnaissance et la valorisation de la diversité visible et non visible sont essentielles pour créer des espaces où chaque personne se sent comprise et incluse.

Nous devons nous assurer d’une interculturalité de nos politiques afin de favoriser la communication et les relations entre les différentes cultures collaborant au sein du même milieu.

Par exemple, au début de ma carrière, j'avais établi une politique, considérée claire, concernant la procédure de déclaration d'accidents et d'incidents en milieu de travail. Pendant un certain temps, aucune déclaration d'accident n'a été produite, bien que j'aie entendu dire que des travailleuses et travailleurs étrangers se blessaient. J'ai donc représenté cette politique, révisée par notre équipe, mais cela n'a pas modifié la tendance. Un jour, un travailleur étranger m'a expliqué que, dans leur pays, déclarer un accident pouvait entraîner une perte d'emploi et qu'ils n'avaient généralement aucune protection légale. Voilà le code culturel manquant à l'adaptation de cette politique. J'ai donc effectué une nouvelle présentation adaptée de la politique de déclaration d'accident, incluant une section sur la CNESST et les protections légales des travailleurs au Québec en cas d'accident. J’ai également élaboré sur les concepts de base en m’adaptant selon le degré de connaissance de ces concepts ici au Québec. Depuis, les travailleurs n’hésitent plus à déclarer tout accident ou incident.

Ces différences culturelles affectent également d'autres politiques, comme la politique de harcèlement en milieu de travail. Les travailleuses et travailleurs étrangers embauchés par notre entreprise ont culturellement le réflexe de toucher le dos ou l'épaule lors des communications verbales avec leurs superviseurs et leurs pairs, ou de faire plusieurs accolades. Certaines personnes estimaient que ces gestes n'étaient pas appropriés. Nous avons donc présenté de nouveau notre politique de harcèlement, en expliquant cette fois-ci les différences culturelles et en définissant les gestes et les limites à respecter selon nos coutumes et notre politique interne. Bien que ces gestes soient perçus comme des signes d'amitié dans leur culture, il était important de clarifier les attentes.

Nous avons plusieurs défis afin d’adapter la communication de ce que nous voulons communiquer dans nos politiques et valeurs d’entreprise. Le premier défi à prendre en considération est tout d’abord la rédaction en français et les termes utilisés. Nous devons rédiger les politiques en tenant compte du fait que les compétences en français de notre personnel ne sont pas toutes les mêmes et que certaines personnes peuvent avoir le français comme deuxième ou troisième langue. Également, si nous avons l’option de traduire les politiques dans la langue maternelle de nos travailleuses et travailleurs, nous devons nous assurer que la traduction est claire et révisée possiblement par des travailleurs eux-mêmes, afin de vérifier si les idées ont bien été traduites et comprises. Depuis quelques années, j’effectue la vérification des traductions par un groupe de travailleurs ciblés afin de m’assurer que la compréhension obtenue est réellement le message souhaité. Ensuite, l’origine nationale peut apporter un défi supplémentaire, puisqu’elle peut influencer les perceptions légales de chacun, chaque pays ayant des lois divergentes en milieu de travail. Il ne faut pas oublier qu’une personne issue de l’immigration n’a pas le même degré de connaissance des lois québécoises qu’une personne d’ici. Nous devons également prendre en compte les expériences personnelles et professionnelles, le statut au Canada et bien plus encore.

En bref, l’élément le plus important est l’adaptation de la communication du message ajusté aux codes culturels variés afin de maximiser la réussite de nos politiques. La clé de cette réussite est la communication et poser des questions sur la compréhension de notre auditoire afin de confirmer si le message est bien reçu. Ce travail d’inclusion est bénéfique à la réussite des objectifs organisationnels et à la saine gestion des relations de travail.


Author
Précillya Godbout Hébert, CRHA directrice des ressources humaines Les Serres Stéphane Bertrand inc.

Source : Revue RH, volume 28, numéro 1 ─ Janvier/Février/Mars 2025