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Risque psychosocial méconnu : Des stratégies relationnelles pour limiter les conflits de rôles 

Avec la multiplication des rôles et l’augmentation des attentes de toutes parts, le personnel se heurte davantage à un nouveau type de risque psychosocial : le conflit de rôles. Et si l’on misait sur les relations comme facilitateur pour atténuer ce risque psychosocial?
30 avril 2024

Tant dans les organisations publiques que privées, la gestion axée sur les résultats est de plus en plus présente. Cette approche de gestion « prend en considération les attentes exprimées par les citoyens [ou clients] en fonction des ressources disponibles et vise l’atteinte de résultats en fonction d’objectifs préalablement établis » (Secrétariat du Conseil du trésor, 2014). Pour parvenir à mettre en place cette approche, les gestionnaires attribuent des mandats plutôt que des tâches précises. Ainsi, le personnel contribue à l’atteinte des résultats tout en étant responsable et imputable des actions portées. Bien que cette approche permette d’augmenter l’autonomie et la reconnaissance de la compétence et ainsi favoriser la motivation du personnel (Forest, 2022), l’absence d’attentes claires ou à la réception de demandes qui peuvent être contradictoires peut engendrer des conflits de rôles.

Du concept de rôle à celui de conflits de rôles

Le rôle correspond aux comportements prescrits ou attendus d’une personne à l’égard d’une position sociale, d’un statut ou d’une fonction (Mathieu-Fritz, 2014). Alors que certains comportements prescrits et proscrits peuvent être directement associés à un rôle, d’autres sont définis par les attentes provenant des personnes avec qui la personne est en interaction. À titre d’exemple, pour le statut de gestionnaire, le rôle prescrit une autorité fonctionnelle ou hiérarchique auprès d’autres personnes. De plus, certaines attentes, de la part des collègues et du personnel subordonné, sont que la ou le gestionnaire doit posséder une connaissance professionnelle ou technique du domaine dans lequel il exerce. L’ensemble du rôle doit donc tenir compte de ce qui est prescrit par le statut, par ce qui est attendu des autres, mais aussi de l’interprétation que la personne fait de son propre rôle. Lorsque les rôles, les attentes, les exigences ou les interprétations entrent en contradiction ou encore qu’elles sont ambigües, c’est alors que la personne peut se trouver en surcharge de rôles, en ambiguïté de rôles ou en conflit de rôles (Ilgen et Holenbeck, 1991). Bien que ces concepts soient différents, ils sont regroupés par certains auteurs sous le terme englobant de conflit de rôle (Rizzo et al., 1970).

Les conflits de rôles comme risque psychosocial

Les conflits de rôles représentent des risques psychosociaux tant pour la santé psychologique que psychosociale. Ainsi, parmi tous les effets sur la santé, on retrouve l’anxiété, l’irritabilité, les sentiments négatifs, les épisodes dépressifs ainsi que l’épuisement émotionnel ou professionnel (Pomaki et al. 2007). Les personnes en conflits de rôles peuvent aussi vivre une perte d’efficience, d’efficacité et une chute de la productivité au travail et même une insatisfaction au travail (Zhang et al., 2021). Cette insatisfaction peut être caractérisée par des dynamiques relationnelles tendues associées au stress, mais aussi à une perte de confiance, de respect ou de pouvoir ou encore par une diminution de la qualité des relations interpersonnelles (Örtqvist et Wincent, 2006). Comme une personne occupe plusieurs rôles tant dans la sphère professionnelle que personnelle, il n’est pas rare que des conflits de rôles vécus au travail entraînent des effets dans la vie personnelle et vice-versa.

Les relations pour réduire les effets des conflits de rôles

Plusieurs stratégies, reconnues comme des facteurs de protection en santé du travail, peuvent aussi être mises à profit pour limiter les effets des conflits de rôles sur la santé. L’adoption de saines habitudes de vie, dont la pratique régulière d’activités sportives, permet de diminuer les symptômes physiques (p. ex. tension artérielle) et psychologiques (p. ex. anxiété) que peuvent entraîner les conflits de rôles (Pomaki et al., 2007). Le soutien social peut aussi réduire les conflits de rôles. Le fait de bénéficier d’un soutien émotionnel (p. ex. écoute) de la part de l’entourage personnel ou professionnel ou encore de personnes en situation d’autorité facilite l’expression des difficultés vécues lors de conflits de rôles. Le soutien instrumental peut aussi permettre de réduire les contradictions ou susciter une clarification des exigences et des attentes liées aux différents rôles. Pour que ces deux types de soutien social soit davantage bénéfique, il importe que ces relations soient le plus égalitaires possible et exemptes de jugement. Les moments formels et informels ainsi que la rétroaction sont parmi les occasions offertes en milieu professionnel pour tenter de réduire les conflits de rôles (Rioux, 2019).

Et que peuvent faire les CRHA | CRIA?

Pour les CRHA | CRIA, il est possible d’offrir des ateliers aux gestionnaires pour les sensibiliser et les outiller dans la clarification des rôles, des attentes et des exigences à l’égard de leur personnel. En accompagnant les gestionnaires dans la planification des rencontres d’appréciation de rendement, les CRHA | CRIA peuvent aborder les possibles conflits de rôles ou aider dans la clarification des attentes et exigences liées à des nouveaux rôles ou mandats. Comme plusieurs conflits de rôles peuvent provenir de contradictions ou d’incompatibilités entre les rôles professionnels et les rôles sociaux (p. ex. parents, proche-aidant), les CRHA | CRIA doivent y être sensibilisés et intervenir lors de situations où des gestionnaires ou membres du personnel expriment des malaises ou des conflits entre ces rôles. Du point de vue des relations, les CRHA | CRIA peuvent agir en diminuant les dynamiques relationnelles conflictuelles par une prévention et des interventions sur les conflits interpersonnels. De plus, ils peuvent augmenter le nombre de relations de qualité et la qualité générale des relations entre les membres du personnel en organisant, par exemple, des activités de consolidation d’équipe. Ces occasions peuvent ainsi faciliter un meilleur soutien social entre pairs. Finalement, les processus de sélection peuvent se révéler d’autres moments pour documenter la capacité d’une personne candidate à être proactive dans la reconnaissance de conflits de rôles vécus et dans sa capacité à utiliser différentes stratégies pour les réduire. Par tous ces moyens, les gestionnaires et les CRHA | CRIA seront en meilleure posture pour prévenir et intervenir sur les conflits de rôle.