D’après l’Organisation mondiale de la Santé, les absences causées par les problèmes de santé mentale dépassent désormais le nombre de journées perdues justifiées par les maladies physiques. Au Canada, les problèmes de santé mentale représentent la première cause d’invalidité, avec 30 % des cas, mais ils engendrent 70 % des coûts.
Selon une étude publiée en 2022 par l’Institut national de santé publique du Québec sur l’ensemble des travailleurs et travailleuses, ce sont les 18-24 ans qui forment le groupe de personnes les plus touchées. Une personne sur trois appartenant à ce groupe risque de voir sa santé mentale ébranlée au travail et sa performance affectée de manière importante. « On vit une révolution entre la personne et le travail. Les plus jeunes vont prendre des décisions affectives avant de prendre des décisions professionnelles. Ils se sentent incompris, car on est encore dans une culture traditionnelle. », avance Étienne Fouquet, chef, Contenus et transfert de connaissances du réseau Global-Watch.
Depuis la pandémie, TELUS Santé publie régulièrement un indice de santé mentale au Canada. Le rapport dévoilé au printemps dernier démontre que les jeunes ont été plus affectés par la pandémie que les personnes âgées. « Il semble que les travailleurs âgés ont une capacité de résilience et d’adaptation plus grande que les plus jeunes, ce qui fait que leur santé mentale a été moins affectée. », évalue Michèle Parent, CRHA, conseillère stratégique séniore au réseau Global-Watch.
D’origine canadienne, le réseau Global-Watch rejoint 1,5 million de salariés et salariées dans 50 pays par le biais de ses employeurs adhérents. L’organisation accompagne les gestionnaires et les équipes RH en leur fournissant des connaissances scientifiques vulgarisées et des outils basés sur les données probantes leur permettant d’intégrer de bonnes pratiques qui visent le bien-être et la santé mentale au travail.
Risques ou facteurs de risque?
« Ç’a été un long combat [de faire reconnaître les différences entre les risques et les facteurs de risque psychosocial et d’allonger la liste]. Mais maintenant qu’on nous appuie, on pourra procéder graduellement. Toutefois, d’un pays à l’autre, ça peut varier; les législations ne sont pas les mêmes. », souligne Étienne Fouquet.
Afin d’intervenir, Global-Watch a élaboré un processus d’évaluation des risques psychosociaux (RPS) :
- Planifier l’évaluation des RPS et leurs facteurs.
- Réaliser un portrait des RPS et leurs facteurs (collecter les données, par exemple le taux d’absentéisme).
- Établir et déployer un plan d’action (le comité doit rendre des comptes à la direction).
- Suivre et améliorer le processus. Il est conseillé de réviser les RPS tous les 12 à 18 mois.
Un RPS peut affecter négativement la santé physique et psychologique d’une personne, comme la violence en milieu de travail, l’exposition à un événement traumatique et le harcèlement. « Le dommage est inévitable. On doit le mesurer et prendre action. », résume Étienne Fouquet.
Quant aux facteurs de RPS, ils peuvent influencer positivement ou négativement la santé mentale des membres d’une organisation. Les facteurs de risques psychosociaux peuvent ainsi devenir des facteurs de protection lorsque sont mises en place des pratiques de travail favorables à la santé. On peut citer notamment l’autonomie décisionnelle, la reconnaissance, la conciliation travail-vie personnelle, le climat de sécurité psychosociale et la charge de travail.
Quelques bonnes pratiques peuvent être mises en place pour corriger le tir sur le plan des facteurs de RPS. Par exemple, en cas de conflit éthique, la direction peut soutenir le personnel aux prises avec des enjeux moraux et mettre en application les procédures en matière d’éthique.
Les problèmes de santé mentale représentent
- 30 % des causes d’invalidité
- 70 % des coûts
Gestion de la charge de travail
La charge de travail, souvent problématique, est un facteur de RPS, selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). C’est un facteur assez large : on peut aborder non seulement la charge cognitive, la concentration, mais aussi la charge subjective. La personne en poste peut se demander si elle dispose d’assez de temps pour effectuer les tâches qu’on lui demande d’accomplir.
L’écart est plutôt grand entre la charge prescrite (description de poste) et la charge vécue (charge cognitive, mentale, émotive, etc.). « Il faut arriver à morceler la charge de travail et à la comprendre. L’entreprise a eu recours à un expert de l’externe pour réaliser un plan d’action et établir de deux à trois priorités. L’enquête qui a suivi a révélé que la charge était beaucoup plus gérable [qu’auparavant]. Les employés ont du temps pour réfléchir, bloquer des créneaux, en plus d’avoir de nouveaux outils de gestion. », détaille Catherine Lepage, directrice, Accompagnement employeurs et communauté de pratique, chez Global-Watch.
Malgré les retombées positives issues du plan d’action dans cette moyenne entreprise, certains freins, comme le temps nécessaire pour s’approprier les outils de gestion du temps et la nécessité de clarifier les rôles et les responsabilités au sein d’une équipe ont été soulevés.
Outils pour évaluer et prévenir
« Au Québec, il y a l’outil de prévention des RPS de la CNESST qui est nouveau, souligne Catherine Lepage. Lorsqu’il est question de prévention, il est important d’ouvrir la discussion et d’évaluer comment on agit, quelles ressources on peut mobiliser. C’est important de bien former les gestionnaires. »
L’outil en question se déploie en trois étapes :
- Détermination : planifier et réaliser un portrait des RPS.
- Correction : établir et déployer un plan d'action.
- Contrôle : suivre et améliorer le processus.
Désormais, l’obligation des employeurs de recenser et d’évaluer les RPS dans leur organisation et d’établir ensuite un plan d’action sera incluse dans le nouveau règlement du programme de prévention. « On ne sait pas exactement quand le programme de prévention entrera en vigueur, mais [le gouvernement] dit que ce sera avant 2025. Pour l’instant, les employeurs doivent se préparer à cette modernisation de la loi. », résume Michèle Parent.
Réseau Global-Watch :
- Rejoint 1,5 million de salariés et salariées
- Dans 50 pays par le biais de ses employeurs adhérents