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Le climat de sécurité psychosocial au travail : Pour agir en amont des risques psychosociaux

Cet article décrit l’importance du climat de sécurité psychosocial (CSP) et ses composantes (engagement de la direction et priorité face aux enjeux de santé mentale, communication, participation à la prévention) pour améliorer le succès des interventions en agissant en amont des RPS.
23 avril 2024
Caroline Biron, M. Ps., Ph. D., CRHA | Alisson Morneau, B. A., M. Sc.

Alors que la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail amène de nombreux employeurs à recenser les risques psychosociaux (RPS), il est impératif de s’assurer que les conditions de succès sont en place. Or, le passage à l’action par des interventions primaires suivant l’analyse des risques demeure un défi de taille. Nos recherches[1, 2] concordent avec plusieurs autres [3-5] et montrent que les gestionnaires stagnent souvent suite à cette première étape de diagnostic. Il est commun de voir que les interventions développées finissent par dérailler pour de nombreuses raisons. Elles sont notamment entravées par un manque de ressources, des taux d’implantation faibles, des problèmes de cohérence entre le plan d’action et sa mise en œuvre, ainsi qu’un manque d’appropriation par les gestionnaires[3, 6-11].

Le CSP est un précurseur aux risques psychosociaux et aux problèmes qui en découlent

Pour surmonter ces défis d'implantation, le climat de sécurité psychosocial (CSP)[12] apporte un éclairage qui concorde avec les pratiques d’excellence en prévention des problèmes de santé psychologique au travail[13]. Le CSP réfère aux perceptions partagées quant aux pratiques, politiques et procédures en place dans une organisation pour agir sur les problèmes de santé psychologique[14]. Il englobe quatre sous-dimensions : 1) l’engagement de la direction pour la santé psychologique, 2) la priorité accordée à la santé psychologique par rapport aux objectifs de productivité, 3) les communications sur ce sujet incluant l’écoute des préoccupations des employées et employés et 4) la participation, la consultation et l’implication de toutes les parties prenantes à la prévention.

Le CSP agit comme déterminant organisationnel en amont des RPS[15, 16]. En agissant sur ses composantes, on peut prévenir les risques psychosociaux comme la violence et le harcèlement[17, 18], mais également les facteurs de risques psychosociaux, à savoir la surcharge de travail, la faible autonomie, le faible soutien social et la faible reconnaissance[19, 20] et les nombreux problèmes de santé physique et mentale qui découlent de l’exposition à ces risques[15, 21].

Sous-dimensions du CSP :

  1. Engagement de la direction pour la santé psychologique
  2. Priorité accordée à la santé psychologique
  3. Communications sur ce sujet
  4. Participation, consultation et implication de toutes les parties prenantes à la prévention

Le CSP comme terreau fertile pour que les interventions puissent prendre racine dans nos organisations

Les recherches sont unanimes : les gestionnaires et les équipes de directions qui accordent une priorité élevée à la santé psychologique, reflétée par un CSP robuste, obtiennent de meilleurs résultats en matière de santé psychologique au travail. En effet, l’engagement de la direction et le fait d’accorder une haute priorité aux enjeux de santé mentale sont des conditions sine qua non pour le succès des interventions[4, 22]. Dans la même veine, tout comme c’est le cas en santé et sécurité du travail, il faut prévoir des mécanismes de participation puisque ce sont les personnes en emploi qui sont les mieux placées pour cerner les risques et les façons de les prévenir. La communication est également un impératif, car non seulement faut-il pouvoir aborder librement et sans crainte le sujet de la santé mentale, il faut aussi pouvoir dénoncer les situations qui portent atteinte à l’intégrité psychique. Il est crucial de sensibiliser la direction aux conséquences des risques psychosociaux et à leurs responsabilités dans la prévention, afin de mobiliser les ressources nécessaires pour des initiatives efficaces [23].

En ce sens, les conseillères et conseillers RH jouent un rôle clé dans la promotion du CSP au sein des organisations. Ces spécialistes RH peuvent sensibiliser les hautes instances, les gestionnaires et les équipes à l'importance de la santé mentale au travail, tout en proposant des actions concrètes pour renforcer le CSP. Le tableau ci-contre offre des pistes de réflexion ainsi que des actions pouvant être mises en place par les spécialistes RH afin d’agir comme catalyseurs du changement organisationnel en augmentant chacune des composantes du CSP auprès des équipes, des gestionnaires et de la direction.

Tableau 1. Ce que les spécialistes RH peuvent faire pour accroître le climat de sécurité psychosocial

 En créant un environnement où la santé psychologique est valorisée et où les employées et employés se sentent soutenus et écoutés, les organisations peuvent non seulement prévenir les risques psychosociaux, mais aussi favoriser le bien-être et la performance du personnel. Le CSP constitue donc un terreau fertile pour que les interventions puissent prendre racine et prospérer dans nos organisations.

Le projet BaromÊtre mené par l’équipe du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail vise à accompagner le personnel de gestion et de direction afin d’accroître le climat de sécurité psychosocial et développer des outils permettant de détecter précocement les organisations à risque, à l’instar des travaux australiens[24, 25]. Pour en savoir plus sur ce sujet, suivre nos travaux de recherche en visitant le www.cgsst.com.


Author
Caroline Biron, M. Ps., Ph. D., CRHA directrice du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail, Département de management, Faculté des sciences de l’administration Université Laval

Author
Alisson Morneau, B. A., M. Sc. Conseillère en santé organisationnelle au Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail, Département de management, Faculté des sciences de l’administration Université Laval

Source : Revue RH, volume 27, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2024

  1. Karanika-Murray, M. and C. Biron, Derailed organizational health and well-being interventions - Confessions of failure, solutions for success. 2015, Dordrecht: Springer Science+Business Media.
  2. Biron, C., C. Gatrell, and C.L. Cooper, Autopsy of a failure: Evaluating process and contextual issues in an organizational-level work stress intervention. International Journal of Stress Management, 2010. 17(2): p. 135-158.
  3. Lundmark, R., et al., No leader is an island: contextual antecedents to line managers' constructive and destructive leadership during an organizational intervention. International Journal of Workplace Health Management, 2020. 13(2): p. 173-188.
  4. Daniels, K., et al., Implementing Practices Focused on Workplace Health and Psychological Wellbeing: A Systematic Review. Social Science & Medicine, 2021 : p. 113888.
  5. Aust, B., et al., When workplace interventions lead to negative effects: Learning from failures. Scandinavian Journal of Public Health, 2010. 38(3 suppl): p. 106-119.
  6. Biron, C., St-Hilaire, F., Baril-Gingras, G., Paradis, M-E., Chabot, S., Lefebvre, R., Ivers, H., Vézina, M., Fournier, P-S., Gilbert-Ouimet, M., Brisson, C., Conditions facilitant l’appropriation de démarches préventives en santé psychologique au travail par les gestionnaires, R-921. 2016, Montréal : Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, 91 p. 91.
  7. Biron, C., et al., Factors influencing managers’ ownership of organisational health interventions, in Psychosocial safety climate: A new work stress theory, M. Dollard, C. Doorman, and M.A. Idris, Editors. 2019, Springer Science+Business Media : Dordrecht. p. 365-384.
  8. Karanika‐Murray, M., C. Biron, and P.Ø. Saksvik, Organizational Health Interventions: Advances in Evaluation Methodology. Stress and Health, 2016. 32(4): p. 255-257.
  9. Nielsen, K., Leaders can make or break an intervention–But are they the villains of the piece, in Leading to occupational health and safety: How leadership behaviours impact organizational safety and well-being, K.E. Kelloway, K. Nielsen, and J.K. Dimoff, Editors. 2017, Wiley & Sons: Chichester. p. 197-209.
  10. Karanika-Murray, M., D. Gkiontsi, and T. Baguley, Engaging leaders at two hierarchical levels in organizational health interventions: Insights from the intervention team. International Journal of Workplace Health Management, 2018. 11(4): p. 210-227.
  11. Christensen, M., et al., The Line Manager’s Role in Implementing Successful Organizational Interventions. The Spanish Journal of Psychology, 2019. 22: p. E5.
  12. Dollard, M., et al., Psychosocial safety climate: A new work stress theory. 2019, Dordrecht: Springer Science+Business Media.
  13. Wu, A., et al., Organizational Best Practices Supporting Mental Health in the Workplace. Journal of occupational and environmental medicine, 2021. 63(12): p. e925-e931.
  14. Dollard, M.F. and A.B. Bakker, Psychosocial safety climate as a precursor to conducive work environments, psychological health problems, and employee engagement. Journal of Occupational and Organizational Psychology, 2010. 83(3): p. 579-599.
  15. Idris, M.A., M.F. Dollard, and Yulita, Psychosocial Safety Climate, Emotional Demands, Burnout, and Depression: A Longitudinal Multilevel Study in the Malaysian Private Sector. Journal of Occupational Health Psychology, 2014. 19(3): p. 291-302.
  16. Dollard, M. and A.B. Bakker, Psychosocial safety climate as a precursor to conducive work environments, psychological health problems, and employee engagement. Journal of Occupational Health Psychology, 2010. 83(3): p. 579-599.
  17. Law, R., et al., Psychosocial safety climate as a lead indicator of workplace bullying and harassment, job resources, psychological health and employee engagement. Accident Analysis & Prevention, 2011. 43(5): p. 1782-1793.
  18. Dollard, M.F., et al., Psychosocial safety climate (PSC) and enacted PSC for workplace bullying and psychological health problem reduction. European Journal of Work and Organizational Psychology, 2017. 26(6): p. 844-857.
  19. Dollard, M.F., et al., Psychosocial safety climate as an antecedent of work characteristics and psychological strain: A multilevel model. Work and Stress, 2012. 26(4): p. 385-404.
  20. Idris, M.A., M.F. Dollard, and A.H. Winefield, Integrating psychosocial safety climate in the JD-R model: A study amongst Malaysian workers. South African Journal of Industrial Psychology, 2011. 37(2): p. 1-11.
  21. Becher, H., M.F. Dollard, and J. Li, Predicting cardiovascular disease risk from psychosocial safety climate in an extended effort-reward imbalance model. International Journal of Behavioral Medicine, 2016. 23: p. S43-S43.
  22. von Thiele Schwarz, U., et al., How to design, implement and evaluate organizational interventions for maximum impact: The Sigtuna Principles. European Journal of Work and Organizational Psychology,, 2021. 30(3).
  23. De Angelis, M., et al., H-WORK Project: Multilevel Interventions to Promote Mental Health in SMEs and Public Workplaces. International Journal of Environmental Research and Public Health, 2020. 17(21): p. 8035.
  24. Dollard, M.F. and T. Bailey, Building psychosocial safety climate in turbulent times: The case of COVID-19. Journal of Applied Psychology, 2021. 106(7): p. 951-964.
  25. Bailey, T.S., M.F. Dollard, and P.A.M. Richards, A National Standard for Psychosocial Safety Climate (PSC): PSC 41 as the Benchmark for Low Risk of Job Strain and Depressive Symptoms. Journal of Occupational Health Psychology, 2015. 20(1): p. 15-26.