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Remettre en question notre philosophie de gestion : L’agilité, comme outil stratégique

Qui prend les décisions dans les organisations agiles? Qui s’assure que les objectifs sont atteints? Comment l’évaluation de rendement est-elle effectuée? Autant de questions qu’il y a de réponses, puisque chaque organisation produit son fonctionnement dans le respect de sa philosophie de gestion.
4 mars 2022

Qu’on parle d’entreprise libérée, d’entreprise « opale » ou d’holocratie, les principes d’autogouvernance, l’absence de hiérarchie et l’agilité suscitent l’intérêt de nombreuses personnes et font l’objet de différentes études de cas. Dans notre contexte actuel, où l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre sont des défis majeurs et où la capacité d’adaptation au changement est un gage de succès, l’agilité prend tout son sens.

Bien souvent, mentionner que l’on travaille dans une organisation agile suivant des principes d’autogouvernance suscite beaucoup de questions. Qui prend les décisions? Qui s’assure que les objectifs sont atteints? Comment l’évaluation de rendement est-elle effectuée, sans supérieur hiérarchique? Autant de questions qu’il peut y avoir de réponses, puisque chaque organisation produit collectivement son fonctionnement, dans le respect des principes de base de la philosophie de gestion choisie.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, dans les entreprises sans hiérarchie définie, il y a des directives, des processus et des politiques. La différence, c’est qu’on évite d’alourdir le quotidien par des règles qui ne portent pas de sens, en osant se remettre en question et en adaptant nos méthodes chaque fois que c’est nécessaire. On fixe donc un cadre de référence dans lequel on peut être, tout en s’appuyant sur les valeurs et la raison d’être de l’organisation. Puis, on intervient auprès des employés qui dévient de ce cadre. Ainsi, on s'appuie sur la confiance. On part du principe que chaque personne est la mieux placée pour s’acquitter de ses tâches et pour nous dire comment y arriver. 

Un levier attrayant et mobilisant

Quand on parle de mobilisation des employés, on pense souvent aux mesures flexibles, aux avantages sociaux ou à la rémunération. Et si un pas de recul s’imposait, jusqu’à la base même de notre philosophie de gestion? En quoi cela pourrait-il être un levier attrayant pour les besoins de recrutement et de rétention des employés?

La quête de sens et la recherche d’autonomie

En 2018, le Dr François Baumann publiait un livre sur le « brown-out » en faisant référence au malaise ressenti suite à la perte de sens de ses objectifs de travail et à l'incompréhension de son rôle dans la structure de l'entreprise. L’un des trois principes des organisations opales, un modèle organisationnel plus récent, développé par Frédéric Laloux, repose sur une raison d’être évolutive. Celle-ci signifie, selon Brian Robertson, le fondateur de l’holocratie, « un potentiel créatif profond afin d’amener quelque chose de nouveau à la vie et de contribuer avec énergie à quelque chose d’utile au monde ». Utile. Sens. Des mots qui résonnent.

Parmi les six caractéristiques qui donnent un sens au travail, selon l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité au travail, on y trouve l’autonomie. Le travail doit donc permettre à une personne de mettre à profit ses compétences, sa créativité, de participer à la résolution de problèmes et d’exprimer ses opinions quant aux décisions. Dans une entreprise qui fait appel à des principes d’autogouvernance, l’autonomie et les occasions d’apprentissage et de développement sont indéniablement présentes. Dans ce type d’organisation, tous peuvent participer à la prise de décision et particulièrement les personnes concernées par une décision ou un processus. On peut créer et collaborer à résoudre les enjeux plutôt que de remettre le tout à une seule personne, sous principe de son statut hiérarchique. Cela n’enlève rien à l’imputabilité des personnes qui portent un mandat; ça change plutôt leurs façons de le déployer et le devoir de consulter. Les équipes de travail sont ainsi autogérées et autonomes, en cohérence avec les principes d’agilité. 

La recherche de collaboration et de flexibilité

Chez les employeurs, les milléniaux s’attardent bien souvent à la culture d’ouverture, de collaboration, de communication et de développement. Quant à la génération des baby-boomers, on sait que plusieurs tendent à aller vers un nouvel emploi, parfois dans une nouvelle carrière, parce qu’ils le veulent et non pas parce qu’ils le doivent, en recherchant une certaine flexibilité, le salaire n’était plus toujours le principal motif de sélection. On peut donc mettre en lumière le levier potentiel que possèdent les organisations dites libérées, lorsqu’on observe de plus près les besoins et les attentes de certaines générations.

La capacité à s’adapter aux changements

Charles Darwin disait : « les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements ». S’adapter, c’est aussi savoir faire preuve de flexibilité et de pouvoir changer de stratégie en cours de route, avec agilité. Avec des enjeux de pandémie mondiale, de pénurie de main-d’œuvre et d’enjeux environnementaux, l’entreprise de type libérée tire aussi sa force par le biais de l’intelligence collective, qui peut-être est définie comme la somme des capacités de l'ensemble d’un groupe, lorsqu’exploitée en synergie, donne à ce groupe la possibilité d’effectuer des tâches complexes et de se développer. Lorsqu’on rallie le tout à une raison d’être rassembleuse, n’est-ce pas ce qui est recherché?

L’adaptation RH

À titre de professionnel RH, cette philosophie demande d’adapter son approche. On n’y évolue pas pour conseiller ou pour diriger, mais bien pour collaborer et accompagner les équipes et leurs membres. C’est là que le mot partenaire prend tout son sens : on est partenaire au succès de l’organisation, avec l’expertise RH. À travers ce rôle, la capacité de s’adapter devient aussi un élément clé, car l’agilité vient parfois avec son lot de zones grises, ce qui demande parfois de devoir prendre des pas de recul. Plutôt que de se baser constamment sur « ce qu’on a toujours fait », on se permet de remettre en question nos façons de faire, l’idée étant que nos pratiques répondent aux besoins en temps réel, et ce, à l’avantage de tous.

6 caractéristiques qui donnent un sens au travail

  1. Autonomie
  2. Utilité du travail
  3. Apprentissage et développement
  4. Reconnaissance
  5. Qualité des relations
  6. Rectitude morale du travail