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La place de l’IA et des TI dans la formation des futurs professionnels : Plus qu’un atout, un enjeu d’influence!

Les technologies sont devenues des incontournables dans les secteurs des RH. Savoir les comprendre et utiliser les informations qu'elles génèrent devient donc une condition importante pour que les spécialités des RH puissent jouer un rôle stratégique dans les organisations.
4 février 2022

Les données massives sont de plus en plus utilisées dans les différentes fonctions RH. « Même dans les petites entreprises, il y a collecte d’informations. On vit dans un monde de plus en plus numérisé. L’usage de la technologie devient donc un incontournable dans le métier », affirme Sylvie Guerrero, directrice adjointe des programmes de premier cycle en RH à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG-UQAM). 

« Ces données sont une richesse phénoménale pour avoir des indicateurs mesurant l’efficacité de nos actions ou pour faire des projections dans l’avenir, par exemple planifier les besoins de relève », explique-t-elle. Mais encore faut-il pouvoir naviguer dans cette mer d’information pour en extraire l’essentiel. Des compétences qui sont de plus en plus recherchées sur le marché du travail et qui font maintenant l’objet d’un cours dans le baccalauréat en gestion des RH de l’établissement montréalais.

L’Université de Sherbrooke a aussi ajouté l’analytique RH au programme cette année. « Le big data bouleverse la gestion du capital humain en permettant la personnalisation ainsi que la prédiction », explique Abdelaziz Rhnima, professeur à l’Université de Sherbrooke. Des technologies qui peuvent aller aussi loin « que déterminer les caractéristiques des employés hautement performants pour sélectionner et recruter les profils les plus intéressants », explique le titulaire du cours. Selon lui, savoir comprendre et utiliser ces informations devient donc une condition sine qua non pour que les spécialités des RH puissent jouer un rôle stratégique dans les organisations.

Pour cela, il faut aussi avoir une idée des différentes options disponibles, explique François L’Écuyer, professeur et directeur du module des sciences de la gestion à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). « Les entreprises en lien avec notre secteur recherchent des diplômés à l’aise avec la technologie. Nous avons donc profité de la révision de notre programme pour ajouter un cours à ce sujet. Bien entendu, ils ne peuvent pas apprendre à utiliser tous les logiciels, car il y en a des milliers. » Grâce au cours « e-GRH », à l’horaire à compter de 2023, les étudiants et étudiantes à la majeure en gestion des ressources humaines pourront entre autres apprendre à connaître et sélectionner les meilleures technologies RH, les développer ainsi que les personnaliser.

Quand la technologie bouscule le monde du travail

Le mouvement vers l’automatisation et la transformation numérique transformera aussi le rôle des conseillers et conseillères en ressources humaines, pense Frédérick Plamondon. Des notions que le professeur suppléant au département des relations industrielles de l’Université Laval aborde avec ses étudiants et ses étudiantes dans ses cours portant sur l’intelligence artificielle et la transformation numérique. « Il ne faut pas que les étudiants perçoivent ces technologies uniquement comme des outils avec lesquels ils doivent apprendre à travailler, mais qu’ils réfléchissent à leurs conséquences. Ces technologies automatisent des tâches, transforment des métiers et des professions. Cela va créer de l’angoisse, apporter une surcharge informationnelle et mettre de la pression sur différentes fonctions dans l’organisation. » Les professionnels et professionnelles RH se trouveront donc au cœur de ces changements.

Relativement à ces technologies perturbatrices, les RH ont donc « un rôle névralgique à jouer pour préparer les employés aux changements auxquels ils feront face, pour aider ceux qui perdent leur emploi, pour repenser les compétences, en plus de modifier les pratiques. Ces spécialistes ne doivent donc pas seulement être réactifs, mais faire partie de la réflexion », ajoute Marie-Ève Dufour, professeure à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Les contenus des différents cours, comme la dotation, le recrutement ou les changements organisationnels, sont donc mis à jour régulièrement pour tenir compte de ces réalités, explique la responsable académique des programmes de RH. Des cours abordant spécifiquement l’intelligence artificielle et les transformations numériques dans le domaine des RH seront aussi ajoutés au cheminement d’ici peu.

Bref, il s’agit d’un sujet complexe qui touche différentes facettes du travail des spécialistes en ressources humaines. « Par exemple, quand les applications d’intelligence artificielle prennent des décisions, est-ce qu’elles pourraient être biaisées ? Il faut aussi les nourrir avec différentes données provenant des employés. Est-ce qu’on le fait ou non ? Comment obtient-on le consentement ? Nous abordons ces questions dans différents cours, comme celui sur l’éthique au travail », explique la professeure en RH à l’ESG-UQAM Mélanie Trottier, qui, dans ses recherches, s’intéresse aux répercussions de l’intelligence artificielle sur les professionnels et professionnelles, dont ceux et celles des ressources humaines. 

Compétences de l’avenir 

Bref, toutes les universités tentent de bonifier leur contenu pour s’adapter à ces nouvelles réalités. « Il y a encore peu de cours sur les transformations et les outils numériques, que ce soit ici ou à travers le monde. Même aux États-Unis, c’est encore assez novateur », souligne Pamela Lirio. Professeure à l’École de relations industrielles à l’Université de Montréal, elle est très investie dans la recherche à ce sujet, non seulement ici, mais aussi dans les centres de recherche internationaux. Abordant ces notions aux cycles supérieurs, elle tente aussi d’inclure l’intelligence artificielle au premier cycle. Un cours spécifique à ce sujet est en cours d’élaboration. « À l’heure des industries 4.0, les technologies prennent de plus en plus de place. Il faut donc comprendre quels sont les outils et les enjeux éthiques que cela soulève. »

Il s’agit là d’une connaissance essentielle pour exercer pleinement son influence dans les organisations, pense Frédérick Plamondon. « Les étudiants doivent être équipés pour exercer leur jugement professionnel, c’est-à-dire se montrer critiques envers les choix technologiques. Bref, ils doivent être assez renseignés pour comprendre les effets sur les employés, analyser les coûts humains derrière ces changements et participer aux discussions avec les autres parties prenantes, comme le service des finances ou des technologies. »