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Motivation et efficacité au travail : Incursion au cœur de l’apprentissage des équipes

En contexte de pénurie de main-d’œuvre, les organisations déploient des trésors d’imagination afin de fidéliser leurs employés. Malheureusement, leurs efforts demeurent parfois insuffisants.
4 mars 2022

Mais est-il au moins possible d’atténuer les conséquences provoquées par ces départs volontaires?

À notre avis, une piste de solution consiste à soutenir l’apprentissage des équipes de travail.

De récents sondages révèlent que plusieurs employés songent sérieusement à quitter leur emploi. Rien qu’au mois d’octobre 2021, plus de quatre millions d’Américains ont mis un terme à leur relation d’emploi. Avec la pénurie de main-d’œuvre qui sévit, ces résultats ont de quoi inquiéter!

Tout en compromettant la réalisation d’activités économiques clés, le départ d’un employé s’accompagne d’une perte de connaissances. Voyant ce capital humain filer entre leurs doigts, les gestionnaires sont parfois pris de court en constatant qu’aucun autre membre de leur équipe ne possède les savoirs nécessaires à l’exécution de tâches importantes. Bien qu’il soit illusoire de prévenir le départ de certains employés, est-il au moins possible d’en atténuer les effets?

La réponse à cette question réside en partie dans la capacité d’apprentissage des équipes. Lorsque leurs membres développent une compréhension commune des procédures et des tâches à accomplir, et qu’ils sont bien au fait des rôles et des savoirs de leurs coéquipiers, les équipes sont moins vulnérables quand l’un d’eux quitte l’organisation. En cimentant la création d’une mémoire collective, l’apprentissage qui s’opère entre les membres d’une équipe facilite l’absorption et la récupération d’une vaste gamme de connaissances (Microsoft Corporation, 2021).

Qu’est-ce que l’apprentissage des équipes?

Les équipes apprenantes adoptent des comportements leur permettant d’acquérir de nouvelles connaissances et d’être plus efficaces. Étant initiés par les membres, ces comportements d’apprentissage se manifestent généralement en contexte informel (ex. : durant l’exécution d’une tâche, au moment de résoudre un problème technique ou lors d’une réunion d’équipe). Dans la plupart des écrits scientifiques, ceux-ci sont répartis en deux catégories : les comportements d’apprentissage survenant à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières de l’équipe (voir tableau 1).

Tableau 1. Les principaux comportements d’apprentissage des équipes

Les comportements internes
Exemples
Les comportements internesPartager de l’information
ExemplesUn membre partage au reste de l’équipe une information qu’il est le seul à détenir.
Les comportements internesAnalyser de manière réflexive le fonctionnement de l’équipe
ExemplesCerner un problème de performance au sein de l’équipe et en déterminer la cause.
Les comportements internesExpérimenter
ExemplesTester une nouvelle méthode de travail et observer les résultats obtenus.
Les comportements internesSolliciter de la rétroaction
ExemplesDemander l’avis du supérieur immédiat à propos de la qualité du travail effectué par l’équipe.
Les comportements internesPoser des questions
ExemplesDemander aux autres membres d’expliquer pourquoi certaines pratiques contribuent à l’efficacité de l’équipe.
Les comportements internesStocker l’information
ExemplesProduire un tableau regroupant les informations partagées lors d’une réunion d’équipe.
Les comportements externes
Exemples
Les comportements externesSe renseigner sur l’environnement externe
ExemplesConsulter une revue professionnelle afin de découvrir les pratiques exemplaires de l’industrie et faire part de ces informations au reste de l’équipe.
Les comportements externesApprendre sur la base des expériences vécues par d’autres équipes
ExemplesObserver le travail de personnes externes à l’équipe afin d’en tirer des leçons pour l’exécution de différentes tâches.

Comment favoriser l’apprentissage des équipes?

Un supérieur immédiat dispose de plusieurs options pour favoriser l’apprentissage de son équipe (voir tableau 2). Son influence s’opère directement lorsqu’il donne la parole aux membres et crée des occasions d’apprentissage. Par exemple, en conviant son équipe à une séance de débreffage, il encourage les membres à cerner les limites des manières habituelles de travailler et à débattre des changements à apporter.

Leur influence s’opère aussi par le biais de l’émergence de dynamiques psychologiques à l’échelle de l’équipe. Qualifiées d’états émergents dans la littérature scientifique, ces croyances collectives de nature motivationnelle et affective sont intimement liées à l’adoption de comportements d’apprentissage. En cette matière, la toute première responsabilité du supérieur immédiat consiste à promouvoir l’émergence d’un climat de sécurité psychologique, grâce auquel les membres s’exprimeront librement, sans craindre de subir des représailles. Parmi les interventions à privilégier, notons celle d’accueillir avec réceptivité les idées et les opinions exprimées par ces derniers.

Un supérieur immédiat gagne aussi à cultiver la confiance groupale. Les équipes ayant confiance en leurs propres moyens tendent à se fixer des objectifs d’apprentissage plus ambitieux et à mettre les bouchées doubles durant l’accomplissement de tâches complexes. Afin d’influencer l’émergence de cet état de nature motivationnelle, le supérieur immédiat doit demeurer optimiste en contexte d’adversité et rassurer l’équipe quant à sa capacité à s’améliorer.

En outre, le supérieur immédiat peut intervenir sur l’adoption de comportements d’apprentissage en influençant le type d’objectifs poursuivis par l’équipe. Les équipes orientées vers l’apprentissage conçoivent les tâches et les défis comme étant des opportunités d’acquérir de nouvelles connaissances. Au lieu de vouloir faire étalage de leurs compétences et éviter de commettre des erreurs, ces équipes sont motivées par la maîtrise de procédures complexes et la découverte d’idées originales. Dans le but de renforcer l’orientation vers l’apprentissage de son équipe, le supérieur immédiat peut notamment se comporter avec humilité, c’est-à-dire admettre ses propres lacunes, reconnaître les qualités de son équipe et manifester sa volonté d’apprendre au contact des membres.

L’adoption de comportements d’apprentissage permet non seulement d'accroître l’efficacité des équipes de travail, mais aussi d’atténuer les effets provoqués par le départ volontaire de certains membres. Nous invitons donc les supérieurs immédiats et les professionnels de la gestion des ressources humaines qui les accompagnent à réfléchir aux interventions les plus susceptibles de renforcer la capacité d’apprentissage de leur équipe, particulièrement dans un contexte d’utilisation grandissante des technologies de l’information (TI).

Même si les TI facilitent l’adoption de certains comportements d’apprentissage (ex. : stockage et partage d’information, renseignement sur l’évolution de l’environnement externe), il est aussi probable qu’elles freinent certaines initiatives (ex. : tester de nouvelles idées en équipe et poser des questions). Au cours des prochaines années, le véritable défi que devront relever ces leaders est de faire en sorte que la technologie élargisse le champ des possibilités en matière d’apprentissage des équipes de travail.