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Une boursière de la Fondation CRHA s’exprime : Leadership syndical au féminin

Nous avons questionné Marie-Pier Bernard, boursière de la Fondation CRHA et doctorante en relations industrielles à l’Université Laval, sur l’état du leadership féminin dans le monde syndical. Elle a d’emblée accepté de partager avec nous les résultats d’une étude à laquelle elle a collaboré, Le leadership syndical au prisme du genre auprès d’une fédération syndicale affiliée à la CSQ.
29 mai 2018

RH – Dans quelle mesure les femmes sont-elles engagées ou représentées dans les fonctions de leadership syndical?

Marie-Pier Bernard – Près de 80 % des membres de la fédération syndicale que nous avons étudiée sont des femmes, mais celles-ci sont sous-représentées aux postes de présidence et de vice-présidence dans les syndicats locaux. On les voit plutôt occuper les postes de secrétaire ou de trésorière.

Les femmes sont sous-représentées dans les fonctions de leadership syndical parce qu’elles sont malheureusement encore confrontées à de nombreux obstacles dans leur accès au leadership syndical. Un de ces obstacles est celui des responsabilités familiales et domestiques. Les femmes sont davantage responsables de la charge physique des tâches domestiques, de même que de la charge mentale, c’est-à-dire le travail de gestion derrière l’accomplissement de ces tâches.

Il y a une attente implicite envers les femmes pour qu’elles fassent passer leurs obligations familiales avant l’engagement syndical. Contrairement aux hommes, elles sont plus portées à remettre en question les différentes sphères de leur vie avant de s’engager dans le leadership syndical.

RH – Est-ce que les femmes ont une façon différente d’aborder le leadership syndical?

Marie-Pier Bernard – En raison bien souvent d’un manque de relève, les femmes et les hommes sont sollicités pour s’engager dans les syndicats locaux et occuper les fonctions de présidence.

Là où il y a une différence, c’est dans les raisons qui expliquent leur engagement.

La première différence est que les hommes ont tendance à affirmer qu’il va de soi qu’on les sollicite pour assurer la présidence. Dans leur discours, on retrouve l’idée que c’est dans l’ordre des choses, qu’ils sont des leaders et que c’est inné chez eux. Du côté des femmes, on ne retrouve pas ce discours naturaliste pour évoquer leur légitimité en tant que leader.

La deuxième différence se trouve dans les valeurs et principes centraux reliés au syndicalisme. Les hommes qui sont présidents de syndicat se perçoivent davantage comme des protecteurs et des gardiens de la convention collective, contrairement aux femmes qui sont plus portées vers une vision sociale du syndicalisme. Pour elles, le syndicalisme serait crucial pour lutter contre les inégalités et pour promouvoir une plus grande justice sociale. Elles se soucient davantage d’intérêts plus généraux que simplement les conditions de travail.

La troisième différence se situe au niveau de la formation. On remarque que les femmes, lorsqu’élues à un poste de présidence, tendent davantage à rechercher un mentor pour les aider dans leurs fonctions syndicales. En outre, elles seront portées à percevoir les divers comités d’un syndicat (comités femmes, jeunes, SST, etc.) comme des lieux d’apprentissage qui peuvent les aider à mieux jouer leur rôle de leadership.

La parité au sein des instances syndicales est loin d’être atteinte. La place des femmes dans cet univers est un enjeu de taille pour le mouvement syndical québécois afin que ces dernières ne demeurent pas des « boys club ».


Source : Revue RH, volume 21, numéro 2, avril/mai/juin 2018