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Harcèlement psychologique : comment préparer la voie à une enquête

Différentes avenues se présentent au professionnel en ressources humaines ou en relations industrielles lors d’une situation d’allégations de harcèlement psychologique. D’ailleurs, certains gestes peuvent être posés afin de faciliter la tenue d’une enquête.

1 avril 2017
Véronique Morin, CRIA

Agir et analyser. Voilà les premiers mots que doit avoir en tête le professionnel des ressources humaines ou des relations industrielles lorsqu’une situation de harcèlement psychologique est alléguée. Plus précisément, le gestionnaire RH doit évaluer chacun des chemins possibles non seulement pour faire les démarches opportunes dans l’intérêt des personnes concernées, mais aussi pour permettre à l’organisation de respecter ses responsabilités, notamment ses devoirs de prévention et d’intervention en cas d’allégations de harcèlement psychologique.

Le gestionnaire intervient dès qu’il a connaissance des allégations, que la présumée victime se manifeste ou même en l’absence de plainte.L’organisation doit aussi agir promptement, et ce, même si une autre entité est habilitée à intervenir parce qu’elle est appelée à faire enquête (CNESST, CSST, syndicat, association représentative du personnel-cadre, assureur invalidité, Commissions des droits de la personne du Québec ou du Canada, etc.).

Le gestionnaire analysera les avenues offertes à la partie plaignante et, par conséquent, colligera les éléments pertinents pour réagir adéquatement suivant chacun de ces moyens.

Qualifier et décider

À partir des faits et des cadres applicables, le gestionnaire RH doit veiller à faire cesser le harcèlement, qualifier la situation comme pouvant ou non constituer du harcèlement et déterminer les mesures à mettre en place (intérimaires, administratives, voire disciplinaires).

Ces décisions appartiennent au gestionnaire, également quand la situation révélée peut s’avérer ne pas être du harcèlement (Loi sur les normes du travail et convention collective) ni un accident du travail (dépassant le cadre normal, usuel ou prévisible des relations du travail).

Le gestionnaire doit obtenir tous les renseignements requis afin de déterminer les conséquences qui s’imposent, même si la situation équivaut plutôt à une invalidité autorisant le versement de prestations d’assurance, une situation discriminatoire en violation de droits garantis par les chartes ou des comportements inacceptables en milieu de travail.

Quand bien même les agissements reprochés ne constituent pas du harcèlement selon les lois et la jurisprudence, le gestionnaire peut ainsi intervenir et prendre les mesures appropriées pour favoriser le maintien d’un milieu de travail sain et le respect des conditions de travail et des droits des employés de l’organisation, tout en préservant les activités de celle-ci.

Opter pour une enquête interne ou externe

Pour prendre les décisions opportunes, le gestionnaire RH doit pouvoir s’approprier les résultats de l’enquête qui sera effectuée par son équipe ou des consultants externes. S’il confie l’enquête à un tiers, il est essentiel qu’il conserve son pouvoir décisionnel quant aux mesures à prendre.

Le gestionnaire devrait également mandater cet enquêteur externe pour colliger les faits, identifier les éléments démontrés en précisant la crédibilité respective des personnes entendues et répondre aux questions particulières qu’il aura formulées : existence ou non de harcèlement psychologique, de discrimination, d’abus de pouvoir, etc.

L’enquêteur (externe ou non) doit d’abord faire état des faits nécessaires afin de démontrer la présence ou non des conditions d’existence du harcèlement psychologique; il constatera ensuite si ces faits constituent ou non du harcèlement suivant les normes applicables, mais en laissant au gestionnaire la détermination des décisions requises.

Si l’enquêteur conclut à l’absence de harcèlement, le gestionnaire pourra néanmoins utiliser les faits apparaissant au rapport pour déterminer si d’autres constats et mesures s’imposent.

Reprise du dossier par le gestionnaire

Le gestionnaire RH donnera la possibilité aux personnes concernées de confirmer leurs versions des faits et de fournir leurs explications suivant un cadre d’analyse autre que celui du harcèlement.

Il déterminera ensuite si d’autres constats s’avèrent judicieux : comportements ou propos agressifs ou violents, manque de civilité, défaut de collaboration et de respect, comportements autrement inacceptables en milieu de travail, etc.

Même si l’enquête est effectuée par un tiers, le gestionnaire pourra ainsi s’approprier les résultats de cette enquête parce qu’il a en mains, avec la précision utile, non seulement les faits démontrés, mais aussi leur force probante.

Harcèlement psychologique : L’employeur doit…

  • Informer
  • Prévenir
  • ntervenir

Le cadre du harcèlement psychologique au travail est exigeant, mais une organisation doit pouvoir agir efficacement face à d’autres comportements inacceptables lorsque la preuve résultant d’une enquête (interne ou externe) ne permet pas de conclure à la présence de harcèlement.

Applications pratiques

Différents comportements sont à privilégier dans une telle situation, tant pour le gestionnaire que pour le professionnel RH.

En voici quelques-uns :

Comportements à privilégier par le gestionnaire

Tout d’abord, le gestionnaire doit obtenir les faits lui permettant de bien comprendre les allégations de harcèlement psychologique. Ensuite, et de concert avec le professionnel RH, déterminer comment pourraient être qualifiés ces faits suivant les cadres existants dans l’organisation et les normes externes : harcèlement psychologique et/ou sexuel, discrimination, violence, agression, défaut de civilité, comportements inacceptables, LATMP, assurance salaire, conventions collectives, autres conditions de travail, etc.

Comportements à privilégier par le professionnel RH

Dans un premier temps, le professionnel RH doit s’assurer de revoir les différents cadres internes et les normes applicables en matière de harcèlement psychologique et/ou sexuel, discrimination, violence, civilité et comportements attendus dans l’organisation ainsi que valeurs et code d’éthique, conditions d’assurance salaire en l’absence d’accident du travail, etc.

Il est également impératif pour le professionnel RH de collaborer à la formulation des questions à inclure dans le mandat de l’enquêteur, qu’il soit interne ou externe, en tenant compte de la politique de prévention et de traitement des plaintes en matière de harcèlement, le cas échéant.

Finalement, en cas d’un mandat d’enquête confié à l’externe, le professionnel RH doit s’assurer de réserver explicitement à l’employeur le pouvoir de décider des mesures à prendre envers les personnes concernées et dans l’organisation à partir des faits révélés par l’enquête.

Lorsqu’il est question d’une situation de harcèlement en milieu de travail, rien n’est à laisser au hasard.


Véronique Morin, CRIA Avocate et médiatrice accréditée Lavery
Dès son admission au Barreau du Québec en 1986, Véronique Morin, CRIA a commencé sa pratique en droit commercial et en droit civil, plus particulièrement dans le domaine du litige où elle a acquis une expérience utile en droit du travail et en révision judiciaire devant les cours de justice. Depuis 1996, elle exerce au sein du cabinet Lavery à Montréal dans les domaines du droit du travail, du droit de la santé et du droit administratif. Au cours des dernières années, elle a représenté des organismes publics, parapublics et privés, notamment en matière de congédiement de cadres, devant les instances administratives et les cours de justice. Elle s'intéresse également à diverses questions relatives au harcèlement psychologique et aux libertés fondamentales. Elle agit régulièrement à titre de conférencière et publie des articles juridiques en matière de gestion des ressources humaines et de relations du travail. Elle est membre du comité du Barreau du Québec en droit du travail ainsi que de l'exécutif de la Section nationale du droit du travail et de l'emploi de l'Association du Barreau canadien.

Source : Revue RH, volume 20, numéro 1, avril/mai/juin 2017