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Design Thinking : réinventer la stratégie de gestion des talents

Devez-vous améliorer ou réinventer vos pratiques de gestion des talents? Alors, relevez le défi du Design Thinking!

11 décembre 2016
Catherine Landry, CRHA<br/>Annie Gauthier, CRHA<br/>Jessica Mosseau

Le Design Thinking est un processus bien connu pour concevoir des produits et services innovants. Les Steve Jobs et Thomas Edison de ce monde ont d’ailleurs utilisé un processus de résolution de problème axé sur le Design Thinking pour révolutionner des industries entières. Cette méthodologie pourrait-elle avoir le même impact pour innover en gestion intégrée des talents?

Selon un sondage mené par la firme PwC, 93 % des dirigeants d’entreprise reconnaissent la nécessité de changer leur stratégie de gestion des talents. Et seulement 34 % d’entre eux estiment que la fonction ressources humaines est bien préparée pour amener l’organisation à se transformer. Le problème est que, même si les présidents sont conscients de la nécessité du changement, peu savent exactement ce qui doit changer et comment. Les praticiens en ressources humaines peuvent avoir un impact stratégique important sur leur organisation s’ils implantent une stratégie de gestion des talents adéquate.

Que faire?

La réalité actuelle de la main-d’oeuvre amène à développer un nouveau mode de pensée centrée sur la compréhension poussée de l’humain et de ses motivations profondes, dans un contexte volatil et incertain. Il n’y a plus de recette magique, car l’implantation des meilleures pratiques est insuffisante pour les organisations qui font face à un environnement complexe et incertain. Donc, pour élaborer ou revoir l’approche de gestion des talents, il est important de réfléchir à trois piliers cruciaux :

Et le Design Thinking dans tout ça?

L’approche du Design Thinking est assez récente dans le domaine de la gestion. Enseignée dans plusieurs grands établissements d’enseignement – les universités Darden, Stanford et Harvard pour n’en nommer que quelques-unes –, l’approche a été popularisée à la fin des années 1980 par Rolf Faste, professeur à Stanford.

Axé sur l’écoute, l’empathie envers les clients, l’alternance entre la pensée analytique et la pensée créative et, surtout, sur l’expérimentation, voilà ce qui décrit le processus. Jeanne Liedtka, dans son livre The Designing for Growth field book, propose de définir le Design Thinking comme suit : « Une approche de résolution de problèmes complexes centrée sur les besoins des personnes et axée sur l’innovation et la collaboration. Elle vise à développer de nouvelles solutions qui créent de la valeur pour les personnes et l’organisation. »

Plus spécifiquement, le Design Thinking est une démarche qui se segmente en cinq grandes étapes (voir figure 2). Les deux premières étapes (Empathie et Définir) permettent de bien comprendre la situation en identifiant les besoins réels et les critères de design à retenir. L’Idéation est une étape de création où des idées et des concepts sont générés. Finalement, les étapes du Prototype et de l’Implantation permettent d’expérimenter les concepts et les idées dans la réalité en évaluant leur faisabilité et leur validité. Ce processus est très utile dans différentes sphères organisationnelles et permet de cerner ce qui se cache derrière une problématique.

Il est fortement suggéré d’utiliser l’ensemble des pratiques du processus pour s’assurer d’implanter les solutions appropriées ainsi que d’avoir un état d’esprit propice à l’utilisation de cette approche. D’ailleurs, plusieurs auteurs soulignent l’importance de l’état d’esprit ou des compétences de savoir-être dans les facteurs clés de succès de l’utilisation de cette approche. Par exemple, Owen (2007) discute de la nécessité de se concentrer sur l’individu, une habileté à visualiser et à utiliser le langage comme un outil, d’accepter l’importance des données qualitatives contrairement aux données habituellement quantitatives…

Une caractéristique primordiale de l’utilisation du Design Thinking est de briser les cloisons organisationnelles. En effet, cette approche doit être systémique et inclure de nombreuses parties prenantes et même des gens qui ne sont pas habituellement considérés comme tels. Bref, la constitution d’équipes multidisciplinaires est essentielle pour favoriser le bon succès du Design Thinking.

Le Design Thinking et la gestion intégrée des talents

Que l’on désire bâtir une stratégie de gestion des talents à partir de zéro ou simplement revoir la stratégie actuelle pour l’adapter à une nouvelle réalité, le Design Thinking peut aider. Concrètement, voici un survol des étapes et de certains outils utilisés qui permettent d’aider les entreprises à optimiser leur stratégie de gestion des talents.

1. Comprendre
On cherche à cibler le problème ou l’opportunité, à identifier les acteurs clés et à comprendre les besoins non comblés des membres de l’organisation. Pour ce faire, il est intéressant de mener des entrevues de type storytelling dont l’objectif n’est pas de chercher des réponses. On tente de comprendre l’histoire des individus face à la gestion des talents. Ce n’est pas le nombre d’acteurs qui importe, mais bien la qualité dans le choix des acteurs à impliquer, c’est-à-dire des gens différents. Il est possible d’inclure des hauts dirigeants, des gestionnaires, des employés à haut et à faible potentiel et même des anciens employés, etc.

Ces entrevues permettront de mettre en lumière les points de douleur (besoins non comblés) de la situation actuelle. Par exemple, une stratégie inclusive (tous les employés ciblés par le processus de gestion des talents) serait peut-être plus appropriée qu’une stratégie exclusive (seulement les employés à haut potentiel) ou vice-versa. Le choix des individus est donc crucial.

2. Créer
On cherche à générer de nouvelles idées et à créer des concepts. Cette phase est celle qui engendre la créativité. Il s’agit donc de l’étape tout indiquée pour mener un remue-méninges inversé : on commence par noter tous les obstacles à la réalisation du projet. Ensuite, on inscrit une solution pour chaque obstacle. Ainsi, la résistance est atténuée et les idées intéressantes peuvent émerger. On utilise cette méthode parce que les gens ont naturellement plus de facilité à identifier les obstacles.

Cette étape permet de croiser plusieurs idées pour établir des solutions intégratrices de toutes les facettes de la gestion des talents. Il est primordial d’inviter des gens de divers échelons hiérarchiques et fonctions à participer à cet atelier, puisqu’on souhaite briser les cloisons organisationnelles.


Catherine Landry, CRHA
Annie Gauthier, CRHA
Jessica Mosseau

Source : Revue RH, volume 19, numéro 4, septembre/octobre 2016