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Risques de l'utilisation des questionnaires d'autodéclaration en EDI

Voici les précautions à prendre si vous souhaitez recueillir des informations personnelles relatives à des motifs de discrimination prévus par la Charte.
23 février 2024

Comment utiliser les questionnaires d’autodéclaration (EDI) afin de préserver la confiance du public?

Les organisations cherchent de plus en plus à rendre leurs milieux inclusifs. La collecte d'informations en lien avec l’appartenance des personnes employées à des groupes sous-représentés en quête d’équité est essentielle pour moduler l’inclusion dans les organisations.

Les organisations qui souscrivent à un programme d’accès à l’égalité en emploi (PAEE)[1] peuvent collecter des informations propres au PAEE à l’embauche et en cours d’emploi[2]. Cependant, en l’absence d’un PAEE, les règles entourant le recours à des questionnaires d’autodéclaration en matière d’EDI sont plus floues, car aucune jurisprudence n'est venue confirmer la juste interprétation des lois en la matière. De manière à guider les CRHA | CRIA dans l’utilisation adéquate de tels questionnaires, l’Ordre propose une série de précautions à mettre en place afin de préserver la confiance du public et des personnes vulnérables, et de réduire le risque de non-conformité au cadre légal.

Voici donc les précautions à prendre si vous souhaitez collecter des informations personnelles relatives à des motifs de discrimination prévus par la Charte :

  1. Soumettre les questionnaires de manière volontaire et anonyme, et en préservant la confidentialité des personnes répondantes.

    Par contre, il est important de noter que :

    • Le caractère « volontaire » du questionnaire pourrait être remis en question puisque la demande provient de l’employeur et que les personnes employées pourraient ressentir une pression d’y répondre malgré leur inconfort à le faire. Il est alors important de bien expliquer aux personnes employées l’objectif du questionnaire, comment leurs données seront collectées et utilisées et qui y aura accès. En aucun moment, directement ou indirectement, il ne faut contraindre les personnes employées à les compléter.
    • L'aspect « confidentiel » peut aussi être soulevé, puisque lors de l’analyse de données, lorsqu‘elles sont divisées par type d’emploi, d’échelon de poste, de service, etc., à moins de faire partie d’une très grande entreprise, il peut être possible de reconnaître une personne par ses réponses en se basant sur des caractéristiques déjà connues (par exemple, une femme gestionnaire supérieure dans la branche salariale 200 k$+ alors que la majorité des autres personnes à son échelon sont des hommes). Il est alors important d’avoir des règles claires en place sur les critères qui seront utilisés pour analyser les données et rapporter les résultats.
  2. Protéger des renseignements personnels collectés, notamment, en :

    • Obtenant le consentement à la divulgation des informations recueillies de la personne visée par la collecte de données. Cette section devrait être précise. Par exemple :
      • La personne peut accepter que ses réponses au questionnaire soient divulguées exclusivement à la personne désignée au sein de l'organisation;
      • La personne peut accepter que ses réponses au questionnaire ne soient divulguées que pour des fins de statistiques de l’organisation (divulgation « collective »);
      • La personne peut accepter que ses réponses au questionnaire ne soient divulguées qu’au sein d’un groupe d’un certain nombre de personnes; 
      • La personne peut accepter que ses réponses au questionnaire puissent être divulguées sur une base individuelle.
    • Indiquant les fins poursuivies par cette collecte;
    • Utilisant les renseignements recueillis que pour les fins indiquées, par exemple à ce qui est nécessaire pour la mise en place de mesures concrètes visant à assurer la diversité et l’inclusion dans l’organisation ou à des fins de statistiques;
    • Conservant ces informations à l’extérieur du dossier de l’employée ou employé et en conformité avec la politique applicable en matière de protection des renseignements personnels;
    • Limitant l’accès aux informations recueillies. L’accès devrait être limité à une ou deux personnes désignées au sein de l’organisation; idéalement, ce ne sont pas les mêmes personnes que celles responsables des décisions administratives et disciplinaires concernant les personnes employées.

    Référez-vous aux ressources de l’Ordre, consultables sur Carrefour RH, au sujet de la gestion des renseignements personnels.

  3. S’assurer d’un lien direct entre les informations demandées et certains besoins réels et effectifs de l’employeur, à travers, entre autres, sa stratégie EDI :

    • Il est fortement recommandé de mettre en place une stratégie ou une politique organisationnelle en EDI avant de soumettre un questionnaire d’autodéclaration. Cette stratégie pourra alors être consultée pour justifier la nécessité du questionnaire. Comme il est possible que l’organisation requière tout d’abord d’avoir le portrait de la composition de sa main-d'œuvre afin de mettre en place une stratégie formelle d’EDI et d’établir des objectifs concrets reposant sur des données réelles, il est possible pour la politique organisationnelle initiale d’être plus à haut niveau pour débuter. Par exemple, elle devrait au moins contenir les informations suivantes :
      • Les valeurs de l’organisation en matière d’EDI;
      • L’importance d’avoir une stratégie EDI en place;
      • Les ressources et les outils qui seront utilisés pour soutenir la stratégie EDI, dont l’utilisation d’un questionnaire d’autodéclaration;
      • Les groupes en quête d’équité visés par la stratégie EDI;
      • Les personnes responsables de l'administration des données.

La prudence est donc de mise pour les organisations souhaitant collecter ces informations. En cas de doute, nous vous invitons à consulter vos ressources juridiques. 

La direction de la qualité de la pratique


  1. Selon la Charte québécoise, certaines entités sont dans l’obligation de se doter d’un PAEE, soit :
    • Les organismes publics;
    • Les entreprises privées de plus de 100 employés qui :
      • Soumissionnent dans le cadre d’un contrat public pour des sommes de 100 000 $ et plus; ou
      • Reçoivent une subvention de 100 000 $ et plus;
    • Les entreprises privées qui sont soumises à une telle obligation à la suite d’une décision à cet effet rendue par la CDPDJ suivant une enquête ou par un tribunal.
  2. C’est-à-dire, limité aux groupes sous-représentés visés par le PAEE, soit, les femmes, les autochtones, les personnes handicapées, les minorités ethniques et minorités visibles.