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Un peu de diplomatie au travail, ça fait du bien!

Un collègue parle trop, à tort ou mal à propos. Un collaborateur dramatise tout ou répète tout. Un autre conclut chaque phrase d’un « ma belle » ou « mon petit ». Un brin exaspérant, avouons-le. Et les jours où tout va mal, on se passerait bien des blagues pas franchement drôles ou des remarques carrément déplacées, sauf que... comment « recadrer » un individu indélicat sans avoir l’air de riposter? Comment s’exprimer pour faire évoluer certains comportements en douceur? Petites stratégies diplomatiques au bureau pour des journées sans heurts.

6 décembre 2015
Myriam Jezequel

Qu’est-ce que parler avec tact?

Parler avec tact ou faire preuve de tact, c’est aborder avec égards une personne et ses sentiments. La diplomatie du langage est un mélange de délicatesse, de prudence et de sens de l’à-propos. Elle fait appel au respect et à la réserve. Pourquoi la diplomatie est-elle si importante dans la vie professionnelle? Parce qu’elle favorise la collaboration au travail et cultive l’harmonie dans les rapports interpersonnels.

L’absence de tact est, au contraire, source de contrariétés et de conflits. En effet, exprimer sans détours un avis défavorable, c’est prendre le risque de froisser la sensibilité de son interlocuteur. Il n’est pas plus agréable d’entendre un collègue souligner une maladresse en public ou reprocher une erreur devant d’autres collègues. Quant au refus net et sans ménagement, il déclenche souvent l’incompréhension ou la stupéfaction. De façon générale, ce qui est exprimé brusquement a un impact négatif sur l’autre personne. Tout l’art de la diplomatie vise à préserver l’estime de son interlocuteur. C’est la parfaite expression d’un certain savoir-vivre dans la vie comme au travail!

Trouver le bon registre de langage

Dans le monde professionnel d’aujourd’hui, il est fréquent de côtoyer un grand nombre d’acteurs dans des situations très variées. Des échanges avec des collègues, des clients ou des partenaires, lors d’un face-à-face, en réunion, au sein d’un groupe interdisciplinaire... quelle que soit la situation, il ne suffit pas d’exceller dans son champ d’expertise ou de maîtriser le contenu de son discours. Il faut encore porter attention à la manière de le dire. S’exprimer avec doigté demande d’adapter son style d’expression à son auditoire. C’est ainsi que le registre de langue peut varier selon l’âge, le niveau social, professionnel ou culturel de son interlocuteur.

Le niveau de langage nécessite aussi d’être attentif aux différents sens d’un mot. Présenter quelqu’un comme un amateur peut vouloir dire qu’il est un expert au goût très sûr ou un novice en plein apprentissage. Outre les mots à employer avec précaution, mieux vaut se garder d’user d’expressions ironiques ou de sous-entendus, sujets à interprétation.

Beaucoup d’écoute active et un peu de reformulation

Parler avec tact, c’est aussi et paradoxalement savoir se taire. Le contraire de monopoliser la parole. Écouter réellement son interlocuteur est une forme d’élégance d’esprit. Ce faisant, on lui témoigne respect et considération. Pourtant, écouter simplement n’est pas toujours si simple. Se mettre en mode écoute, c’est notamment préférer les questions aux affirmations. Surtout, c’est prêter une réelle attention à ce qui se dit. Un silence s’installe? On utilise la reformulation pour relancer la conversation sur un point particulièrement intéressant. Surtout, on évite de saisir le moindre blanc pour tirer la discussion à soi. On n’interrompt pas son interlocuteur pour reprendre la parole et on ne montre pas de signes d’impatience pour parler à son tour. Souligner une information intéressante et la compléter de ses propres connaissances permet d’enrichir le dialogue et d’établir la relation.

Et en cas d’attaque verbale?

Piqué au vif par une remarque perfide? Sous le coup de l’émotion, l’escalade verbale peut atteindre une magnitude de 9.0 sur l’échelle de Richter. Prudence, donc! Faire preuve de diplomatie, cela signifie aussi de garder la maîtrise de soi afin de trouver la réponse juste, c’est-à-dire la réponse proportionnée à l’attaque verbale. Dans certains cas, il est judicieux de recadrer la personne. « Une mise au point semble nécessaire », « Le moment est plutôt mal choisi », « Voilà un commentaire hors propos » sont des exemples de réponses brèves et fermes qui peuvent couper court à l’attaque.

Le plus souvent, on résiste à répondre du tac au tac pour éviter la montée en puissance émotionnelle de l’échange. À moins de maîtriser la netteté d’exécution d’un maître en arts martiaux, une profonde respiration et un temps de réflexion s’imposent pour reprendre ses esprits. On s’interroge : quel peut être le motif de cette agressivité verbale? Qu’est-ce que je gagne à esquiver le coup ou à riposter? Que puis-je faire pour rétablir les faits ou le dialogue? Au lieu de demander le motif d’une remarque perfide (en risquant une liste de récriminations), on appelle plutôt à préciser le sens de certains mots pour appréhender la pensée derrière le commentaire. Par exemple, l’expression « comme toujours... », employée par l’interlocuteur, devrait susciter une mise au point du style « dans quelles autres circonstances précisément? »

Développer son sens de l’à-propos

Certains portent la franchise comme un signe de leur authenticité. Ils aiment dire les choses telles qu’elles sont. Mais la diplomatie n’est pas de l’hypocrisie. C’est l’art de dire la vérité avec des formes. D’où cette autre facette de la diplomatie : l’art de parler avec à-propos. Cette qualité renvoie à des capacités d’adaptation et à l’intelligence émotionnelle. C’est ainsi qu’on évitera de parler du douloureux sujet de la maladie de son cousin à un collègue qui rentre d’un long congé de maladie. Avoir le sens de l’à-propos, c’est sentir ce qui est approprié en fonction des circonstances. Mettre en avant ses exploits alors qu’on célèbre le départ d’un employé est un autre exemple de faux pas diplomatique. Le sens de l’à-propos se reconnaît aussi aux gestes et aux mots qui ont le pouvoir de désamorcer sur-le-champ une situation critique. Observer avec acuité et se soucier des autres, voilà les principales clés qui permettent d’adapter sa parole à toutes les situations.

Travailler son intention avant son langage

Le bon usage de la politesse ne suffit pas toujours à masquer une émotion nettement négative (colère, frustration, lassitude). Comment éviter qu’une émotion non dite brouille le message verbal? Certains se mettront à employer un langage édulcoré pour atténuer le sens de leur propos ou parer à une réaction négative. Ils accentueront leur enthousiasme alors que le coeur n’y est pas. Ils masqueront leur déception avec une phrase dénuée de promesses : « C’est intéressant. J’y penserai plus tard ». Ces procédés ont toutefois leurs limites.

Dans une communication, l’intention du message devrait précéder la forme. On peut, par exemple, décider d’aborder une solution délicate avec ouverture d’esprit ou bienveillance. Le principe est de travailler son attitude (ton, regard, posture) afin qu’elle soit en phase avec le message exprimé. De quoi assouplir son expression verbale autant que sa communication non verbale! Mettre la forme n’est pas camoufler sa pensée... mais bien la révéler avec doigté et agilité. Le tout est de mesurer ses effets pour ne pas en faire trop, mais juste assez.

Myriam Jézéquel, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 18, numéro 5, novembre/décembre 2015.


Myriam Jezequel Écrivaine, chroniqueuse et chercheuse