ressources / revue-rh / archives

Soutenir au quotidien : des vœux pieux à la réalité - L’expérience de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal

Affilié à l’Université de Montréal, l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) est un centre de soins spécialisés, de développement et de partage sur le vieillissement et la santé des personnes âgées.

4 juillet 2013
Annick Branchaud | Jean-François Miron

Avec l’aide de ses 850 employés et des 300 membres de son centre de recherche, l’Institut vise à proposer des solutions originales et adaptées au vieillissement de la population du Québec.  

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, de changements perpétuels et de restrictions budgétaires importantes comme celui que connaît le réseau de la santé et des sociaux depuis plusieurs années, les défis sont nombreux tant pour les membres de la direction que pour les gestionnaires et les employés. Le financement de l’établissement ayant été réduit de plus de 6 % au cours des trois dernières années, tous ont été appelés à repenser non seulement leurs façons de faire et leurs méthodes de travail, mais aussi leur motivation personnelle à se surpasser.

Être à l’écoute des gestionnaires
L’équipe des ressources humaines est un acteur indispensable dans la réalisation de la mission de l’établissement. S’étant donné comme objectif de soutenir les gestionnaires, en étant active sur le terrain et en leur fournissant des outils pratiques et utiles, elle n’a pas eu peur de réévaluer ses façons de faire pour offrir des services-conseils adaptés à leurs réels besoins. Pour ce faire, elle a mis en place divers mécanismes de consultation.

C’est ainsi que la direction des ressources humaines rencontre annuellement les cadres en vue d’obtenir leurs suggestions pour mieux les accompagner dans leur gestion. En cours d’année, un comité animé par le directeur des ressources humaines et composé de représentants des gestionnaires est chargé de valider certaines propositions que l’organisation souhaite implanter et de partager les préoccupations du moment. Ce comité n’aborde pas les relations du travail, mais constitue plutôt un lieu d’échanges, une tribune d’influence afin que l’organisation puisse se mettre au diapason des gestionnaires.

De fréquents échanges avec les syndicats, en dehors des rencontres formelles, ont également permis à l’équipe des ressources humaines d’obtenir une collaboration soutenue de ses partenaires.

Celle-ci a ainsi révisé son offre de services, ses politiques, ses procédures pour les rendre plus accessibles, réalistes, conviviales et donc utilisées à leur plein potentiel. À quoi bon avoir le meilleur processus d’appréciation du rendement, si celui-ci n’est pas utilisé? C’est d’ailleurs l’un des dossiers auquel s’est intéressée la direction des ressources humaines : simplifier le processus et aussi prioriser les critères d’évaluation en les limitant à cinq. Résultat : une hausse significative du nombre d’appréciations réalisées au cours de la dernière année.

Des outils professionnels à la portée de tous
Après consultations, un outil interactif a été mis à la disposition des gestionnaires afin de les assister dans leur gestion du changement. En plus de leur permettre de bien planifier et structurer les changements, cet outil informatique a été conçu pour favoriser l’autonomie des gestionnaires. Outils, formulaires, conseils sont à leur disposition en un simple clic. Il a donc un caractère pédagogique, tout en demeurant très ludique, grâce à ses capsules de formation. Évidemment, pas question de laisser les gestionnaires seuls devant leur écran d’ordinateur, à penser à leurs changements. Au besoin, l’équipe des ressources humaines accompagne le gestionnaire, que ce soit lors de la planification ou de la réalisation du changement. Selon l’ampleur du projet, l’équipe se mobilise et s’adjoint, souvent en moins de vingt-quatre heures, des partenaires du service des communications et de celui des finances, pour former une équipe d’intervention communément appelée le « tacteam », afin de jeter les bases de la gestion du projet, d’éviter les pertes de temps et le travail cloisonné. Parfois, en quelques rencontres d’équipes interdisciplinaires, le tour est joué!

Un profil de compétences et un plan de développement sur mesure
Afin qu’ils puissent bien soutenir leurs équipes et répondre aux attentes organisationnelles, le profil des compétences et des comportements des gestionnaires a été mis à jour, en tenant compte des quatre valeurs organisationnelles, principal moteur des actions à l’IUGM. De ces valeurs ont découlé dix compétences déclinées en différents comportements. Il s’agissait ensuite de faire en sorte que les gestionnaires, déjà en fonction depuis plusieurs années, deviennent le reflet de ce nouveau profil de compétences.

Après consultation des gestionnaires, il a été convenu d’offrir à ceux qui se porteraient volontaires la possibilité de comparer leurs compétences aux nouvelles qui avaient été définies par l’IUGM, par l’entremise d’une évaluation psychométrique faite par une consultante externe. Seul le gestionnaire concerné recevrait les résultats de son évaluation psychométrique, à moins qu’il ne décide de la partager avec d’autres. La seule demande de l’employeur était que le gestionnaire informe son supérieur de ses principales forces et de deux de ses points à développer afin d’être soutenu dans sa démarche d’amélioration. Toutefois, dès le départ, il fut convenu que l’employeur recevrait un bilan général des principales forces et des zones de développement de son équipe de gestionnaires.

Grâce à ce bilan, comme plus de 95 % des gestionnaires ont volontairement accepté de mesurer leurs compétences en gestion, la direction des ressources humaines a pu élaborer pour eux un plan de développement sur trois ans, reflétant leurs réels besoins.

Un plan a donc été créé sur mesure, à l’image des gestionnaires et de leur réalité. Les gestionnaires ont accès à plusieurs outils de développement : de courtes formations d’au maximum une demi-journée avec exercices pratiques et suivis, des formations partant de leurs expériences personnelles et professionnelles, des visites d’entreprises pour voir ce qui se fait ailleurs que dans le réseau de la santé et des services sociaux, du codéveloppement à l’interne, pour favoriser le partage d’expertise et la collaboration entre gestionnaires.

Bien qu’il soit intéressant d’offrir une variété et une diversité d’activités de développement, d’autres mesures ont été mises en place pour faciliter le travail des gestionnaires. C’est ainsi que fut décrété, à la suite d’un sondage, qu’aucune réunion ne pouvait être organisée avant 10 h 30, afin de permettre aux gestionnaires d’être présents dans leurs équipes respectives. En effet, à quoi bon suivre une formation sur la façon d’animer des réunions éclairs et efficaces si les chefs sont toujours à l’extérieur de leur service pour participer à des rencontres? Ce n’est qu’en étant auprès de leurs employés que les gestionnaires peuvent demeurer conscients de leurs préoccupations et à l’écoute de leurs recommandations.

Une vraie reconnaissance au quotidien
En plus de soutenir les gestionnaires, l’équipe des ressources humaines tient à être près des employés, à les écouter et à les reconnaître. Et la direction des ressources humaines a développé des modes de fonctionnement pour se donner les moyens d’aller au delà des vœux pieux.

C’est ainsi que le programme de reconnaissance a été complètement révisé pour insister particulièrement sur la reconnaissance au quotidien. Les gestionnaires et employés ont pris depuis quelques années l’habitude d’identifier au début des rencontres les bons coups réalisés dans l’établissement. En fin d’année, des centaines de bons coups sont recensés. Tous les employés ont accès à cette reconnaissance, qu’on pense au personnel de bureau ou au personnel de soin, des cuisines, de l’hygiène et de l’entretien. Plutôt que de reconnaître quelques personnes dans un gala, l’IUGM a préféré organiser annuellement un vernissage des bons coups mettant en vedette les vingt-quatre équipes ayant contribué, au cours de l’année, à faire vivre au quotidien l’une ou l’autre de ses quatre valeurs organisationnelles, soit l’engagement, l’innovation, la collaboration et l’humanisme. Les bons coups sont exposés pendant plus de trois mois dans le corridor du « passage des arts » pour ensuite être retournés dans les services et ainsi devenir la fierté de l’équipe. L’Institut cherche ainsi à développer, petit à petit, une véritable culture de la reconnaissance.

Des améliorations à l’organisation et à l’environnement de travail, la simplification et la standardisation des processus sont quelques exemples de bons coups des équipes de l’IUGM au cours de la dernière année.

Des partenariats qui rapportent
En collaboration avec la direction des ressources humaines, plus d’une douzaine de projets d’amélioration continue (kaizen) et cinq « 5S » (technique de management japonaise visant l’amélioration des tâches et élaborée dans le cadre du système de production Toyota) ont été réalisés en 2012 grâce à la collaboration et à l’engagement interservices.

Faire participer les employés, pas seulement comme des observateurs mais comme des acteurs à part entière pouvant améliorer les conditions de travail de leurs collègues, est également l’objectif des deux comités paritaires en santé et sécurité du travail, l’un axé sur la santé physique et l’autre sur la santé mentale. Participer à des tournées préventives paritaires, offrir des conseils sur la manutention des charges, organiser des activités pour promouvoir la santé mentale et de saines habitudes de vie en sont quelques exemples.

Tous ces exemples de partenariats entre l’employeur et les employés ont porté fruit à l’IUGM. Depuis trois ans, le taux de roulement a régressé de près de 30 % et, en moins de dix-huit mois, 80 % des griefs déposés ont été réglés. De plus, l’Institut a réussi à éliminer complètement la main-d’œuvre indépendante, défi de taille car celle-ci est omniprésente dans les établissements de santé. Une participation exceptionnelle des employés aux fêtes des employés est aussi un indice d’un climat organisationnel sain. À cet effet, l’IUGM s’engage dans sa planification stratégique à mesurer tous les deux ans la qualité de vie au travail de ses employés par le sondage Pulse d’Agrément Canada; en 2011, ce sondage a suscité un taux de participation deux fois plus élevé que celui qui est exigé par Agrément Canada. Les employés sont fiers de leur milieu de travail et souhaitent s’exprimer quand ils sont sollicités.

C’est ainsi que, même si le réseau de la santé et des services sociaux est en perpétuelle mouvance et en redéfinition de son offre de service, l’équipe des ressources humaines de l’IUGM a eu le courage d’assumer un leadership fort et de s’imposer dans les lieux décisionnels de l’organisation pour établir des partenariats favorisant une efficience durable.

Les contextes mouvementés des organisations créent des opportunités incroyables pour les équipes des ressources humaines et donnent à ceux qui aiment relever des défis la possibilité d’innover et de se dépasser.

Annick Branchaud, CRHA, conseillère en développement des ressources humaines, et Jean-François Miron, directeur des ressources humaines, Institut universitaire de gériatrie de Montréal

Source : Effectif, volume 16, numéro 3, juin/juillet/août 2013.


Annick Branchaud Conseillère cadre-Partenaire RH CIUSSS centre-sud-de-l'île de Montréal

Jean-François Miron Directeur des ressources humaines et financières Institut universitaire de gériatrie de Montréal