L’ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE – Une question aussi d’éthique…
Par Me Marie-Claude Barrette, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés
Philippe a raison de se questionner sur cette nouvelle campagne de publicité. L’image que veut projeter l’équipe du marketing n’affectera pas seulement le secteur des ventes, elle pourra aussi contribuer à attirer des candidats pour de mauvaises raisons. Ceux-ci, désireux de travailler dans l’entreprise pour ses initiatives environnementales ou son implication sociale, seront bien déçus lorsqu’ils constateront la vérité.
À titre de CRHA, Philippe a-t-il une responsabilité dans cette affaire? Il serait difficile de faire reposer sur ses épaules ces fausses représentations faites par l’entreprise, d’autant plus que l’idée vient d’un autre service et qu’il n’en a pas été informé. Cependant, son code de déontologie peut le guider.
D’abord, Philippe doit exposer à son employeur, d’une façon complète et objective, les problèmes qu’il constate et l’informer des risques auxquels il s'expose. Constatant que l’entreprise fait valoir une image erronée et sachant qu’elle y perdra probablement à long terme, il doit lui en faire état. Par exemple, il peut lui indiquer que cette fausse image peut diminuer la crédibilité des dirigeants auprès des employés ou démobiliser ceux-ci à long terme. Il peut aussi aborder les avantages des bonnes pratiques en matière de responsabilité sociale, notamment l'impact important qu'elles peuvent avoir sur la motivation et la mobilisation du personnel. Mais une fois qu’il aura exposé la situation à son employeur, Philippe a d’autres obligations…
Il doit aussi s’acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité. Il y a fort à parier que les candidats qu’il recevra en entrevue le questionneront sur les initiatives vertes de l’entreprise. Il devra leur donner l’heure juste, c’est certain…
De plus, Philippe doit exercer sa profession en tenant compte des normes de pratique généralement reconnues et en respectant les règles de l’art. Même si les bonnes pratiques en matière de responsabilité sociale ne sont pas clairement définies, le Service des ressources humaines a certainement un rôle à jouer à cet égard, puisqu’il est responsable de l’élaboration d’un grand nombre de politiques, de systèmes et de processus clés dans l’entreprise. Cependant, le Service des ressources humaines n’est pas le seul à devoir agir. La haute direction doit être également impliquée.
Finalement, si les règles déontologiques ne l’éclairent pas suffisamment, l’éthique peut s’avérer une autre piste de solution pour Philippe. En se basant sur ses propres valeurs et en tenant compte des conséquences de son action sur lui et sur les autres, il devra se demander : « Que dois-je faire pour bien faire? ».
À retenir
- Exposer le problème au client, d’une façon complète et objective, et l’informer des risques possibles associés à la solution envisagée [art. 39 du Code de déontologie].
- Tenir compte des règles de pratique généralement reconnues [art. 3].
- S'acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité [art. 2].
- Faire appel à son sens de l’éthique.
Pour aller plus loin… Des lectures en lien avec cette chronique, les extraits pertinents du Code de déontologie et divers compléments d’information se trouvent dans le portail de l’Ordre.
L’ÉCLAIRAGE DU PROFESSIONNEL – Exercer un rôle d’influence…
Par Marie-Josée Tessier, CRHA, directrice, développement organisationnel, Danone Canada inc.
Les candidats recherchent de plus en plus des entreprises soucieuses de l’environnement, socialement responsables et engagées dans leur communauté ou envers une cause spécifique. Mais il ne semble pas y avoir de stratégie de développement durable dans cette entreprise (on parle « d’initiatives » seulement), ni d’équipe en charge de ces projets. Une entreprise qui intègre une stratégie de développement durable dans son plan stratégique global s’assure d’une cohérence dans toutes ses sphères d’activité.
Il est clair qu’une telle stratégie aide le Service des ressources humaines à atteindre ses objectifs d’attractivité, de mobilisation, de fidélisation et de performance. Dans un contexte de guerre des talents et de pénurie de main-d’œuvre, c’est un atout non négligeable.
Philippe doit se questionner sur son éthique de travail et se demander s’il veut être un spectateur dans les gradins ou un joueur sur le terrain. En décidant d’agir, il a une belle occasion d’exercer son rôle d’influence et de conseil. Il peut démontrer à son employeur, par un diagnostic où il identifie les enjeux de la situation (authenticité de l’image véhiculée, manque de cohérence entre les services, absence de stratégie globale et de communication transversale), les conséquences possibles à tous les niveaux de l’organisation, mais aussi à l’extérieur (notoriété de l’entreprise auprès du grand public et de ses fournisseurs, cohérence de l’image de l’entreprise).
Philippe doit s’adresser à son supérieur immédiat pour lui faire part de son inconfort et lui exposer la problématique qu’il vit dans l’exercice de ses fonctions et en tant que représentant de l’employeur. Il peut explorer avec son supérieur les pistes de solutions qu’il entrevoit, par exemple en posant un diagnostic :
- Quelle est l’image interne et externe actuelle?
- Quelle est l’histoire de l’entreprise et où veut-elle aller?
Avec ces éléments en main, Philippe et son supérieur pourront établir les avantages qui démarquent l’entreprise et établir le profil des candidats visés. Ils communiqueront ensuite avec le Service du marketing pour lui exposer l’image de marque employeur qui a été définie.
Ensuite, en collaboration avec les services du marketing, des affaires réglementaires et des communications externes, le Service des ressources humaines pourra définir le message qui sera véhiculé à l’extérieur de l’organisation.
En conclusion, le Service des ressources humaines aura entrepris l’exercice en prenant un recul qui lui aura permis de définir l’image et la cible. Ensuite, il aura mieux défini les rôles et responsabilités de chacun et se sera positionné comme responsable de l’image de marque de l’employeur. Finalement, il aura permis à l’entreprise de cheminer vers une stratégie globale de développement durable.
Source : Effectif, volume 14, numéro 3, juin/juillet/août 2011.