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Leaders à bord : défi transfert - Programme de développement du leadership à la sauce STM

Comment planifier les activités de transfert dans un programme de développement du leadership? Quelles sont les actions concrètes à réaliser avant, pendant et après les formations pour assurer le transfert des apprentissages? Comment impliquer les intervenants de toutes les sphères des ressources humaines dans le transfert des apprentissages des gestionnaires? Voici les choix éclairés que la Société de transport de Montréal (STM) a faits afin de consolider le style de gestion de ses leaders.

3 décembre 2014
Hélène Giguère | Chantal Lamoureux, CRHA, Distinction Fellow

Mettre en place un programme de développement du leadership pour des centaines de gestionnaires n’est pas une mince tâche. Et quand on sait que seulement 10 % des dépenses en formation donnent des résultats sur le plan du transfert, l’entreprise doit user d’imagination pour atteindre ses objectifs. Il n’y a pas de recette miracle. Chaque organisation a intérêt à élaborer son approche de développement des leaders en fonction de ses caractéristiques propres.

Au-delà des phases classiques d’analyse des besoins, de développement des contenus et des activités, de validation et d’évaluation, la STM s’est inspirée des meilleures pratiques en matière de transfert d’apprentissage pour mettre en œuvre un programme sur mesure, intitulé Leaders à bord. Le programme est offert aux quelque 750 gestionnaires de premier et second niveaux de l’entreprise. Ce parcours de formation de cinq jours (trois modules) s’échelonne sur six mois et est diffusé par le Centre universitaire de formation continue de l’Université de Sherbrooke. Les participants, répartis en cinquante cohortes multi-secteurs, évoluent ensemble tout au long de la démarche.

Leaders à bord, c’est le mélange de trois ingrédients principaux (ou conditions de succès) : l’appui des dirigeants, la pertinence du programme et sa cohérence, conjugués à des actions constantes de soutien auprès de toutes les parties prenantes. Et ça marche! Non seulement la satisfaction des gestionnaires est au rendez-vous (99 %), mais selon une étude menée dans le cadre d’un projet de maîtrise en sciences de la gestion (Émilie Roy-Dauphinais, 2014), il y aurait transfert et résultats en termes d’impacts généraux et personnels.

Premier ingrédient : l’appui de la direction
Si Leaders à bord s’inscrit aujourd’hui au menu de la STM, c’est d’abord parce que les hauts dirigeants ont choisi d’investir dans le développement des gestionnaires. Selon Carl Desrosiers, directeur général de la STM, « on ne peut pas réussir (comme entreprise) si on n’outille pas les gestionnaires correctement… Moi, au siège social, je peux faire bien des choses, mais la nuit, dans un garage, c’est le gestionnaire qui est le patron! Lorsqu’il est temps d’investir dans un programme, ce qui va m’influencer, me faire prendre une décision, c’est ce qui va le plus m’aider à avoir mes résultats. »

Si un dirigeant parle ainsi, c’est que l’équipe des ressources humaines a su influencer tous les membres du comité de direction, en les impliquant à toutes les étapes du projet. Un travail rigoureux de consultation qui a permis à la fois d’entendre les besoins et préoccupations des secteurs, de tenir compte des enjeux organisationnels et de s’arrimer à la stratégie d’affaires.

Investir tout le temps requis en amont, avec les joueurs clés de l’organisation, a permis de présenter un programme bien dosé en termes de pertinence et de cohérence et d’obtenir ainsi un solide soutien. Tout cela fut rendu possible grâce au leadership d’une fonction ressources humaines crédible, qui a présenté une vision intégrée des enjeux stratégiques liés au développement du leadership.

Second ingrédient : la pertinence
Si les gestionnaires expriment haut et fort leur satisfaction à l’égard du programme, c’est que l’approche pratique et les contenus, collés à la réalité de la STM, facilitent la transposition au quotidien. En travaillant en étroite collaboration, les équipes de la STM et de l’Université de Sherbrooke ont optimisé cette approche.

« Le programme élaboré devait faire en sorte que les apprenants puissent établir des liens avec leur quotidien. La formation devait être signifiante pour eux et aussi prendre en compte l’application des apprentissages dans leur réalité professionnelle, affirme M. Serge Allary, directeur général du Centre universitaire de formation continue de l’Université de Sherbrooke. Dans le cas de la STM, cette architecture s’est établie par une découpe de certains thèmes, des visites des formateurs sur le terrain et la prise de connaissance du plan stratégique 2020, de telle sorte que les apprenants ont eu l’impression que les formateurs provenaient de la STM. »

Bien entendu, un programme sur mesure et dans l’action se retrouve en tête des meilleures pratiques en formation. Mais comme le dit M. Desrosiers : « Avec un programme de formation qui ne tient à rien, on n’y arrive pas. Pour nous, ce programme-là doit avoir de l’impact dans le champ et s’imbriquer dans autre chose. (…) Faut que ça fasse un tout, que ce soit cohérent. »

Troisième ingrédient : la cohérence
Le programme s’attache directement à la stratégie d’affaires et vise à consolider le style de gestion de la STM, afin de mobiliser les employés vers l’atteinte des objectifs du plan stratégique 2020. Sa ligne directrice est de donner du sens aux actions. Pourquoi fait-on ce qu’on fait? Pourquoi mobilise-t-on? Pourquoi communique-t-on? Les formateurs travaillent avec les outils STM (plan stratégique, contrat de performance, etc.) et établissent des liens constants entre les compétences attendues et le sens des actions.

La cohérence se voit aussi dans l’approche intégrée mise de l’avant par la direction des ressources humaines, où le style de gestion, décliné en profil de compétences, devient l’élément central de pratiques telles que le processus de gestion de la performance, de gestion de la relève et de dotation.

Tout est bien ficelé, les bons ingrédients sont réunis. Il reste maintenant à lier la sauce.

L’équipe de soutien : agent de liaison
Trop souvent, certaines responsabilités sont confiées à l’équipe responsable du développement et de la diffusion de la formation, alors qu’elle ne peut les assumer. À la STM, le choix de dégager des employés afin qu’ils jouent un rôle de liaison et de soutien auprès des parties prenantes a manifestement contribué à l’atteinte des résultats. Il s’agissait ici :

  • d’impliquer les bonnes personnes aux bons moments;
  • de s’assurer de la cohérence des messages communiqués par les dirigeants;
  • de faire circuler l’information pertinente recueillie en cours de parcours;
  • de produire les outils de transfert et de suivi;
  • de former et soutenir les partenaires d’affaires RH;
  • de soutenir le travail de partenariat avec le fournisseur.

L’investissement a porté fruit, les résultats en témoignent…

Exemples d’actions de soutien
Parties prenantes
Actions
Directeur général
  • Message courriel envoyé par le directeur général à tous les gestionnaires soulignant l’importance du programme, au moment du démarrage des activités.
Directeurs exécutifs et directeurs
  • Séminaire présenté aux gestionnaires de troisième et quatrième niveaux, résumant les grands volets du programme.
  • Tous les gestionnaires de troisième et quatrième niveaux, associés à une cohorte (lancement et clôture).
  • Bilan des apprentissages présenté en clôture et courte activité mettant en valeur la coresponsabilisation quant au transfert des apprentissages.
Comités de gestion
  • Rencontres d’information au calendrier des comités de gestion, présentation du programme et réponse aux questions et préoccupations.
Supérieurs immédiats
  • Outil simple de suivi remis aux supérieurs des participants.
Participants
  • Carnet de bord remis aux participants.
  • Présence du conseiller DO à la clôture du programme.
  • Apprentissages consignés et transmis aux dirigeants et aux conseillers en ressources humaines.
Partenaires d’affaires RH
  • Séminaire d’un jour, synthèse du programme présentée aux intervenants RH et suivis dans COGE, pour une plus grande appropriation.
Fournisseur et formateurs
  • Partenariat important avec le fournisseur.
  • Communication constante avec les formateurs (mise à jour d’info clientèle et organisation) et relais entre les formateurs d’une même cohorte.
  • Rapport post-formation remis à la STM et suivi auprès des personnes et des secteurs concernés.

Des résultats et des efforts à poursuivre
Afin de démontrer les impacts du programme, une étude a été menée auprès 159 gestionnaires « finissants » par Émilie Roy-Dauphinais (HEC Montréal, 2014). Cette recherche a démontré qu’il y a transfert chez 93 % des participants. Les deux compétences où l’on note le plus d’amélioration sont la communication et… l’orientation résultats!

Il ressort également qu’une majorité de gestionnaires se sentent davantage impliqués dans l’évolution de l’entreprise, que la compréhension de leur rôle est plus claire et qu’ils se sentent plus à l’aise dans certaines situations de gestion difficiles. La plupart des gestionnaires estiment que leur participation au programme a facilité la communication avec les autres secteurs de l’entreprise et le recours à un langage commun de gestion.

Alors qu’à l’annonce du programme, les gestionnaires exprimaient quelques résistances à « aller en formation », le sondage indique qu’en fin de parcours, leur motivation à poursuivre leur développement a augmenté de façon significative.

Le défi actuel? La pérennité du transfert. Il s’agit maintenant de saisir toutes les occasions de maximiser les investissements réalisés et de poursuivre le développement du style de gestion. L’équipe de la STM, en plus de maintenir ses efforts de communication et de soutien, prend des mesures ciblées afin d’intégrer les contenus du programme dans toutes les interventions RH. On parle ici de démarche de transformation, gestion du changement, consolidation d’équipe, coaching et conseils au quotidien.

Conclusion
Il n’y a pas de recette qui garantisse le transfert d’un programme de leadership, mais certaines conditions de succès en maximisent l’investissement. Avec Leaders à bord, le secret est dans la sauce : des ingrédients bien sélectionnés, une cuisson surveillée de près, un agent de liaison efficace, un esprit de collaboration, une attention particulière portée aux allergies, le tout assaisonné au goût du chef. À cela, s’ajoute un bon accompagnement et… les participants en redemandent!

Chantal Lamoureux, CRHA, chef de division - Diversité et développement organisationnel, Société de transport de Montréal
Hélène Giguère, M. Éd. Andragogie, conseillère corporative, Développement organisationnel, Société de transport de Montréal

Source : Effectif, volume 17, numéro 5, novembre/décembre 2014.


Hélène Giguère STM

Author
Chantal Lamoureux, CRHA, Distinction Fellow Présidente-directrice générale Institut Québécois de Planification Financière

Gestionnaire possédant plus de vingt-cinq ans d'expérience dans le domaine de la gestion des ressources humaines au sein de grandes entreprises privées et publiques, Chantal Lamoureux, CRHA est reconnue pour son dynamisme, son pragmatisme et sa capacité à créer des partenariats d’affaires réussis. Fière d’avoir réussi à créer et diriger des équipes multidisciplinaires pour concevoir, déployer, et évaluer des projets d’envergure qui ont permis d’accroître la contribution RH à l’atteinte des objectifs d’affaires, Chantal a choisi de s’impliquer activement dans le développement de sa profession, qu’elle estime essentielle, unique, complexe et encore trop souvent méconnue auprès des décideurs, des gestionnaires, des employés et du public en général.