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Le positionnement stratégique de la fonction RH et la création de valeur par le développement organisationnel

En collaboration avec Sébastien Bélair, premier vice-président partenaires d’affaires et opérations RH, et Lucie Houle, vice-présidente gestion des talents à la Banque Nationale du Canada

23 octobre 2014
Joëlle Charpentier, CRHA

Comment distinguer ce qui appartient à la gestion des ressources humaines de ce qui relève du développement organisationnel? Comment définir la valeur créée par la fonction ressources humaines dans l’organisation? Il demeure difficile de répondre à ces questions pourtant simples quand le champ d’expertise de la fonction touche l’humain au sein d’une organisation. Un exercice de positionnement stratégique de la fonction ressources humaines et de création de valeur par le développement organisationnel (DO) permet de le faire. Même que, pour la Banque Nationale du Canada, la démarche a permis à l’équipe de partenaires d’affaires RH de propulser sa mission et de viser plus haut dans la création de valeur pour ainsi générer un avantage concurrentiel plus tangible.

Les assises du positionnement de la fonction
Les diverses fonctions RH font toutes face au même défi : répartir les efforts entre les activités transactionnelles et opérationnelles et celles qui visent à développer et à transformer l’organisation. Le développement organisationnel, qui propulse les transformations, est cependant trop peu souvent exploité par les organisations. On peut aussi dire que la fonction ressources humaines est caractérisée par des processus, des plans et des programmes, alors que le développement organisationnel orchestre des démarches et s’appuie sur des méthodologies.

Pour ce qui est de la création de valeur, comment peut-on la définir simplement? À la différence d’une intention centrée sur les « ressources » qui vise à acquérir ou à modifier quelque chose et d’une intention centrée sur les « actions » qui pousse à agir, une intention centrée sur la « création de valeur » orientera les efforts dans le but d’améliorer, de générer des gains pour l’organisation. La création de valeur s’intéresse donc au développement et aux résultats qu’il engendrera plutôt qu’aux moyens.

Le positionnement stratégique de la fonction ressources humaines par le développement organisationnel, dans l’optique de créer de la valeur, consiste donc en un ensemble de personnes et d’activités permettant de créer des transformations de manière à maximiser le potentiel humain de l’organisation.

1. Concevoir un business case démontrant la valeur du DO
Tout le monde reconnaît que les ressources matérielles, financières et informationnelles sont des leviers de succès. Pour la fonction ressources humaines, dont la discipline est plus intangible, il faut en faire la démonstration. Dans l’optique d’optimiser la fonction, l’étape critique est de préparer le terrain et de faire la preuve au comité de direction que le développement organisationnel est un atout concurrentiel de taille. Le business case est un outil essentiel de cette étape, car il raconte une histoire structurée qui démontre en quoi la fonction RH et la discipline du DO sont un levier de succès. Voici les trois éléments clés que l’on devrait y retrouver :
  • des cadres de référence organisationnels et RH/DO forts : camper la logique de base;
  • les défis RH/DO du marché et de l’organisation : faire parler les chiffres;
  • en quoi le DO peut aborder concrètement ces défis : émettre des arguments percutants.

Le business case est un argumentaire qui doit convaincre la haute direction que le développement organisationnel peut influer sur la compétitivité de l’organisation. De cette façon, la fonction RH obtient alors le feu vert pour monter un projet d’optimisation de son positionnement.

L'expérience de la Banque Nationale du Canada

Il s’agit d’une étape cruciale de sensibilisation, puisque ce sont les dirigeants qui décideront s’ils feront une place plus grande à la fonction RH/DO. L’objectif est de leur faire savoir que la fonction peut les propulser, il faut leur illustrer cette opportunité. Pour atteindre son but, le business case doit parler le langage des dirigeants par une approche centrée sur les enjeux d’affaires et une place prédominante aux bénéfices pour les clients, les employés et l’entreprise.

2. Faire une réflexion stratégique sur le positionnement de la fonction
La réflexion stratégique est ni plus ni moins qu’un exercice de planification pour la fonction. L’approche utilisée n’est toutefois pas traditionnelle; elle interpelle la passion et la créativité des décideurs de l’équipe. Elle repose sur une croyance fondamentale : en définissant clairement le succès visé, on peut plus facilement identifier les gestes à faire pour y parvenir.

Le point de départ est une session de remue-méninges avec le comité de gestion, au cours de laquelle les participants sont amenés à définir, sans limite aucune, le succès souhaité pour la fonction RH/DO trois ans plus tard. Les idées créatives, toujours collées à la réalité de l’organisation, servent ensuite de référence pour bâtir une plateforme stratégique : la vision sur trois ans, la mission et les piliers de l’offre de service.

Comme l’exercice de planification se veut mobilisateur et qu’il est primordial pour tous les employés de s’approprier la plateforme et le plan d’action, une consultation est organisée. Elle prend la forme d’une journée d’ateliers simultanés, facilités par l’utilisation de la technique du groupe nominal avec l’ensemble des employés regroupés en équipes. Ceux-ci réagissent à la plateforme et contribuent à définir les axes d’intervention autour desquels orienter les actions pour atteindre le succès escompté. La plateforme stratégique et la consultation ainsi que l’analyse de documents ciblés guident ensuite l’élaboration d’un plan directeur de développement (plan d’action).

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Avant de partir, il est bon de savoir où on s’en va et pourquoi. Le succès visé étant clair, on épargne du temps et on aligne ses efforts beaucoup plus facilement. Contrairement à d’autres processus de planification plus centrés sur le rationnel, le processus était souple, nous avons rêvé autour du succès à partir de nos expériences et de notre vision. Les ateliers étaient stimulants grâce à l’approche créative et audacieuse qui nous amène complètement en dehors de notre zone de confort!

3. Élaborer un profil et effectuer le bilan des compétences de l’équipe
Forte des étapes précédentes, l’équipe RH a comme nouvelle priorité de garantir sa capacité à concrétiser ses ambitions. La façon la plus simple et efficace est d’élaborer un profil de compétences à partir duquel l’équipe peut faire son auto-positionnement. Cette opération permet de faire le bilan des compétences et des connaissances de chaque membre et de l’équipe. Elle identifie la cible à atteindre ainsi que le niveau de maîtrise des membres de l’équipe. En fonction des écarts observés, il sera facile d’orienter le développement des compétences.

4. Développer les compétences en DO
Un recensement des démarches, méthodologies et outils existants – sur lesquels repose en grande partie le développement organisationnel – est effectué en fonction de l’offre de service révisée et selon les critères suivants : fréquence d’utilisation, niveau de maîtrise, efficacité de l’utilisation. Le recensement permet de bâtir une boîte à outils uniforme et plus complète.

Par la suite, un parcours d’apprentissage est mis en place. Celui-ci met l’emphase sur l’appropriation des démarches et favorise la mise en pratique : exercices lors de séances de formation, par des mises en application auprès des secteurs où l’équipe RH intervient et coaching dans le cadre de groupes de codéveloppement entre chaque séance de formation. Au-delà du parcours d’apprentissage, tout le processus aura un plus grand impact s’il aligne l’ensemble des systèmes sur le profil.

L'expérience de la Banque Nationale du Canada

Les étapes 3 et 4 constituent nos conditions de succès pour mobiliser et rallier l’équipe autour de notre nouvelle offre de service et la soutenir dans son développement. Avec le parcours d’apprentissage, nous professionnalisons notre métier d’intervenant en mettant davantage l’accent sur les démarches communes. La force de celles-ci est qu’elles s’appuient sur une compréhension des comportements humains et qu’elles guident dans l’action.

5. Évaluer la valeur créée
Pour parvenir à mesurer la valeur générée, un gabarit de bilan organisationnel est créé. Basé sur l’offre de service, il mesure les résultats, à l’aide d’indicateurs déterminés, des divers éléments reliés aux interventions de RH/DO dans une équipe de travail. Par exemple, en mesurant l’écart du taux de mobilisation d’un semestre ou d’une année à l’autre, il est possible de déterminer la valeur créée grâce à la contribution de la fonction RH/DO. La valeur créée passera forcément par une contribution, puisque le rôle RH/DO est de soutenir les gestionnaires et les équipes. Le résultat ou le gain correspond à l’évolution des gestionnaires et des équipes en terme de performance et de confiance. Le bilan comprend donc des observations terrain qui permettent de qualifier l’exercice de gestion et l’expérience employé. Il comporte un équilibre entre des mesures quantitatives et qualitatives qui sont tout aussi importantes.

L'expérience de la Banque Nationale du Canada

Les gains de la démarche pour l’équipe RH sont semblables à ceux que toute unité administrative obtient à l’issue d’un projet : une augmentation de la confiance en soi, de la confiance dans l’équipe et entre les équipes. Notre pratique RH/DO et l’approche de gestion se solidifient, nous avons maintenant des démarches éprouvées et de meilleurs outils, nous pouvons mieux gérer le risque en prédisant les résultats et en garantissant le succès. Sans le DO, on est riche en données; avec le DO, on est riche en information! L’offre de service de DO est un accélérateur dans la transformation de la Banque et le développement des équipes.

Une démarche porteuse et mobilisante
L’exercice permet de positionner la fonction ressources humaines et le développement organisationnel pour en tirer tout le potentiel au profit de l’organisation. Il est aussi mobilisant pour l’équipe RH étant donné qu’il lui permet de viser haut et de rallier ses membres autour d’objectifs et de rôles clairs et stimulants. Tout le monde en sort gagnant : l’équipe des ressources humaines, les gestionnaires, les équipes, les clients et… les actionnaires.

Source : Effectif, volume 17, numéro 4, septembre/octobre 2014.


Joëlle Charpentier, CRHA