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La communication et la rémunération : miser sur la stratégie avant la transparence

Il suffit d’observer les pratiques de diverses organisations (réunions individuelles, structures salariales dans l’intranet, relevés de rémunération globale, etc.) et le nombre important d’articles sur le sujet pour comprendre que communiquer la rémunération est non seulement d’actualité, mais également un mot d’ordre.

30 avril 2008
Normand Fafard, CRHA

Consultants, universitaires et professionnels de la gestion des ressources humaines prêchent en faveur d’une plus grande communication. C’est maintenant la transparence qui s’ajoute aux caractéristiques essentielles de la communication en matière de rémunération. Une précision s’impose. Pour nous, la transparence est synonyme de clarté, obtenue par l’ajout de détails pertinents pour le public cible, et non pas d’invisibilité.

Un dosage de la transparence
Combien de responsables de la fonction ressources humaines et de professionnels de la rémunération ont connu des organisations où la communication était presque inexistante en ce qui a trait à la rémunération? Ces mêmes organisations, après des décennies de black-out quasi-total, prennent subitement le virage de la communication au nom de leur nouvelle stratégie de marque.

Cependant, la sagesse professionnelle porte tout acteur dans ce domaine à croire que « trop, c’est comme pas assez ». On sait bien que le copier-coller de pratiques gagnantes donne rarement les résultats obtenus ailleurs. En effet, le succès en communication nécessite la prise en compte de nombreux facteurs et variables qui permettent entre autres un heureux dosage de la transparence.

Alors, quels sont ces facteurs et variables à prendre en compte pour définir sa stratégie de communication et choisir ses propres pratiques gagnantes?

Définir la stratégie optimale
La stratégie optimale de communication en matière de rémunération est propre à chaque contexte et se définit selon différentes dimensions :
  • les objectifs poursuivis par l’exercice de communication;
  • l’étendue des sujets à communiquer et leur complexité (équité externe et interne, politiques, programmes et pratiques);
  • le degré de transparence voulu et nécessaire pour chaque sujet communiqué et pour chaque segment du public cible (gestionnaires, cadres de premier niveau, groupes d’employés);
  • les moyens pour chacun des sujets et des publics cibles.

Prenons l’exemple de deux organisations qui mettent en place une structure salariale et qui pourraient agir différemment sur le plan de la communication.

L’entreprise A implique les gestionnaires dans la démarche d’évaluation des emplois de leurs subordonnés, dans la validation de classification des emplois et on les informe des échelles salariales associées à chacune des classes. Elle informe les employés concernés sur la démarche qui a permis de classer leur emploi respectif dans la structure salariale et sur l’échelle salariale associée à leur classe d’emploi sans nécessairement leur donner les résultats (pointage) de l’évaluation des emplois.

Pour sa part, l’entreprise B centralise la démarche d’évaluation au sein de la fonction ressources humaines et communique aux gestionnaires la classification des emplois qui en résulte de même que la structure salariale. Les employés sont informés uniquement du maximum salarial qu’ils peuvent atteindre dans l’emploi qu’ils occupent.

Laquelle de ces deux organisations a déployé la stratégie de communication optimale de ses politiques et pratiques de rémunération? Présumant que les deux ont pris en compte les éléments clés de leur contexte et de leur environnement, il est possible que chacune ait choisi la stratégie la plus appropriée à sa situation.

Une image évitera mille maux
Avant d’entreprendre l’élaboration et le déploiement de la stratégie de communication, il est très utile d’analyser l’organisation et son environnement ainsi que les nombreux éléments qui auront un impact sur l’implantation des changements. Les tableaux 1 et 2 présentent les éléments importants à considérer dans cette analyse.

TABLEAU 1 – ÉLÉMENTS DE L’ENVIRONNEMENT INTERNE
Haute direction Gestionnaires et cadres de premier niveau
  • Importance accordée à la rémunération en tant qu’instrument de performance organisationnelle.
  • Valeurs et culture véhiculées relativement à la rémunération et à la communication.
  • Historique de la rémunération et de la communication.
  • Qualité du leadership pour assumer les responsabilités de gestion de la rémunération.
  • Niveau de maîtrise de la gestion de la rémunération.
Employés Stratégies, politiques et pratiques de rémunération
  • Niveau de conscience de leur valeur sur le marché d’emploi.
  • Perception des politiques et pratiques ainsi que de leur degré d’équité et de justice.
  • Perception de la direction concernant la gestion de la rémunération.
  • Présence ou absence de syndicat.
  • Degré de centralisation des décisions relatives à la rémunération.
  • Degré de sophistication de ces décisions.
  • Résultats maintenus en matière d’équité interne et externe.
  • Résultats sur l’attraction et la fidélisation.
  • Pratiques de communication des politiques et décisions aux employés.

TABLEAU 2 – ÉLÉMENTS DE L’ENVIRONNEMENT EXTERNE
Éléments sociodémographiques Éléments législatifs et réglementaires
  • Disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée.
  • Complexité des marchés d’emploi.
  • Réseau structuré d’information au sein de la main-d’œuvre (ordre professionnel, service de placement des diplômés, etc.).
  • Normes du travail.
  • Équité salariale.
  • Loi sur les relations du travail.
Éléments technologiques Éléments économiques
  • Disponibilité pour les employés de l’information sur
    la rémunération.
  • Facilité pour les employés d’échanger de l’information sur la rémunération et sur les emplois disponibles.
  • Possibilité de concevoir le travail autrement grâce aux technologies de l’information.
  • Concurrence locale, nationale et internationale pour la main-d’œuvre.
  • Capacité de payer des concurrents.
  • Pratiques courantes en matière de rémunération globale et de communication chez les concurrents.

Analyse et plan d’action
À titre d’exemple, les conclusions découlant d’une analyse telle l’approche SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats) permettent de concevoir une stratégie et un plan d’action propices à la mise en œuvre et à la communication des changements souhaités. À la suite de cette analyse stratégique, on est également en mesure de bâtir l’incontournable argumentaire nécessaire pour convaincre la haute direction de la valeur des propositions et de la stratégie de communication qui en découle.

Il faut être conscient que la haute direction voudra, et avec raison, influencer les orientations générales et approuver la stratégie de communication. Il est même possible, et souhaitable dans certains contextes, que les gestionnaires y mettent leur grain de sel. Les étapes critiques au succès du plan d’action et de communication seront donc franchies en partenariat avec les joueurs importants de l’organisation.

Formuler une proposition globale
Il faut formuler une proposition globale des changements qui, selon le diagnostic établi, doivent être apportés aux politiques et aux pratiques de rémunération de l’organisation. On doit s’assurer d’un certain équilibre entre les objectifs et les réalités qui s’opposent :
  • l’équité avec les marchés externes et la capacité financière de l’organisation;
  • l’équité interne et l’équité externe;
  • l’urgence de la situation et la capacité de l’organisation à s’adapter aux changements prévus;
  • la volonté de communiquer et la pertinence de le faire selon les objectifs poursuivis.
Engager la haute direction
L’argumentaire doit reposer sur des appuis solides et recevables aux yeux de la haute direction afin non seulement qu’elle accepte les plans d’action et de communication, mais aussi qu’elle s’engage dans leur réalisation. Voici quelques pistes…
  • Clarté et précision :
    • les objectifs poursuivis par les changements et leur communication;
    • le message, les stratégies et les tactiques de communication par public cible;
    • le partage des rôles entre la haute direction, les gestionnaires et la fonction ressources humaines;
    • les ressources requises (temps et argent).
  • Les coûts (uniques et récurrents) découlant de la réalisation du plan d’action par rapport aux coûts (uniques et récurrents) inhérents au statu quo.
  • Les risques et la vulnérabilité engendrés par le statu quo relativement à la réalisation du plan d’affaires.
  • Les moyens pour permettre à l’organisation d’évoluer dans sa gestion de la rémunération.
Engager les gestionnaires dans le changement
Il est important de reconnaître que les gestionnaires sont concernés personnellement par les politiques et pratiques de rémunération. Ainsi, le temps et les efforts investis pour qu’ils se sentent écoutés, entendus et, si possible, responsabilisés dans la démarche de gestion de changement garantiront leur engagement dans la gestion du changement. Les actions suivantes pourraient donc être pertinentes :
  • aborder rapidement leurs préoccupations et leur inconfort à l’égard de leur rôle et des changements proposés;
  • si possible, les impliquer dans les phases initiales du diagnostic, de l’élaboration et de la mise en œuvre des changements requis;
  • les outiller adéquatement pour qu’ils assument pleinement et efficacement leurs responsabilités dans la gestion et la communication de la rémunération;
  • investir dans la formation et l’information pour leur donner un sentiment de contrôle et d’efficacité.
Offrir aux employés une communication claire et à la portée de tous
Viser une communication claire est un objectif incontournable qui favorisera :
  • la compréhension par les employés des politiques, objectifs et pratiques de rémunération qui les concernent;
  • l’uniformité et la cohérence des communications, qu’elles proviennent de la haute direction, des gestionnaires ou du service des ressources humaines;
  • la perception de l’équité des politiques et des pratiques de rémunération et, ultimement, du positionnement salarial des individus.

Il n’est évidemment jamais agréable de communiquer un gel des salaires ou un ajustement des structures salariales inférieur au taux d’inflation. Toutefois, une communication honnête et crédible permet à l’organisation de traverser une crise avec un plus haut niveau de mobilisation des employés qu’une stratégie du silence.

À l’opposé, de très bonnes nouvelles transmises de façon négligée pourraient provoquer des effets négatifs, semer la confusion, alimenter les rumeurs et créer une perception d’iniquité.

Mot de la fin
Il est toujours risqué d’être contre la vertu ou la rectitude politique. Malgré l’engouement pour la transparence, une stratégie de communication bien ancrée dans la réalité de l’organisation est essentielle si on veut lever le pied de l’accélérateur dans certaines courbes de la gestion de la rémunération. Pour atteindre des objectifs ambitieux et parfois opposés, la communication et sa transparence sont des moyens certes très puissants, mais rarement une fin en soi.

Normand Fafard, CRHA, associé, ressources humaines et rémunération, Normandin Beaudry

Source : Effectif, volume 11, numéro 2, avril/mai 2008.


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