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L'art de la question : pour accroître son influence

Maîtriser l'art du questionnement transforme votre capacité d'influence au travail en créant des interactions durables et respectueuses qui engagent vos interlocuteurs.
29 mai 2025

Cet article rédigé en 2015 a été mis à jour en mai 2025

Par Isabelle Lord, CRHA, Distinction Fellow

Dans le monde du travail actuel, exercer une influence durable est sans contredit une compétence incontournable. Mais comment y arriver et exploiter tout son potentiel ?
L'une des voies très intéressantes pour influencer durablement est de maîtriser l'art de la question. Questionner est un art qui s'apprend. Pour l'exercer adéquatement, il faut savoir tout à la fois utiliser une formulation juste, adopter une attitude de questionnement appropriée et établir l'intention stratégique à l'origine de la question.

Poser les bonnes questions

L'art de la question favorise l'interaction et le partenariat en situation d'influence. Le maîtriser permet de devenir une professionnelle ou un professionnel plus influent. Dans une situation délicate, poser les bonnes questions augmente l'ascendant d'une personne sur son interlocuteur et la confiance qu'il a en elle. Encore faut-il savoir adopter l'attitude positive intrinsèque.

L'art de questionner s'apprend. À force de pratique, la formulation des questions devient de plus en plus naturelle ; la question que l'on pose doit permettre d'arriver à l'objectif de façon positive, respectueuse de l'autre et sans perdre de temps.

Certaines questions sont de véritables éteignoirs pour l'interlocuteur : ce sont souvent des questions fermées, auxquelles il peut répondre simplement par oui ou par non. On ne tirera pas grand-chose de telles questions. Elles peuvent permettre de clarifier une situation, mais elles ne montreront certainement pas d'intérêt envers l'interlocuteur.

Ainsi, en demandant : «  Êtes-vous sûr ?  », on dit à son interlocuteur qu'on doute énormément de sa proposition et même qu'on n'y croit pas du tout. Si l'on demande : «  Comment êtes-vous arrivé à cette solution ?  », on apprendra peut-être quelque chose d'important et, surtout, on sera en train de dire à son collègue qu'on reconnaît sa compétence.

Au cours d'une conversation importante, il est essentiel d'avoir une intention stratégique claire et de s'y tenir. Pour la professionnelle ou le professionnel RH par exemple, cela peut être de susciter l'engagement de son interlocuteur dans un projet ou d'en valider sa compréhension. Par des questions telles que : «  Dans quelle mesure est-ce que je peux compter sur toi ?  », ou encore : «  Je veux m'assurer d'avoir été clair, car ce point est important pour moi. Qu'est-ce que tu retiens de notre entretien ?  », le professionnel fera sentir à son interlocuteur que son avis est souhaité et il obtiendra un meilleur engagement de sa part.

Ce genre de question doit être préparé. On ne peut pas y penser dans le feu de l'action. Aussi, quand on se prépare à une rencontre, il faut établir, en plus des points à aborder, quelques questions, et ne pas hésiter à les rédiger à l'avance. Une fois l'intention stratégique acquise, on aura la certitude de communiquer exactement l'essentiel.

D'autre part, en plus des trois piliers essentiels à la formulation d'une bonne question (la forme - l'attitude - l'intention stratégique), il est important de savoir mettre en application les cinq attributs suivants pour bien pratiquer l'art de la question :

  1. Maîtriser la question ouverte.
  2. Cesser de penser que c'est plus long de poser une question que de dire quoi faire.
  3. Formuler une question avec justesse.
  4. Avoir conscience de son attitude et apprivoiser les silences.
  5. Reconnaître la qualité de son écoute.

Maîtriser la question ouverte

Il existe plusieurs types de bonnes questions, qui sont utiles dans des contextes différents. Mais comment formuler «  LA  » question ?

  • Il faut d'abord penser au collaborateur qu'on veut mobiliser, ou voir devenir plus autonome.
  • Préparer ensuite des questions pertinentes et percutantes.
  • Se demander si ces questions encouragent l'engagement de l'interlocuteur, si elles lui permettent d'engager un dialogue ou si, au contraire, elles débouchent sur un oui ou sur un non.

Une bonne question est ouverte, elle requiert une réflexion de l'interlocuteur, une réponse approfondie. Il faut cependant être prudent avec les questions ouvertes : on gagne à les utiliser judicieusement. Par exemple, si l'on cherche à connaître l'avis de quelqu'un, il faut éviter de poser une question dirigée, car elle rendrait l'interlocuteur passif en lui soufflant la réponse attendue.

Cesser de dire quoi faire

Pour passer d'un mode directif de gestion, à un mode collaboratif de gestion, il faut qu'un gestionnaire se fasse confiance et se départisse de son besoin de tout contrôler, ce qu'on appelle communément le «  syndrome de la tour de contrôle  ». En bref, ne pas leur dire quoi faire, mais plutôt poser les questions qui forceront la réflexion chez ses collègues pour les amener à trouver eux-mêmes les solutions. C'est le rôle d'un coach, qu'un gestionnaire inspirant doit jouer.

Ainsi, tout comme le gestionnaire inspirant doit influencer au lieu d'imposer, la professionnelle ou le professionnel en ressources humaines aura avantage à poser des questions. Si un professionnel RH pense qu'un dossier s'implantera efficacement, en mettant simplement en branle sa mise en œuvre, il est dans l'erreur. Cependant, s'il demande conseil à une collègue ou à un collaborateur pour connaître ses idées sur la façon de procéder, la personne se sentira interpellée et mettra davantage de cœur à l'ouvrage. C'est encore ici un exemple que, lorsqu'on pose des questions au lieu de donner des ordres, on encourage l'engagement de son interlocuteur et l'on favorise son autonomie.

Formuler une question avec justesse

En commençant ses questions par «  comment  », on est sur la bonne voie. Il vaut mieux éviter les «  pourquoi  », qui mettent souvent l'interlocuteur sur la défensive. La question : «  Pourquoi penses-tu que le climat de travail s'est envenimé depuis que nous avons fait ce changement ?  » indique à l'interlocuteur que le climat de travail s'est dégradé et lui précise de surcroît l'élément déclencheur de cette situation désagréable. Demander plutôt : «  Quel effet a eu ce changement sur le climat de travail ?  » ne sous-entend pas de préjugés sur le changement en question. Il pourra ainsi répondre selon ce qu'il a réellement perçu au sein de l'entreprise depuis l'implantation du changement.

Afin de susciter l'engagement, on pourra demander : «  Dans quelle mesure est-ce que je peux compter sur toi ?  » plutôt que de dire simplement : «  Est-ce que je peux compter sur toi ?  » Avec la première formulation, l'interlocuteur sera obligé de se commettre, de dire concrètement ce qu'il fera.

Enfin, une question comme : «  Qu'est-ce qui manque en ce moment pour te permettre de déployer cette initiative dans ton secteur ?  » est un bon point de départ pour désamorcer une résistance.

Dans tous les cas, on doit se rappeler que l'objectif est de faire réfléchir l'interlocuteur, de l'amener à préciser sa pensée et à s'engager dans l'action. Ce n'est pas un interrogatoire, mais un dialogue.

Il faudra éviter, pourtant, de poser des questions trop générales. Si on demande au collègue que l'on cherche à influencer ce qu'il pense d'un nouveau programme, il ne saura pas comment répondre. Il sera incapable de cerner l'information recherchée et n'osera pas s'avancer ainsi à tâtons. Il vaut mieux préciser la question, afin d'obtenir un avis plus approfondi de sa part : «  Comment penses-tu qu'on pourrait implanter ce nouveau programme dans ton service ?  » L'interlocuteur verra cette question comme un appel à réfléchir et il se sentira inclus dans la décision. Une bonne question ouverte doit donc être précise et porteuse de sens.

On ne doit pas non plus poser plusieurs questions à la fois dans le même énoncé, cela risque de semer la confusion chez son interlocuteur. Il sera bien embêté de répondre simplement, ne comprenant pas exactement ce qu'on lui demande.

L'attitude et apprivoiser les silences

Abordons maintenant un aspect moins technique, mais essentiel pour maîtriser l'art de la question : l'attitude. Poser des questions efficaces ne sert à rien si on ne sait pas écouter les réponses. Pour obtenir une bonne réponse, encore faut-il être en mesure de l'écouter. Il importe donc de laisser s'installer le silence qui permettra de faire émerger la réponse attendue.

Le silence est aussi essentiel. On ne suscitera aucun engagement de la part de son interlocuteur en ne le laissant pas parler ; pour ce faire, il faut le laisser réfléchir. Cette réflexion demande le silence. Il ne faut surtout pas le briser avec ses propres réponses ou en ajoutant des questions. Maîtriser l'art de la question requiert d'apprendre à contrôler son sentiment d'insécurité lors de l'attente. Si on a établi un lien de confiance puissant avec ses interlocuteurs, les pauses et les silences se révéleront très souvent des précurseurs à des instants de coaching... pourvu qu'ils ne s'éternisent pas indûment.

Reconnaître la qualité de son écoute

Il faut aussi observer son interlocuteur et apprendre à lire sur son visage les signes de réflexion. Souvent, les choses que l'on ne dit pas avec des mots, on les exprime par des gestes ; il faut être attentif au non verbal. Durant l'attente, prendre soin de son propre sa propre attitude : démontrer sa patience en adoptant une attitude physique ouverte et posée. Ne pas pianoter sur la table et ne pas regarder son cellulaire. En écoutant activement, on se concentre sur les propos de son interlocuteur, on n'est pas en train de préparer sa réplique ou de penser à sa prochaine question. On est entièrement présent à la conversation.

Savoir poser de bonnes questions — et savoir écouter les réponses — est un art : c'est à force de pratiquer qu'on se sentira à l'aise. Une bonne question permet à l'interlocuteur de réfléchir à voix haute, d'exprimer son opinion et d'engager un dialogue. À l'issue de cet échange, il aura peut-être proposé des solutions auxquelles on n'aurait pas pensé au départ. En prime, la professionnelle ou le professionnel RH sera perçu comme une personne influente qui travaille en équipe, une qualité que l'on reconnaît aux vrais leaders.

Isabelle Lord, CRHA, Distinction Fellow est conférencière et formatrice chez Ressources Influanz.