Qu’est-ce que l’accompagnement?
Maela Paul (2004) définit l’accompagnement comme le geste volontaire de « se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui ». L’accompagnement est donc l’antithèse d’une pédagogie de la transmission, où la personne reçoit passivement des avis et des suggestions. Dans tous les types d’accompagnement, l’individu est vu comme l’auteur des actions professionnelles qu’il décide d’effectuer.
Nous utilisons le mot « accompagnant » qui évoque un rapprochement et la proximité au lieu du terme « accompagnateur » qui sous-entend une certaine distance.
Les accompagnants dans la vieLes premiers accompagnants d’un individu sont naturellement ses parents. Lorsque qu’un enfant apprend à marcher, ses parents ne peuvent par aucun moyen le forcer à marcher avant qu’il soit prêt. Cependant, ils l’aident à se tenir debout, l’encouragent, le félicitent… Ils ne le critiquent pas. Ils l’accompagnent simplement dans son apprentissage. Et c’est là que l’accompagnement prend tout son sens, dans les capacités de la personne elle-même à se réaliser ou à s’actualiser, selon le terme cher à Carl Rogers (1961).
Les accompagnants de la vie professionnelle
Dans le monde du travail, on peut faire appel à plusieurs types d’accompagnement que Paul (2004) conçoit comme une « nébuleuse ». Ils correspondent, dans certains cas, à des rites de passage dans la vie professionnelle. On peut ainsi trouver un mode d’accompagnement approprié pour chaque étape de la vie professionnelle.
L’accompagnement n’a pas toujours lieu lors d’une relation individuelle exclusive (Clutterbuck, 2012). Il peut aussi venir des pairs ou par l’intermédiaire d’un groupe.
Les éléments différentiels clés de l’accompagnementLe recours à l’un ou l’autre des types d’accompagnement dépend des besoins individuels ainsi que des exigences de l’organisation. Un certain nombre d’éléments clés rendent l’accompagnement différent d’autres pratiques, comme la consultation par exemple. Ce sont :
- une posture d’écoute : permettant de poser des questions afin que l’individu s’instruise de sa situation;
- une dimension relationnelle entre les acteurs;
- une dimension temporelle : les parties se rendent simultanément disponibles pour une certaine période de temps;
- un équilibre entre la réflexion et l’action;
- une dimension spatiale : un espace commun pour échanger, qui favorise tout autant la discrétion que l’ouverture.
ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL | ||
Type d’accompagnement | Description de l’approche | Observations sur la pratique |
Mentorat naturel/informel | Ne fait pas l’objet d’un programme structuré. La dyade est créée en fonction des intérêts réciproques et des affinités entre deux personnes, soit en milieu de travail ou à l’extérieur. | Bénéfices limités pour l’organisation. |
Mentorat structuré/formel | Moyen d’améliorer la performance d’une entreprise, en passant par le porteur du projet, généralement le chef de l’entreprise. Le but de l’accompagnement est d’améliorer son sens des affaires et ses habiletés de gestion ainsi que de le sensibiliser à son savoir-être. | Efficacité et utilité plus grandes pour l’organisation. Le programme fait généralement l’objet d’une coordination interne qui assure le jumelage des mentors et des mentorés, leur formation, le suivi des relations mentorales qui ont une durée déterminée, et l’évaluation du programme. |
Mentorat d’affaires ou d’entrepreneurs | Moyen d’améliorer la performance d’une entreprise, en passant par le porteur du projet. | Plusieurs programmes de mentorat d’affaires sont parrainés par la Fondation de l’entrepreneurship du Québec. |
Mentorat inversé | Démarche d’accompagnement de gestionnaires plus expérimentés par de jeunes employés. Manière créative d’intégrer les savoirs des nouveaux employés dans l’organisation. Peut prendre une forme structurée ou semi-structurée selon la culture organisationnelle. | Permet d’initier les gestionnaires plus âgés aux nouvelles technologies; peut aussi donner aux dirigeants une meilleure perspective transversale de l’organisation. |
Coaching individuel externe | Dispensé par un coach externe. Partenariat avec un client (coaché) dans le cadre d’un processus de réflexion structuré qui l’inspire à maximiser son potentiel. Le coach utilise des techniques comme l’écoute active et le questionnement afin de faire émerger chez l’individu les solutions pertinentes à sa situation. | Vision objective de l’organisation par le coach; possibilité pour l’organisation de choisir parmi plusieurs coachs. Le coach n’est pas un consultant. Donc, son rôle n’est pas de donner des conseils. |
Coaching individuel interne | Poursuit les mêmes objectifs que le coaching individuel externe, mais dispensé par un coach interne. Les coachs internes possèdent habituellement la même formation que les coachs externes et suivent donc les mêmes méthodes et processus de coaching. | Le coach connaît bien l’organisation. Mais il fait aussi face à des défis comme la méfiance des coachés par rapport au respect de la confidentialité, et le risque de tomber dans le mode conseil. |
Coaching RH | Dispensé par un professionnel en ressources humaines, généralement partenaire RH, qui utilise des techniques d’accompagnement des gestionnaires inspirées du coaching, comme l’écoute et le questionnement. | Contribue de manière significative à la réalisation de la stratégie organisationnelle. Le défi du coach RH est de changer de posture ou d’approche selon le chapeau qu’il porte : conseiller, coach, etc. |
Co-coaching | Démarche structurée par laquelle deux personnes s’aident mutuellement à améliorer leur capacité ou comportement dans un domaine précis. | Plus efficace si les deux personnes ont de bonnes habiletés de coaching et se connaissent bien. |
Conseil | Le conseiller guide quelqu’un dans sa conduite. Il en sait plus que son client, mais est ouvert à la discussion afin que le client puisse prendre sa décision. | Le conseiller peut être psychologue, médiateur, facilitateur, etc. |
Tutorat | Fonction de l’entreprise qui a pour but d’aider, d’informer et de guider de nouveaux employés. | Assuré par une personne qui connaît bien la tâche que l’employé doit apprendre, comme des procédures, des méthodes, des protocoles ou des règles. |
Conseil/aide (counseling) | Relation d’aide lorsque des problèmes personnels ou interpersonnels spécifiques empêchent une personne de fonctionner normalement. | Fait habituellement partie du programme d’aide aux employés (PAE). Dispensé par un spécialiste tel psychologue ou psychothérapeute. |
Patron-coach | Le gestionnaire crée des occasions de développement de ses employés, en leur permettant de mettre en pratique de nouvelles connaissances ou habiletés. | Le gestionnaire adopte une posture de coach (écoute, questions, rétroaction). |
Parrainage (sponsoring) | Une personne d’un niveau supérieur s’occupe de la carrière d’un individu, pour s’assurer, par exemple, qu’on lui donne des occasions de se développer. | Méprise : on utilise parfois le mot parrain pour désigner une personne qui joue un rôle de tuteur ou de mentor. |
Compagnonnage | Association entre membres d’un même métier ou d’une même profession aux fins de transmission des connaissances et d’assistance mutuelle. | |
Formation d’apprentissage | Accompagnement pratique basé sur des activités d’apprentissage ajustées aux besoins de l’individu. L’accompagnement consiste à transférer des compétences ou des habiletés dans un domaine particulier, et la période est généralement de courte durée. | Un parcours individualisé de formation permet à la personne de construire sa propre trajectoire en fonction de son plan individuel de développement. On peut y assimiler le rôle de maître de stage qui encadre une personne dans son parcours individuel de développement d’expertises en apportant son expérience et ses connaissances. |
ACCOMPAGNEMENT EN GROUPE | ||
Type d’accompagnement | Description de l’approche | Observations sur la pratique |
Mentorat de groupe | Un mentor possédant beaucoup d’expérience accompagne plusieurs personnes dans un groupe d’employés qui ne sont pas ses subordonnés et qui peuvent provenir de différentes parties de l’organisation. | Utile si le nombre de mentors disponibles est limité. Le mentor doit être bien formé. |
Coaching d’équipe | Approche intégrée qui permet d’approfondir la dynamique et la stratégie de fonctionnement de l’équipe (5-10 personnes). Se concentre sur l’équipe comme système, indépendamment des besoins de chacun. | Une intervention typique dure environ six mois (une intervention par mois). |
Coaching d’équipe dans l’action (Shadow Coaching) | Approche selon laquelle un coach observe une équipe pendant une séance de travail et donne une rétroaction à divers moments clés en fonction des objectifs préalablement acceptés par l’équipe. | Il est important que le leader reçoive du coaching individuel en même temps. |
Coaching de groupe | Les individus (4 à 10 personnes) sont coachés, en groupe, mais avec des objectifs individuels pour chacun. | Peut servir à intégrer des changements organisationnels. Moyen efficace d’obtenir les bénéfices du coaching à un coût moindre que le coaching individuel. |
Consolidation d’équipe | Activité ponctuelle et à court terme destinée à renforcer l’unité et la collaboration entre les membres d’une équipe. | La ligne de démarcation est parfois mince entre le coaching d’équipe et la consolidation d’équipe. À manipuler avec soin. |
Cercle de legs | Groupe de 6 à 12 personnes qui se situent au troisième tiers de leur vie active au travail et qui se préparent à transmettre leur legs professionnel à l’organisation. | Moyen très efficace de préparer en douceur les gens qui vont prendre leur retraite. |
Codéveloppement | Groupe de personnes qui veulent améliorer leur pratique professionnelle et dont la réflexion est favorisée par un exercice structuré de consultation géré par un animateur. | Approche qui se répand de plus en plus dans les organisations. |
Compagnonnage | Association entre membres d’un même métier ou d’une même profession aux fins de transmission des connaissances et d’assistance mutuelle. | |
Communauté de pratique | Groupe de personnes qui partagent des pratiques professionnelles, des expériences et des outils, en personne ou de manière virtuelle. | Encourage l’échange d’idées et d’information dans une organisation. |
Groupes de discussion | Communautés d’apprentissage, assistées par un animateur, s’appuyant sur le partage d’expériences, les échanges entre des participants provenant de différentes organisations. | De nombreux groupes de discussion existent dans les médias sociaux, particulièrement sur LinkedIn. |
ACCOMPAGNEMENT ÉLARGI (Réseaux) | ||
Type d’accompagnement | Description de l’approche | Observations sur la pratique |
Entraide | Dans les milieux de travail, personnes vers lesquelles on se tourne naturellement en cas de difficulté, quand on a besoin de conseils ou de se confier. | Pouvoir compter sur l’entraide, l’écoute ou le soutien d’un collègue est un important facteur de protection en matière de santé mentale au travail. |
Groupes de discussion | Communautés d’apprentissage, assistées par un animateur, s’appuyant sur le partage d’expériences, les échanges entre des participants provenant de différentes organisations. | De nombreux groupes de discussion existent dans les médias sociaux, particulièrement sur LinkedIn. |
Réseaux de développement | Concept d’accompagnement élargi basé sur le développement d’un réseau de relations qui permet à une personne de trouver un soutien auprès de plusieurs types d’accompagnants. | Une personne peut avoir plusieurs mentors et un coach et faire partie en même temps d’une communauté de pratique et d’un groupe de codéveloppement. Le réseau de développement d’une personne comprend autant les éléments internes qu’externes liés à l’atteinte de ses objectifs de développement, à court, moyen ou long terme. |
En conclusion
Soulignons en terminant que la dynamique de l’accompagnement (Savoie-Zajc, 2010) exige un engagement volontaire de la personne. Elle comporte aussi une prise de parole par laquelle la personne accompagnée se révèle à elle-même et aux autres. Finalement, même si les accompagnés et les accompagnants manifestent un esprit de réciprocité, il faut accepter le fait que la relation est très souvent asymétrique et comporte une dimension affective importante, qui en fait d’ailleurs toute la richesse.
Yvon Chouinard, CRHA, ACC, coach associé, Groupe Pauzé
Source : Effectif, volume 17, numéro 1, janvier/février/mars 2014.
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