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Gestion des ressources humaines chez Cascades : le secret est dans le plan?

Chez Cascades, tant les pionniers de la première heure que les recrues se plaisent à dire qu’ils ont le « sang vert ». Est-ce à cause des racines environnementales de l’entreprise ou encore de sa philosophie de gestion toute particulière, qui suscite un engagement hors du commun chez les employés? Sans doute un peu des deux.

6 juillet 2011
Maryse Fernet et Sylvain Pelletier, CRHA

Quoi qu’il en soit, Cascades peut se targuer d’avoir posé bien des jalons dans le domaine du développement durable : bien avant que ce concept devienne une tendance et que la responsabilité sociale soit récompensée, Cascades adoptait des pratiques de gestion respectueuses des générations futures. Simplement parce qu’elle a toujours considéré ces pratiques comme les seules façons de faire. L’entreprise même est née d’une forme de développement durable : la récupération des vieux papiers.

Néanmoins, la montée de l’écoblanchiment (greenwashing) et la désillusion à cet égard au sein de la population font en sorte que Cascades doit désormais pousser un cran plus loin ses engagements en matière de durabilité. Ses parties prenantes sont plus que jamais affamées de faits réels, d’objectifs concrets et de résultats atteignables. Dans ce contexte, il fallait que l’entreprise s’engage et structure ses pratiques avant que l’industrie la rattrape; la réalisation d’un plan de développement durable s’est avéré le moyen tout indiqué pour y parvenir.

Dans tout plan de développement durable digne de ce nom, une gestion respectueuse et innovante des ressources humaines constitue à la fois un but à atteindre et un outil pour y parvenir. Aussi, le plan de Cascades accorde une place de choix à cet élément fondamental du succès de l’entreprise et mise sur la réalisation d’objectifs axés sur les ressources humaines pour consolider sa position de chef de file mondial en matière de pratiques de gestion avant-gardistes.

Mais avant d’aller plus loin dans la description de la démarche qui a mené Cascades à l’adoption de son Plan de développement durable 2010-2012, revenons sur les fondements mêmes de la « philosophie Cascades » qui a permis à l’entreprise d’être citée en modèle dans les plus grandes écoles de gestion.

Des pratiques gagnantes et durables
Dans bien des cas, la philosophie d’une entreprise se limite à une affiche qui trône dans le hall d’entrée du siège social. Dès le début, Cascades a plutôt fait le pari d’en faire l’essence de toutes ses actions qu’elle oriente en fonction de six grandes valeurs : le respect, le travail d’équipe, l’autonomie, la capacité d’adaptation, l’initiative et la communication. Mises ensemble, ces valeurs se résument en une phrase : les employés de Cascades, les « cascadeurs », sont au cœur même du succès de l’entreprise. Voici brièvement comment ces valeurs se vivent au quotidien.s

Le respect
Respecter ses employés, c’est avoir à cœur leur bien-être. C’est pourquoi l’entreprise a lancé une offre de santé durable qui touche les employés, leur famille et leur communauté. Par exemple, l’entreprise remet un bilan de santé à ses employés, publie un feuillet mensuel appelé Informateur santé, organise des activités sportives familiales, contribue à un programme d’aide aux employés et soutient des causes comme la Fondation du Centre de cancérologie Charles-Bruneau. Sans compter que, dans certaines de ses unités, les cascadeurs jouissent des nouvelles formes de travail, soit le travail réduit, le travail à temps partiel et les horaires flexibles.

Du côté des salaires, Cascades offre une rémunération à deux volets : une partie fixe (salaire de base) et une partie variable qui dépend de la profitabilité de l’entreprise. Ce deuxième type de rémunération est communément appelé « partage des profits ». Les fondateurs de l’entreprise croient dur comme fer à cette notion de partage. Selon Laurent Lemaire, un des fondateurs, « lorsqu’on donne, on reçoit aussi; au bout du compte, le partage rapporte ». Respectant ses responsabilités financières, Cascades n’a jamais donné ce qu’elle n’avait pas.

Les avantages sociaux dont bénéficient les employés sont empreints, à leur tour, de cette notion de respect et de partage. Par exemple, le coût des assurances collectives est partagé entre l’employé et l’employeur. De la sorte, les employés consomment de façon plus responsable pour éviter les augmentations et l’employeur continue d’offrir ces avantages sociaux concurrentiels. Autre exemple, la majorité des régimes complémentaires de retraite offre une cotisation définie de la part de l’employeur. À l’opposé, une prestation déterminée prévoit à l’avance le montant de la rente. En versant une rente en fonction de l’épargne accumulée par le salarié et en fonction de la profitabilité de l’entreprise, Cascades ne s’engage pas à long terme sans connaître sa situation financière future. Ces pratiques de gestion responsabilisent donc les employés au même titre que l’employeur.

Le travail d’équipe
Les employés de Cascades ont plusieurs rôles à jouer, mais jamais celui de pion. Dans les bureaux comme sur le « plancher », il n’y a ni patrons ni employés, seulement des cascadeurs prêts à travailler en équipe. L’implication des employés et la concertation qui marque leurs interactions se manifestent surtout dans les nombreux comités et réunions : comités de santé et sécurité du travail, réunions de production, réunions d’équipe, etc.

L’autonomie, la capacité d’adaptation et l’initiative
Le modèle d’affaires de Cascades encourage la participation proactive et la responsabilisation des employés en décentralisant ses unités d’exploitation et en menant ses activités sous une structure hiérarchique simplifiée.

En outre, Cascades s’offre comme un véritable tremplin pour les jeunes professionnels avides de défis et qui n’ont pas peur d’avoir les deux pieds dans l’action. De fait, dans ses murs, le développement organisationnel réserve une place de choix à la relève. Un plan de relève a été établi avec l’objectif de pallier les départs futurs en privilégiant l’embauche de ressources internes, qui comptent généralement une « équipe de relève ». Si Cascades maintient un taux de remplacement élevé à l’interne pour occuper les postes clés, sa culture d’entreprise se perpétuera. Toutefois, les dirigeants admettent qu’un pourcentage d’embauches à l’extérieur est également nécessaire pour faire émerger de nouvelles idées.

La communication
Une communication de l’information franche et constante augmente le sentiment d’appartenance des employés et, par conséquent, accroît leur fidélisation. Chez Cascades, les employés prennent la parole pour la redonner et obtiennent de l’information pour la partager. Parmi ses efforts de communication, l’entreprise affiche les résultats mensuels des unités, ses résultats trimestriels, les postes ouverts et publie un journal interne trimestriel, écrit par les employés pour les employés. La légendaire « politique des portes ouvertes » favorise pour sa part des rapports égalitaires et un partage de l’information transparent.

Un plan pour consolider nos acquis et matérialiser nos visées
Avec ce style de gestion novateur articulé autour de six valeurs fondamentales et fondé sur la responsabilisation, Cascades prouve qu’elle est aussi avant-gardiste et responsable dans la gestion de ses ressources humaines que dans celle de ses procédés de fabrication. C’est sur ce précepte que l’entreprise, désireuse de rendre encore plus tangibles ses objectifs et sa vision d’avenir, a choisi de bâtir son Plan de développement durable 2010-2012.

Par l’entremise de ce plan, Cascades s’est fixé dix-huit objectifs mesurables qu’elle tentera d’atteindre d’ici la fin de 2012. Ces objectifs s’articulent autour de trois axes qui évoquent les grandes orientations de l’entreprise : la performance, le leadership et la transparence. La force de ces objectifs est qu’ils s’appuient sur des indices de performance constants. Grâce à ceux-ci, l’entreprise sera en mesure de produire ses prochains rapports de façon rigoureuse, n’exposant plus que les bons coups.

La démarche de ce plan de développement durable, plutôt innovatrice, le distingue des autres. En quelques mots, avant de rédiger son plan, Cascades a consulté ses parties prenantes (employés, clients, fournisseurs, investisseurs, communautés, organisations non gouvernementales, etc.), et ce, sur les conseils du groupe spécialisé en responsabilité d’entreprise et en développement durable de la firme Samson Bélair/Deloitte & Touche. La consultation des parties prenantes a, en quelque sorte, été le moteur de la démarche. Ainsi, à la suite de ces échanges, la direction a remis en question ses pratiques courantes, les a structurées et a même modifié certaines d’entre elles. La compilation des commentaires des parties prenantes a directement influencé la sélection des dix-huit objectifs. L’un de ces commentaires s’est révélé une stratégie clé : « Ce n’est pas assez d’être un leader, Cascades peut devenir un “shaper”. » Autrement dit, Cascades doit sortir des sentiers battus, être prête et ouverte à l’idée de se rendre là où d’autres ne sont pas encore allés. Par ailleurs, la préparation globale du plan et de ses engagements a été supervisée et validée par Climate for Ideas.org, une organisation non gouvernementale environnementale.

Afin d’intégrer à son plan toutes les sphères du développement durable et de multiplier ainsi ses facteurs de réussite, Cascades a impliqué un grand nombre d’acteurs, tous de secteurs différents : environnement, recherche et développement, ressources humaines, achats, relations publiques et innovation. Plus précisément, quatre objectifs qui touchent les ressources humaines ont découlé des consultations précédemment mentionnées.

Premièrement, Cascades s’est fixé comme objectif social de sensibiliser ses employés à l’importance du développement durable en bâtissant une vision commune d’entreprise, par l’entremise d’une plateforme de communication et de formation. Pour atteindre cet objectif mesurable, il faudra que, d’ici la fin de 2012, Cascades ait donné une formation de quatre heures sur le développement durable à 50 % de ses employés. Les acteurs du plan de développement durable estiment que les employés sont leurs meilleurs ambassadeurs.

Deuxièmement, l’entreprise souhaite augmenter l’indice de santé, sécurité et bien-être de ses employés. Son objectif sera atteint en 2012 si 70 % de ses unités atteignent leur taux OSHA visé (cas d’inaptitude au travail par 200 000 heures travaillées, excluant les activités restreintes), contribuent à un programme d’aide aux employés ainsi qu’à un programme d’activité physique. Cet objectif aura assurément un impact positif sur l’efficacité et la motivation des employés.

Troisièmement, le plan de développement durable vise une attraction et une rétention plus grandes de la main-d’œuvre qualifiée en augmentant le niveau d’engagement des employés. Pour évaluer le taux de mobilisation des employés, l’entreprise fera appel à une firme spécialisée qui sondera tous les employés en Amérique du Nord en 2012. Cascades atteindra son objectif en augmentant de 6 %, par rapport à 2010, le taux de mobilisation de ses employés.

Quatrièmement, les unités de Cascades tenteront d’accroître le nombre d’événements qu’elles organisent dans le but de mobiliser leur communauté autour d’une même cause. D’ici la fin de 2012, la moitié des unités devront avoir posé au moins deux actions communautaires au cours d’une même année pour que le plan atteigne ce quatrième objectif attribué aux ressources humaines.

Le vrai secret
Si Cascades a adhéré à ce plan de développement durable et qu’elle l’a diffusé avec succès, c’est d’abord et avant tout parce qu’il s’intègre parfaitement à la culture et à la philosophie de l’entreprise. Bien sûr, la réalisation des objectifs donnera sans aucun doute un nouveau souffle aux pratiques de gestion de l’organisation, en cette ère où la rareté de la main-d’œuvre force toutes les entreprises soucieuses d’assurer leur pérennité à remettre en question leurs façons de faire. Aussi, on pourrait être porté à croire que le secret est dans le plan… Mais le vrai secret de Cascades, c’est de rester fidèle aux valeurs qui ont forgé son succès. Et c’est ce tour de force que Cascades réalise depuis près de cinquante ans.

Maryse Fernet, vice-présidente, Cascades inc., et Sylvain Pelletier, CRHA, directeur corporatif, ressources humaines, Cascades Groupe Tissu

Source : Effectif en version électronique seulement, volume 14, numéro 3, juin/juillet/août 2011.


Maryse Fernet et Sylvain Pelletier, CRHA