Avec un chiffre d’affaires d’environ quatre-vingts millions de dollars canadiens et exportant 90 % de sa production aux États-Unis, CMP est un chef de file reconnu et spécialisé en solutions sur mesure pour boîtiers métalliques et usinage de précision. L’entreprise familiale compte près de cinq cent cinquante employés non syndiqués répartis dans trois usines dont deux sont situées sur le territoire américain, l’une dans l’État de New York et l’autre en Caroline du Nord.
L’usine principale et le siège social de CMP sont situés à Châteauguay où travaillent environ deux cent soixante-quinze employés non syndiqués.
Après un mois record de production en octobre 2008, un ralentissement soudain du rythme d’entrée des commandes s’est manifesté au début de novembre. L’entreprise attribue ce revirement de situation à la crise économique qui affecte durement nos voisins du sud. Ses clients, principalement américains, ont réduit sensiblement leurs commandes. À titre d’exemple, le chiffre d’affaires de l’usine de Binghamton (New York) a diminué de 70 % en raison de l’arrêt d’activité temporaire d’un client majeur.
Facteurs de succès de la stratégie de crise
Face à des choix difficiles, CMP s’est donné les objectifs suivants :
- conserver les employés clés pour rebondir rapidement et efficacement après ce ralentissement;
- faire le maximum pour minimiser l’impact de cette crise sur la main-d’œuvre;
- réduire les dépenses d’exploitation dans le but de maintenir un minimum de profitabilité.
L’entreprise a également retenu de sa mésaventure économique de 2001 d’importants principes de gestion de crise qui ont fait leurs preuves et qui guident à nouveau son approche et ses choix. Parmi ces facteurs de succès, citons entre autres :
- la communication aux employés qui constitue un élément critique en situation de crise : au quotidien, ce sont les supérieurs immédiats qui agissent comme courroie de transmission;
- la visibilité quotidienne des membres de la direction qui appuient et renforcent les communications des superviseurs;
- l’adoption d’une approche par phase qui permet d’ajuster les mesures à prendre en fonction d’une réalité évolutive et parfois ponctuée d’événements soudains et imprévus;
- la prise en charge, par les membres de la direction, de la communication à tous les employés en assemblée, lorsque les mesures prises doivent être modifiées (changement de phase);
- les mises à pied et terminaisons d’emploi massives qui sont des solutions de dernier recours lorsque des réductions de coûts s’imposent, comme l’a décrété le président;
- le respect accordé aux employés et la transparence de la direction et du personnel de gestion à leur égard, qui préservent et intensifient leur
engagement envers l’entreprise.
CMP en est au tout début de la deuxième phase de la gestion de crise. Parmi les solutions initialement retenues, la mise à pied de la main-d’œuvre temporaire et contractuelle. L’entreprise a aussi réévalué les dépenses d’exploitation telles que : heures supplémentaires, déplacements d’affaires, service d’entretien ménager, paie à la quinzaine, utilisation de l’énergie et autres coûts inhérents à la production. Au total, l’ensemble des mesures de réduction des coûts qui n’affectent pas la main-d’œuvre permanente a permis à l’organisation de préserver l’équivalent de soixante-quatre postes. Elle a dû malgré tout procéder à la mise à pied de quelques personnes occupant des postes non essentiels.
Par la suite, un processus de communication a été implanté afin d’informer les employés sur la situation, sur les actions déjà entreprises pour y remédier et sur les mesures à envisager. Par la suite, une demande de travail partagé, qui avait obtenu l’assentiment de tous les employés, a été adressée au gouvernement fédéral. De plus, l’entreprise a décrété un arrêt de deux semaines de ses activités durant la période des Fêtes. Chaque employé a pu choisir son mode de rémunération pour cette période de fermeture : utilisation des jours de congé pour affaires personnelles, utilisation des jours de vacances accumulés, prise des vacances 2009 par anticipation et, finalement, congé sans solde. Enfin, on a aussi parlé de la possibilité du gel des augmentations salariales prévues pour 2009.
Le tableau suivant identifie un bon nombre de solutions possibles à envisager en cas de crise. Plus bas : les actions entreprises à ce jour pour faire face à la situation et une liste des mesures potentielles qui seront évaluées selon les circonstances et la dégradation des événements.
Phase d’ajustement | Actions entreprises après la chute des télécoms en 2001 | |||||||||||||||
1. Janvier 2001 |
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2. Février 2001 |
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3. Mars 2001 |
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4. Mai 2001 |
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5. Juillet 2001 |
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6. Septembre 2001 |
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7. Novembre 2001 |
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8. Janvier 2002 |
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Phase d’ajustement | Actions entreprises après l’effondrement global de l’économie en 2008 | |||||||||||||||
1. Décembre 2008 |
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2. Janvier 2009 |
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Date et séquence à déterminer | Autres mesures à envisager si la situation continue à se détériorer | |||||||||||||||
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Impacts et gains anticipés
Même si les conditions et les causes de la crise économique globale de 2008 sont très différentes de celles qui ont occasionné les difficultés vécues chez CMP en 2001, l’entreprise croit que le respect des principes qui l’ont si bien servie dans un passé encore récent lui permettra de rassurer ses employés en limitant au maximum les impacts négatifs pour eux tout en maximisant ses chances d’atteindre ses objectifs d’attraction et de fidélisation des talents, dans des jours meilleurs.
Leadership et communication
Comme en tout autre situation de crise, il y a des pièges à éviter… En voici quelques-uns :
- attendre que la pression monte et que quelqu’un d’autre prenne une décision radicale et irréversible;
- jouer à l’autruche en espérant que le temps arrange les choses;
- se limiter à une seule solution ou à une approche traditionnelle;
- ne pas tenir l’ensemble des employés au courant de la situation et ignorer leurs idées;
- ne pas considérer les possibles impacts négatifs des solutions retenues;
- se limiter à ne considérer que les impacts financiers;
- déléguer à leurs superviseurs tous les aspects de la communication aux employés;
- ne pas partager la « douleur » associée aux mesures retenues de façon équitable entre les divers groupes d’employés (par exemple, usine, bureau et direction;
- ne pas donner de choix aux employés lorsqu’il est possible de le faire.
Lors d’une crise, le service des ressources humaines doit s’imposer et faire preuve de leadership afin d’être en mesure d’influencer les décisions des membres de la direction. Il doit aussi savoir les sensibiliser à l’impact possible des actions retenues tant sur la main-d’œuvre que sur l’entreprise.
Dans de telles circonstances, le gestionnaire des ressources humaines doit innover et être en mesure d’assumer certains risques. Mais devant la difficulté à évaluer avec précision l’ensemble des résultats et conséquences liés aux approches moins traditionnelles de gestion de crise économique, plusieurs se limitent plutôt à faire des mises à pied accompagnées de primes de séparation.
La communication est la pierre angulaire du succès et, de ce fait, la direction de l’entreprise doit être en mesure de donner l’heure juste et faire preuve de transparence en tout temps.
Lorsque c’est possible, les employés sont appelés à faire des choix personnels en rapport avec l’instauration de certaines mesures (par exemple le choix du type de rémunération lors de la fermeture temporaire de l’usine).
Finalement, l’engagement de la direction est essentiel et chacun de ses membres doit démontrer un leadership de tout premier ordre en évitant de déléguer des tâches difficiles aux superviseurs de premier niveau. Les employés doivent se sentir appuyés dans cette période empreinte d’incertitude et d’insécurité et avoir l’occasion de parler de leurs craintes directement avec les décideurs.
Résultats des stratégies adoptées lors de la crise de 2001 |
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Michel Labrecque, CRHA, vice-président, ressources humaines, et Danielle Lapointe, CRHA, conseillère principale, ressources humaines, CMP Solutions Mécaniques Avancées
Source : Effectif, volume 12, numéro 1, janvier/février/mars 2009.