De fait, la redéfinition de l’identité professionnelle est un impératif et le développement d’une « nouvelle identité » de gestionnaire est requis pour que tous les savoirs se traduisent par des comportements de gestion appropriés. Pour ce faire, l’aptitude à l’apprentissage est la clé du succès. Ajoutons que cette transition pose quelques défis à la fonction ressources humaines.
L’identité professionnelleLe passage vers un poste de gestion est d’abord une « transition identitaire ». La redéfinition de l’identité professionnelle (et les deuils qui en découlent) est un préalable à l’acquisition des compétences de gestion.
L’identité professionnelle est cette image que l’on a de soi-même et qui s’appuie sur un certain nombre de croyances, de principes, de valeurs et d’expériences. L’exemple le plus fréquent est le cas d’une personne dont l’expertise professionnelle a toujours été à la base de ses réalisations et de ses succès, bref de son identité professionnelle. À titre de gestionnaire, cette personne devra faire le deuil de son expertise et accepter de ne plus être l’experte de son groupe pour être en mesure de jouer adéquatement son rôle de gestion auprès des membres de l’équipe et des autres composantes de l’entreprise.
Le nouveau gestionnaire sait intellectuellement tout ce qu’il est opportun de faire lors d’une intégration. Les dix facteurs de réussite d’une intégration dans un poste de gestion (voir tableau ci-contre) expriment ce savoir avec lequel la majorité des nouveaux gestionnaires sont en accord. La réalité est toutefois qu’ils ne mettront pas en pratique ce qu’ils savent. Soumis à la pression de son entourage, chacun tente de répondre aux attentes sans avoir le recul pour visualiser le comportement approprié.
Une personne peut très bien réussir toute seule à faire évoluer sa nouvelle identité en fonction de son nouveau rôle ; mais pour la majorité des nouveaux gestionnaires, c’est une habileté qui se développe plus efficacement et plus rapidement par l’entremise des relations qu’ils établissent avec des personnes significatives de leur entourage. Outre le patron dont le rôle est évidemment primordial, on peut penser à des mentors, à des collègues ou à des coachs internes ou externes. L’important, c’est que ces personnes prennent le temps de reconnaître l’identité du nouveau gestionnaire pour que le développement proposé s’intègre avec ce qu’elle a été.
Voici les principaux énoncés qui alimentent des conversations susceptibles de faciliter une redéfinition de l’identité professionnelle. Pour un professionnel, accéder à un poste de gestion :
- c’est accepter que son succès soit évalué en fonction de sa qualité relationnelle plutôt qu’en fonction de son expertise professionnelle et reconnaître que sa contribution n’est plus de produire lui-même des résultats, mais de faire en sorte que les personnes de son équipe produisent elles-mêmes des résultats ; il s’agit de responsabiliser plutôt que d’être responsable ;
- c’est accepter de considérer que le groupe à gérer fait partie d’un ensemble et que sa responsabilité est de gérer ces relations avec les autres constituantes de façon harmonieuse ; il faut développer son sens politique ;
- c’est accepter de reconsidérer sa propre relation à l’autorité tout en gardant à l’esprit que la gestion n’est pas a priori un exercice d’autorité, c’est un exercice d’influence et de négociation de relations d’interdépendance ;
- c’est accepter de ne pas avoir réponse à tout ; il ne faut pas hésiter à demander du soutien ; penser qu’on peut apprendre seul est un mythe qui explique le taux élevé d’échecs ;
- c’est accepter que les autres ne fonctionnent pas tous comme lui et que son style de gestion ne peut arriver à mobiliser tous ses employés ; la polyvalence exige qu’il apprenne une gamme de rôles susceptibles d’être opportuns en fonction des personnes et des situations ; ces changements de rôles nécessitent l’acquisition de nouvelles conduites relationnelles dont certaines viendront confronter les fondements de l’identité personnelle.
L’aptitude à l’apprentissage est l’habileté qui est à la source des trois facteurs de succès d’un nouveau gestionnaire :
- l’humilité d’accepter de ne pas tout savoir ;
- l’ouverture à l’autre et la découverte de sa vision du monde ;
- la gestion des relations avec les autres plutôt que la gestion des autres.
Cette aptitude à l’apprentissage s’exprime par une curiosité et une ouverture à la perspective de l’autre, sans jugement, pour en arriver à réfléchir collectivement et ultimement à apprendre. Dans la majorité des situations où un gestionnaire est nommé dans de nouvelles fonctions, il ne doit pas seulement changer, il doit évoluer.
Pour évoluer, une personne doit être capable de reconnaître les principes de gestion, les croyances et les valeurs sur lesquels reposent ses succès passés. Elle doit également être en mesure de valider la pertinence de ses a priori en regard de la nouvelle situation.
Certains gestionnaires pensent à tort que tout ce qui ne leur vient pas naturellement n’est pas authentique et est de l’ordre de l’artifice ; c’est comme si la gestion n’était qu’une projection de leur vision. Or, la gestion exige d’eux une perspective plus complexe et inclusive du mode de fonctionnement de ceux qu’ils aspirent à influencer, sans quoi ils ne s’associeront qu’avec des personnes qui partagent la même perspective qu’eux et n’apprendront rien.
Sans apprentissage, le gestionnaire ne fait que reproduire des jugements et des solutions du passé plutôt que de démontrer une adaptabilité au présent. Or, les questions sont plus efficaces que les solutions pour galvaniser les conversations, l’engagement et l’action.
Il est incontestable qu’un gestionnaire nouvellement nommé est normalement hors de sa zone de confort. Chaque personne dans cet état cherche naturellement à retrouver sa zone de confort en posant des actions qui lui ont permis dans le passé de retrouver son équilibre. En agissant ainsi, la réaction du gestionnaire est souvent perçue par son entourage comme une fermeture face à son nouvel environnement.
Le nouveau gestionnaire devrait plutôt rester hors de sa zone de confort le temps nécessaire pour découvrir et comprendre la culture et l’historique de l’organisation, les enjeux du poste, ses employés, ses collègues, son patron, les clients, les parties prenantes, et reconnaître ainsi que l’entreprise n’a pas démarré ses activités le jour de son arrivée !
Trois défis pour la fonction ressources humainesLa transition dans un poste de gestion est un moment privilégié tant pour l’individu que pour l’organisation.
Pour l’individu, c’est une décision qui exprime une volonté d’évoluer, de se réaliser, de se développer et surtout de contribuer de façon encore plus significative au projet de l’entreprise. Pour l’organisation, c’est une occasion de bénéficier encore plus d’un talent potentiel afin d’atteindre les objectifs visés, d’encourager la promotion interne, de développer des gestionnaires aux valeurs et à la culture de l’entreprise et de concrétiser le processus de développement de la relève.
Les cent premiers jours ont un impact considérable sur l’espérance de vie du gestionnaire dans son poste. Les erreurs de parcours qui cassent la lancée et qui nourrissent une rumeur naissante ou qui cristallisent une impression sont souvent fatales pour le gestionnaire.
Les professionnels de la gestion des ressources humaines qui sont intéressés aux nouvelles tendances en développement organisationnel font face à trois défis importants.
Le premier défi est celui de l’identification et de la sélection des gestionnaires potentiels. Comment s’assurer que les candidats sont réellement désireux d’apprendre cette nouvelle profession de gestionnaire et de remettre en question certaines de leurs croyances qui ont été à la base de leurs succès passés ?
Le deuxième défi est celui de la formation des nouveaux gestionnaires. Comment faire en sorte que le processus de formation reconnaisse la spécificité de chacun, offre un accompagnement selon le principe du juste-à-temps tout en s’assurant que le processus est efficient quant aux coûts ? Les petits groupes de codéveloppement peuvent-ils être une avenue à considérer ?
Enfin, le troisième défi est celui du soutien apporté par le supérieur immédiat dans la phase d’intégration du nouveau gestionnaire. Comment inciter le supérieur immédiat à s’engager à l’égard de son gestionnaire plutôt qu’à considérer cette phase comme une période de probation, sachant toute la force de l’engagement dans la pérennité d’une relation ?
Les 10 facteurs de réussite d’une intégration dans un poste de gestion |
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André Camiré, CRIA, associé principal, Camiré et Associés inc.
Source : Effectif, volume 15, numéro 4, septembre/octobre 2012.