ressources

Transformation numérique : comment s’appuyer sur vos talents pour continuer à innover

Si une entreprise tarde à agir dans le soutien offert, son personnel risque de perdre confiance en sa capacité, de devenir peu participatif et de percevoir l’innovation comme une menace plutôt qu’une occasion.
25 septembre 2025
Julie Tardif, CRHA

Les transformations numériques bouleversent les façons de travailler. Ce n’est plus un secret pour personne : la technologie évolue plus vite que les compétences humaines. Si les personnes sont bien accompagnées dans le développement de leurs compétences techniques, elles ne le sont pas forcément dans l’acquisition des capacités à accueillir ces changements continus avec résilience et créativité.

D’ailleurs, l’absence de soutien en gestion du changement et en actualisation des compétences de la main-d’œuvre pourrait engendrer d’inquiétants risques, comme la démobilisation individuelle et collective, le stress accru menant à l’épuisement professionnel et la résistance chronique pouvant mener à du sabotage industriel. Dans un spectre moins critique, mais plus sournois, le manque de soutien au développement de l’adaptabilité professionnelle entraîne la perte de créativité et la faible innovation. D’ailleurs, 31 % des PME affirment n’avoir rien fait en particulier pour innover en 2024, et seulement 22 % des PME entrevoyaient la qualification de la main-d’œuvre comme un enjeu[1]. Pourtant, il s’agit d’un enjeu majeur.

En effet, les études sont unanimes : l’adaptabilité, la créativité, l’intuition et l’empathie deviendront les clés de la compétitivité future. Cependant, développer ces compétences ne s’improvise pas. Cela nécessite une approche proactive, basée sur l’apprentissage continu et une culture du droit à l’erreur.

Bonne nouvelle : ces défis peuvent être transformés en possibilités. D’ailleurs, Mme Emna Braham, la PDG de l’Institut du Québec se veut rassurante : « Il ne s’agit pas d’essayer de prévoir l’importance que prendra une nouvelle technologie plutôt qu’une autre, ni d’attendre qu’une innovation vienne bousculer l’ordre des choses avant d’agir, mais de cultiver la capacité d’adaptation de ses employés »[2]. Autrement dit, si les employeurs nourrissent la capacité d’adaptation des personnes qu'ils emploient, elles seront plus résilientes aux changements et plus créatives lorsqu’on leur en donnera l’occasion.

Savons-nous comment innover?

L’arrivée de l’intelligence artificielle générative et des technologies numériques remplace les tâches rébarbatives pour laisser le temps à la créativité d’émerger. Mais savons-nous comment innover? Avons-nous les compétences, les méthodes et la culture apprenante, pour proposer des innovations? Comment stimulons-nous le recours à la créativité dans notre organisation?

Cinq types de créativité

La créativité comme compétence du futur est présentement sur toutes les lèvres. L’une des approches les plus connues est celle de l’existence de cinq types de créativité. Pour faire cette classification, Jeff DeGraff, Ph.D. a tenu compte de la façon dont elle se génère et des processus qu’elle implique.

  1. Créativité mimétique : on prend une forme ou un processus déjà créé, et on l’applique dans un contexte différent pour créer une nouveauté. On peut penser à un directeur d’hôpital qui se rendrait dans un hôtel célèbre pour observer la façon dont l’établissement traite sa clientèle, avec pour objectif de recréer, dans une certaine mesure, l’expérience client à l’hôpital.
  2. Créativité analogique : on établit une relation entre deux réalités différentes en relevant des points communs dans la forme ou dans le fonctionnement. Souvent prisée en ingénierie, on peut penser à la manière dont James Dyson a changé le mécanisme des aspirateurs en partant de la façon dont un cyclone se développe dans la nature.
  3. Créativité bissociative : on relie une idée familière à une idée étrangère pour générer un résultat hybride innovant. On peut même ajouter un troisième concept en faisant de la trissociation. On peut penser à la création de mets « fusion » mélangeant les savoir-faire péruviens et français, ou à des équipes de finances qui travaillent avec des équipes de marketing pour créer un nouveau produit ou service.
  4. Créativité narrative : on utilise des codes et une logique linguistique auxquels on donne des usages inhabituels ou surprenants pour créer une émotion. Ces messages peuvent inclure des images, des sons ou des saveurs. En marketing RH, on ne parle plus des avantages à travailler pour un employeur, on se distingue plutôt en créant une émotion comme la fierté : « Comme notre autoroute, nos employés sont des 10 » mentionnait une promotion pour des emplois dans les Cantons-de-l’Est.
  5. Créativité intuitive : on établit une connexion avec son propre monde intérieur. On se laisse guider par nos émotions et notre sensibilité pour créer. On pense systématiquement aux chorégraphes et aux peintres dans le monde des arts, et cette intuition est aussi très prisée dans le monde des affaires et distingue parfois les entrepreneurs et les dirigeants entre eux.

Ces différentes formes de créativité peuvent toutes être stimulées quotidiennement, par le biais d’outils et de mécanismes de travail. Nous répertorions quelques endroits concrets que la fonction RH peut aider à privilégier.

Six endroits concrets pour stimuler la créativité

Il est essentiel de créer des environnements propices à l’émergence de nouvelles idées. En mettant en place des espaces et des occasions favorisant l’émergence de l’intelligence collective, les équipes s’expriment plus souvent et contribuent activement à l’innovation. Voici six endroits concrets où la créativité peut s’épanouir au quotidien.

  1. Comités d’amélioration continue : une approche en lean management soutient et stimule l’amélioration continue et par conséquent, l’innovation.
  2. Équipes de recherche et développement (R et D) : du personnel se consacrant à temps plein ou à temps partiel à l’innovation et au banc d’essais est une stratégie qui stimule l’innovation.
  3. Ateliers d’intelligence collective : des séances de travail dirigé favorisent la cocréation de solutions provenant de divers services bénéficiant de divers points de vue et couvrant ainsi les angles morts.
  4. Retraites stratégiques : l’organisation de fameux « offsites » permet de se détendre, de libérer la pression et de penser « en dehors de la boîte » pour innover.
  5. Forums et conférences : la participation de votre personnel à des congrès et à des formations continues décuple la génération de nouvelles idées.
  6. Nouvelles technologies : le contact avec les nouvelles technologies est foisonnant pour créer de nouvelles idées. De plus, comme nous le rappelait un article dans le Harvard Business Review, « les humains ont une créativité sans limites. Cependant, le défi de communiquer leurs concepts empêche un grand nombre de personnes de contribuer à de nouvelles idées. L’IA générative peut éliminer cet obstacle »[3].

Et vous, lesquels de ces endroits exploitez-vous déjà pour stimuler la créativité et l’innovation de vos talents? Et quels nouveaux endroits vous donnent envie d’essayer?

Conclusion

Au fil des dernières années pendant lesquelles le capital humain compétent devenait la ressource la plus rare d’une organisation (en concurrence avec les ressources matérielles, financières, informationnelles et technologiques), la fonction RH est devenue un pivot dans le maintien de la compétitivité d’une entreprise. Son rôle est de structurer des parcours de formation, de faciliter l’émergence des idées dans des comités et des ateliers de groupe et de s’assurer que chaque personne se sente soutenue dans son adaptation aux transformations numériques.

Si toutefois une entreprise tarde à agir dans le soutien offert, ses employées et employés risquent de perdre confiance en leurs capacités, de devenir peu participatifs et de percevoir l’innovation comme une menace plutôt qu’une occasion. En prenant dès aujourd’hui des mesures concrètes pour continuer à innover grâce à vos talents, vous ne faites pas que protéger les personnes de l’obsolescence prématurée de leurs compétences, vous créez un environnement où l’apprentissage, l’adaptation et la collaboration deviennent stratégiques. Un capital humain fort, engagé et résilient, voilà ce qui distingue les organisations capables d’évoluer durablement.


Author
Julie Tardif, CRHA Conférencière, formatrice agréée et consultante en ressources humaines
Membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) et certifiée ceinture verte Lean Six Sigma par le Mouvement québécois de la qualité (MQQ), Julie Tardif exerce principalement comme consultante, conférencière, formatrice et facilitatrice d’ateliers d’intelligence collective.

Au cours de ses 15 années de carrière en gestion des ressources humaines, elle a étudié les difficultés rencontrées par ses clients afin de développer avec eux des processus et des outils durables en recrutement, en formation, en gestion du rendement et en rémunération globale.

Au fil des ans, elle a en outre acquis une expertise enviable dans l’élaboration d’une marque employeur et d’une expérience employé hors pair, grâce à ses stratégies de mobilisation et de fidélisation des ressources humaines. En 2015, elle a cofondé le cabinet Iceberg Management, qui emploie aujourd’hui une dizaine de spécialistes RH.

1 Sondage Léger et Ordre CRHA, 2024.
2 Répercussions de l’automatisation et de l’IA sur la main-d’œuvre au Québec, Institut du Québec (IDQ), 2025.
3 How Gen AI can augment human creativity, HBR, août 2023.