ressources

La communication de gestion —Le facteur psychosocial de protection par excellence

Gestionnaires, découvrez ce que sont les risques psychosociaux, comment les réduire et les leviers pour renforcer la cohésion d’équipe.
24 octobre 2024
Patrick Dufault, CRHA

Basé sur des cas d’analyses de risques psychosociaux faits auprès de PME et d’OBNL en 2023-2024, le facteur psychosocial lié à l’information et communication est celui qui est évalué comme le plus régulièrement à risque dans les organisations[1].

Cet article présente des leviers concrets pour les équipes de gestion et de direction de PME en s’appuyant sur les théories actuelles en communication humaine et organisationnelle afin de créer une saine organisation et façonner le sens des événements et des décisions.

D’abord de quoi parle-t-on lorsqu’on utilise le terme « facteurs psychosociaux du travail »?

Rappelons que la Loi sur la santé et la sécurité au travail, modernisée en 2021, mentionne l’obligation pour les organisations de réaliser une analyse de risques psychosociaux de leurs établissements.

Les facteurs psychosociaux du travail concernent les aspects liés à l’organisation du travail et aux relations au sein des organisations. Les facteurs de protection tiennent donc compte d’une saine organisation du travail et de relations exemptes de violence et de harcèlement.

Parmi les facteurs psychosociaux du travail, l’attention est mise ici sur le facteur d’information et de communication (INSPQ) et le facteur de soutien social (INSPQ, CNESST). Ces deux facteurs sont stratégiques pour tous les autres facteurs de protection et ils sont à la portée des gestionnaires.

De quoi parle-t-on lorsqu’on réfère au facteur psychosocial « d’information et de communication »?

L’INSPQ mentionne que :

« cet indicateur fait référence aux moyens mis en œuvre par la direction pour informer et consulter le personnel, sur le contexte de l’entreprise et la vision de la direction. La fréquence, le contenu et la manière de communiquer influent sur la perception des travailleurs d’être bien informés.

Un milieu de travail où règne une “culture du secret”, où plusieurs rumeurs circulent et se contredisent au sein de l’organisation et où les informations stratégiques sont communiquées au compte-gouttes ou à un nombre limité de personnes sélectionnées, reflètent généralement une communication et une information déficiente. » (INSPQ, Fiche 2-F)

Plusieurs enjeux découlent de la mauvaise communication de gestion :

  • Trop d’informations difficiles à traiter et qui occasionnent une surcharge de travail (infobésité).
  • Pas assez d’informations, ce qui ne permet pas de créer du sens sur les priorités, les changements ou les événements disruptifs. Cela crée de la confusion et de l’anxiété.
  • Le manque d’information opérationnel réduit le sentiment d’autonomie. Il est aussi lié au manque de soutien social.
  • Une communication orientée majoritairement sur l’information devient un jeu de pouvoir qui nuit aux relations de confiance.

Les plans d’action recommandent généralement :

  • de mettre en place des mécanismes de participation des employés;
  • de faire circuler l’information dans l’équipe et entre les équipes;
  • de créer du sens commun interéquipe;
  • de favoriser les relations humaines au sein des équipes.

Comment les approches de communication organisationnelle peuvent-elles aider à résoudre les risques psychosociaux?

Parmi les approches de communication organisationnelle, deux approches peuvent être bien utiles pour les gestionnaires et les RH : les approches constitutives et celles des communications dans les groupes.

Les principes élaborés par Karl Weick (1960 et 2000) sur le processus d’organisation et celui de la création de sens sont deux pistes pour réduire les enjeux psychosociaux liés à la communication de gestion.

Le principe des approches constitutives peut se résumer ainsi : nous sommes organisés parce que nous communiquons.

Il faut comprendre que les plans, les politiques et les procédures contribuent à l’organisation, mais que c’est par les interactions que le processus d’organisation se fait ou se défait. L’organisation comme entreprise découle de l’organisation du travail fait par les interactions humaines. Cette organisation du travail est itérative, évolutive dans le temps et selon les personnes d’influence en interaction. Les approches constitutives nous permettent de réaliser que les organisations ne sont pas figées, mais évolutives. Chaque individu, équipe et service interprète les événements ou les décisions qui façonnent les organisations. Il importe donc de connaître les interprétations qui se construisent dans notre environnement.

Selon les approches constitutives, le processus d’organisation nécessite la coopération entre diverses parties prenantes. Cette coopération se base sur la négociation. Cette négociation doit être interservices, mais aussi entre gestionnaires et subalternes, donc verticalement et horizontalement. Chaque personne et chaque équipe a un pouvoir d’agir sur les événements et sur les solutions.

Cette négociation doit être vue comme étant une co-construction sur le « comment on s’adapte » à la situation.

Selon Weick, « organiser, c’est donc assembler des actions continues et interdépendantes en séquences intelligibles générant des résultats sensés ».

Pour s’organiser, Weick reconnaît trois processus collectifs :

  1. Repérer et agir sur les signaux émergents dans le marché (énaction).
  2. Sélectionner des signes prioritaires et les solutions d’adaptation possibles pour l’organisation.
  3. Retenir les décisions/solutions. Ici, il est important de considérer les rencontres post-mortem.

Ce sont principalement des étapes qui sont actuellement sous la responsabilité des gestionnaires et des décideurs, mais qui négligent malheureusement une part de la réalité opérationnelle. D’où l’importance d’intégrer les équipes de travail dans ces trois étapes. Surtout à notre époque hypercomplexe et compétitive où l’innovation crée des disruptions à tous les niveaux organisationnels. La participation de toutes les parties prenantes permet d’améliorer la construction du sens commun et ainsi d’augmenter le pouvoir d’agir face à l’imprévu émergent et disruptif.

Créer du sens est donc vu comme le fait d’organiser une réponse… ensemble. L’enjeu actuel est que cette réponse organisée est « TOP/DOWN ». Elle est souvent significative que pour les décideurs et non pour l’ensemble des parties prenantes. Cela occasionne donc des interprétations diverses. Ce sont les jeux de pouvoir et de résistance qui s’ensuivent.

Les approches constitutives permettent d’envisager que plusieurs interprétations sont possibles dans le milieu de travail et que pour favoriser un sens commun, on doit rassembler les divers groupes et faciliter les interactions, tout en visant une négociation cohésive.

Comment les approches communicationnelles au sein des groupes peuvent-elles aider les gestionnaires à offrir un milieu sain et prospère?

L’INSPQ (Fiche 2-C) rappelle que les gestionnaires peuvent réduire les risques psychosociaux en misant sur le soutien social du supérieur. Ce soutien se fait avec trois priorités :

  • soutien informationnel
  • soutien opérationnel
  • soutien émotionnel

Les approches communicationnelles au sein des groupes peuvent aider les gestionnaires à comprendre le soutien social orienté sur la cohésion d’équipe. 

Selon cette approche, les groupes produisent et traitent l’information opérationnelle et stratégique puis établissent des relations affectives qui influencent la cohésion.

Le modèle de Simone Landry sur les groupes permet de comprendre la dynamique psychosociale des équipes sous trois zones qui s’influencent mutuellement :

  1. Le travail qui implique les rôles fonctionnels, les normes et les valeurs liées à l’organisation du travail (information).
  2. L’affection qui implique toutes les tensions psychologiques, relationnelles et la création de cohésion (affection).
  3. Le pouvoir qui implique les jeux d’influences, le pouvoir d’agir et le pouvoir sur les autres (opération).

Les gestionnaires doivent observer et intervenir dans chacune de ces trois zones dynamiques afin de constituer une équipe saine, sûre et efficiente. La personne gestionnaire doit se considérer dans l’équipe et non hors de l’équipe. Elle doit comprendre son propre rôle dans la clarification du travail, sa capacité d’animation et de médiation pour faciliter la dimension affective et finalement être consciente de son pouvoir. Cela se fait grâce aux interactions et à la capacité de créer des relations.

Les approches communicationnelles dans les groupes mettent l’accent sur l’interinfluence et le dialogue. Les gestionnaires sont invités à développer leur leadership et à créer des relations saines.

Le leader, qui arrive à bien contribuer au développement de son équipe, est celui qui permet aux gens de discuter d’idées novatrices et divergentes sans générer de conflit relationnel.

Toute la valeur de la prévention des risques psychosociaux dans les équipes réside dans la clarification et la négociation de la dimension du travail entre les équipiers ainsi que dans la création de la solidarité dans l’équipe. Cela permet de faciliter la dimension affective en réduisant les conflits relationnels grâce au soutien social et à la cohésion d’équipe.

Que doit-on retenir?

À la suite de cet article, les gestionnaires doivent garder à l’esprit que nous sommes organisés parce que nous communiquons. Les interactions à tous les niveaux de l’organisation sont importantes. Le climat et la cohésion d’équipe sont essentiels à la prévention des jeux de pouvoir, des conflits et du harcèlement. Cela passe par la clarification des rôles, des valeurs et des règles. Ceux-ci sont négociés et cocréés dans les organisations saines.

Le fait d’imposer des valeurs, des règles et des rôles est actuellement perçu comme toxique. Les leaders doivent miser sur le dialogue, la transparence et la collaboration dans le traitement de l’information et lors des prises de décision. À défaut de le faire, cela risque d’alimenter les rumeurs et les jeux de pouvoir, qui sont des enjeux psychosociaux à prévenir.

Références


Patrick Dufault, CRHA Président, Partenaire bien-être, créativité et engagement KI-AÏ! Conseils RH inc.

1 KI-AI conseils RH inc (2024)