La crise sanitaire, la pénurie de main-d’œuvre et les attentes différentes des nouvelles générations de travailleurs envers le marché du travail ont littéralement propulsé la fonction RH à l’avant-plan. S’il est vrai que la profession est de plus en plus reconnue et que les paradigmes qui reléguaient la fonction RH à un rôle opérationnel et transactionnel tendent à changer, il n’en demeure pas moins que plusieurs professionnels RH peinent encore à établir leur crédibilité auprès des dirigeants d’entreprises.
Qu’est-ce porte atteinte à la crédibilité des professionnels RH?
Tous les humains étant… humains, plusieurs ont la certitude d’être des experts en matière de gestion de leurs collègues. Le domaine d’activité dans lequel nous évoluons fait donc en sorte que nous devons, comme professionnels, démontrer notre expertise dans un domaine où tous prétendent tout connaître et tout savoir. Il est donc beaucoup plus difficile pour un professionnel RH d’établir sa crédibilité qu’un ingénieur ou un comptable à qui nous reconnaissons généralement une expertise propre à sa profession.
En second lieu, pour reprendre les mots de M. Denis Chênevert, CRHA, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines et directeur du Pôle santé de HEC Montréal « La difficulté, c’est que la fonction RH manque souvent de compétences en analytique, et de capacité à se projeter et à anticiper. Dans ce domaine, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir », estime le professeur, qui ajoute que la fonction se heurte aussi à un paradoxe : « Elle devrait être celle qui amorce l’innovation, mais bien souvent, c’est elle qui crée des barrières bureaucratiques »[1], dit-il. Ainsi, nous demeurons dans une perspective transactionnelle de la fonction qui devrait évoluer à un niveau stratégique. Il est encore difficile pour les professionnels RH de se baser sur des mesures quantitatives leur permettant de justifier certaines stratégies ou initiatives RH.
Troisièmement, les professionnels RH sont souvent vus par les dirigeants d’entreprise comme des défenseurs des employés sans égard aux réalités financières et organisationnelles. Souvent, on fait le reproche aux professionnels RH de ne pas avoir de perspective globale de l’entreprise et de son environnement d’affaires. On nous reproche d’excuser des comportements indéfendables en raison de la pénurie de main-d’œuvre ou de devenir trop tolérants. Qui a tort, qui a raison? Peu importe. Cela mine la crédibilité de notre fonction, car nos dirigeants ont la perception que quoi que nous fassions, ce ne sera jamais suffisant.
Gagner en crédibilité
La crédibilité ne s’achète pas. Elle se construit, elle se mérite et peut être anéantie en beaucoup moins de temps qu’il n’en a fallu pour la bâtir. La crédibilité personnelle et professionnelle repose sur quatre piliers fondamentaux, en l’occurrence : la compétence, la gestion de soi et les habiletés relationnelles, la transparence et finalement la cohérence.
La compétence fait référence à votre savoir et votre savoir-faire dans votre domaine d’activité. Vos interlocuteurs jugeront de votre crédibilité notamment sur la base de vos études, vos réalisations professionnelles et votre degré de maîtrise de votre sujet. Pour gagner leur confiance, vous devrez démontrer de la constance dans vos accomplissements, que vous obtenez des résultats probants, que vous prenez de bonnes décisions, mais également que vous êtes en mesure d’étayer vos points de vue grâce à des faits et non seulement sur la base de tendances.
Ainsi, il est donc tout à fait souhaitable de développer continuellement vos compétences et aiguiser votre curiosité intellectuelle. Pourquoi ne pas vous former également aux finances, au marketing ou même en ce qui a trait aux opérations propres à l’industrie dans laquelle vous exercez? Posséder des connaissances minimales dans plusieurs champs d’activités, fera de vous un professionnel plus accompli et apte à mieux comprendre la réalité de l’organisation et des différents acteurs, vous conférant par le fait même beaucoup plus de crédibilité.
Imaginez que vous êtes sur le point de subir une intervention et que le chirurgien entre en salle d’opération et s’adresse à vous avec une voix complètement paniquée ou encore qu’il élève la voix devant les membres de l’équipe et lance ses instruments. Bien que vous l’estimiez compétent, vous ne vous sentiriez pas en sécurité ni en confiance n’est-ce pas? Au risque de vous surprendre, ce n’est pas que dans l’urgence ou face à des situations difficiles que prend toute l’importance de la gestion de soi et des habiletés relationnelles, mais également dans nos actions et nos décisions quotidiennes. En effet, une gestion adéquate du stress et la stabilité émotionnelle contribuent sans aucun doute à la crédibilité d’un individu et l’inverse peut la miner en un instant. Toutefois, la gestion de soi ne se résume pas qu’aux émotions, mais comprend également les compétences d’autogestion comme l’adaptabilité, la rigueur, la discipline, le positivisme, la résilience, ainsi que le sens des responsabilités. D’autre part, vos capacités d’écoute et de communication, votre empathie et vos aptitudes à collaborer sont également des éléments sur lesquels vos interlocuteurs se fondent pour établir votre crédibilité.
Bien entendu, ressentir des émotions et vivre des moments de doute et d’incertitude est tout à fait normal et sain. Toutefois, il faut éviter de réagir à chaud et être en mesure de s’exprimer correctement, au moment approprié et auprès des bonnes personnes. Développer son intelligence émotionnelle et prendre du recul sur les situations avant d’agir sont des aptitudes essentielles pour le professionnel RH. Il lui faut également démontrer ses talents de fédérateur et être en mesure de s’adapter à toute situation afin de bien servir sa clientèle, interne et externe, qui doit elle-même composer avec des contraintes, des imprévus et des priorités différentes. En somme, vos interlocuteurs doivent éprouver du plaisir à vous côtoyer, se sentir compris et constater que vous êtes en mode solution.
Sur le plan de la crédibilité, l’honnêteté et l’humilité font toujours meilleure figure que le mensonge et l‘arrogance! La transparence consiste donc à reconnaître vos erreurs et divulguer l’information importante qui doit être connue. Il s’agit aussi d’avoir le courage et la finesse de tenir des discussions difficiles avec vos interlocuteurs avec respect, tact, diplomatie, mais aussi avec aplomb. Les gens aiment l’authenticité et les échanges clairs et vrais vous permettront de préserver votre crédibilité.
En revanche, un excès de transparence peut également vous mener à des violations de confidentialité ce qui vous ferait perdre votre crédibilité en plus de constituer une faute déontologique. Ainsi, dans le cas où vous devez avoir une discussion qui exige de l’audace, si vous devez admettre un tort ou encore dévoiler une information délicate, je vous invite à vous y préparer adéquatement, notamment en cernant votre public cible, en choisissant le moment approprié, en clarifiant votre intention et les messages clés que vous désirez communiquer et puis en sélectionnant parcimonieusement les mots qui seront utilisés.
Finalement, les bottines doivent suivre les babines! La cohérence entre les valeurs que vous véhiculez et vos choix, ainsi qu’entre vos paroles et vos actes est l’un des principaux indicateurs de crédibilité chez l’humain qui favorise des relations de réciprocité. Les gens observeront si vous respectez vos engagements, si vous tenez vos promesses, bref si vous êtes fiables! Avant de prendre des engagements, assurez-vous d’être en mesure de les réaliser. Si la réalisation de ceux-ci est compromise pour différentes raisons, soyez transparent et renégociez les termes du projet ou les attentes sans donner l’impression de vous défiler, bien entendu. Rappelez-vous également que si les gens sentent qu’ils peuvent véritablement compter sur vous, vous pourrez aussi compter sur eux!
Conclusion
En résumé, les professionnels RH ont encore du chemin à parcourir pour asseoir la crédibilité de la profession, mais aussi leur crédibilité personnelle. Non seulement nous devons affirmer et confirmer notre expertise sur les plans de gestion et de mobilisation des êtres humains, mais pour ce faire, nous devons nous appuyer davantage sur la science et l’analyse de données objectives et factuelles. D’autre part, nous devons faire davantage notre place au sein des décideurs en démontrant une meilleure compréhension des autres fonctions managériales et de l’écosystème d’affaires. Or, nous sommes sur la bonne voie et nous aimons les défis, n’est-ce pas?