ressources / gestion-strategique-rh

La philanthropie, un levier RH trop souvent sous-estimé

Investir dans la philanthropie est un levier puissant lorsqu’il est question de stratégie favorisant la responsabilité sociale des entreprises. D’autant plus lorsque les talents sont au cœur des initiatives philanthropiques et qu’ils peuvent contribuer à orienter l’influence sociale de l’organisation.
26 septembre 2023
Daniel H. Lanteigne, ASC, C.Dir., CFRE, CRHA

Il ne se passe pas une semaine sans qu’un article, un billet ou un éditorial ne s’attarde à la situation de la main-d’œuvre. Selon votre secteur d’activité, vous vous positionnez certainement sur le « spectre de la main-d’œuvre » quelque part entre de simples enjeux et une pénurie sans précédent, voire une crise. Ainsi, chaque observateur et expert y va de ses recommandations sur la marque employeur, les stratégies de rétentions et évidemment le bien-être au travail. Toutes d’excellentes pistes à explorer et qui méritent que l’on s’y attarde.

Mais peu, à dire vrai aucun, n’a mis la philanthropie sur la table comme levier stratégique pour les organisations. Mais comment, me demanderez-vous, le fait de sortir plus d’argent des coffres, sans que ces dollars aillent à la rémunération globale des talents, peut-il être un geste stratégique? Excellente question!

En fait, de manière isolée et irréfléchie, il n’y a rien de stratégique. On ne se le cachera pas. Mais si l’on articule cette démarche dans un cadre RSE plus large, tous peuvent y gagner! Car il faut bien le dire, la RSE a la cote et les mécanismes de validation et de reconnaissance, comme la certification B Corp, ont le vent dans les voiles, notamment au Québec.

À l’heure actuelle, une personne candidate qui hésite entre deux organisations similaires penchera fort probablement vers l’entreprise qui agit consciemment et respectueusement dans sa communauté, auprès de ses parties prenantes et évidemment, envers l’environnement. Les preuves ne sont plus à faire et ultimement, difficile d’être contre la vertu.

Mais à trop vouloir sortir du cadre traditionnel, les organisations sont-elles en train de se fondre dans le nouveau moule de la tendance de la RSE? Peut-être un peu, malheureusement. Car pour être cohérent avec son écosystème, il ne suffit pas de cocher des cases et d’avoir fière allure dans du matériel collatéral de marketing. Il faut que la démarche soit participative, respectueuse, mais surtout sincère.

Alors, comment arrimer les désirs corporatifs avec les ambitions intrinsèques et individuelles des talents? C’est là que le volet de la philanthropie (corporative) peut jouer pour beaucoup. Permettre aux talents de diriger les actions philanthropiques vers des causes qui les touchent plutôt qu’uniquement soutenir un intérêt de positionnement commercial est la clé. Et l’un n’empêche pas l’autre. Et différentes options sont possibles :

  • Comité d’allocation des fond

    Ce type de structure est le moins complexe à mettre en place. Souvent orchestrée par l’équipe responsable des investissements communautaires, une enveloppe peut être allouée à un comité qui est responsable des dons à « échelle humaine » au nom des talents.

    Cela permet à l’entreprise d’avoir son orientation majeure en philanthropie tout en se gardant une marge adaptée à la volonté des talents.

  • Reconnaissance du bénévolat

    Ici, l’entreprise peut maintenir ses engagements philanthropiques selon ses axes prioritaires, tout en reconnaissant que ses talents sont touchés par des causes qui pourraient être différentes. Un talent qui choisit de faire du bénévolat dans un organisme pourra obtenir l’appui de son employeur en obtenant un chèque symbolique à verser à la cause.

  • Caisse de bienfaisance des employés et des retraités

    Cette structure, semblable à un comité d’allocation des fonds est 100 % gérée par les employés et retraités qui versent les sommes aux organismes proposés par les talents.

    Cela donne de grands pouvoirs décisionnels des dons aux talents, mais uniquement sur les sommes données par ceux-ci. Ainsi l’entreprise peut tout de même avoir son enveloppe corporative de dons.

  • Fondation corporative ou privée

    La fondation corporative ou privée est souvent le moyen préconisé pour laisser un leg significatif des fondateurs d’une organisation. L’entreprise se concentre ainsi davantage sur les commandites et la fondation centralise les engagements philanthropiques. Il peut arriver que la fondation mette en place un comité d’allocation des fonds constitué d’employés, comme c’est le cas avec la Fondation Cogir.

Mais qu’importe la structure retenue, le fait de donner la possibilité aux talents d’orienter les engagements philanthropiques de l’organisation est un élément non négligeable qui contribue directement et fortement à développer l’appartenance, l’estime de soi et le sentiment d’accomplissement. Avec un arrimage à la stratégie d’entreprise, la synergie créée ira bien au-delà des avantages financiers.

Alors, lorsque viendra le temps de poser un diagnostic RSE ou d’entamer une démarche réfléchie en la matière, ne négligez surtout pas le volet qui concerne la participation de vos talents. Ils ne sont pas que des ressources, ils sont des ambassadeurs de premier ordre dans leurs communautés et, par définition, sensibilisés aux enjeux sociaux. Ces derniers souhaitent donc évidemment être consultés, mais également être parties prenantes de l’influence de l’organisation. Si vous agissez en visionnaires sur la question, vous aurez ici une clé puissante et un avantage considérable pour permettre aux talents de choisir votre organisation plutôt qu’une autre, d’y évoluer et même de teinter son empreinte sociale.

La philanthropie comme levier RH en RSE, il fallait simplement y penser.

Pour s’y retrouver

RSE – La responsabilité sociale des entreprises est un concept qui va au-delà de la viabilité financière des organisations, leur conférant un rôle duquel ils ne peuvent pas se soustraire dans les sphères sociales et environnementales.

ESG – Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance servent à évaluer l’influence des organisations dans ce domaine.

B Corp – Pour évaluer son influence, B Corp propose un élément de mesure qui s’attarde à la gouvernance, aux collaborateurs, à la collectivité, à l’environnement et aux clients. Il s’agit d’un outil normé et évalué par le B Lab qui permet d’améliorer ses pratiques de RSE sur le fond et sur la forme. Les organismes qui atteignent les normes les plus élevées peuvent obtenir leur certification B Corp.

Pour aller plus loin


Author
Daniel H. Lanteigne, ASC, C.Dir., CFRE, CRHA Vice-président, Talent, stratégie et impact BNP Performance philanthropique

Daniel H. Lanteigne, ASC, C.Dir., CFRE, CRHA est vice-président, Talent, stratégie et impact, pour le cabinet BNP Performance philanthropique qui accompagne de nombreuses organisations dans le renforcement de leur capacité et leur influence sociale, dont la certification B Corp et les stratégies philanthropiques. Membre de l’Ordre depuis 2016, sa pratique RH se concentre sur les pratiques inclusives et les stratégies en influence sociale.