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La mesure : incontournable chez Vidéotron

Le contexte organisationnel de Vidéotron a énormément changé au cours des dernières années. L’organisation a vécu une croissance fulgurante, passant de deux mille à six mille employés en quelques années. Cet essor lui a amené des défis importants d’attraction, de rétention et de mobilisation.

17 avril 2015

Le point de départ
En 2003, l’arrivée d’un nouveau président a amené l’organisation à prendre un grand virage, qui impliquait le repositionnement du client au cœur de toutes les stratégies. Il était donc utopique de penser que le client serait bien servi si l’engagement des employés n’était pas au rendez-vous. C’est pourquoi, en 2005, l’entreprise a décidé de mesurer cet engagement en effectuant un premier sondage de mobilisation et en établissant des indicateurs de taux de roulement et d’absentéisme.

Les premières initiatives
En 2008, les taux de roulement, d’absentéisme et de mobilisation n’étaient pas à la hauteur des ambitions de l’entreprise. Ces résultats concrets venaient confirmer les observations effectuées sur le terrain à cette époque. Ils permettaient de chiffrer les coûts associés au roulement et à l’absentéisme des employés et d’en conscientiser la haute direction. Un nouveau modèle de prestation de services RH a donc été créé et plusieurs initiatives ont été déployées dans le but d’améliorer les résultats et de réduire les coûts en capital humain, tels un programme de développement du leadership, une journée d’accueil des nouveaux employés, un programme de reconnaissance, des plans de mobilisation, etc.

En 2010, ces mesures ont confirmé que les actions mises en place ont eu un impact considérable. Les taux de roulement et d’absentéisme ont chuté de près de moitié et le taux de mobilisation a connu une croissance de 15 %, un résultat exceptionnel selon Aon Hewitt.

De réactive à proactive
En 2014, l’entreprise avait tout en main pour mieux comprendre ses indicateurs, pour les mesurer et, à terme, pour effectuer des interventions visant à répondre à ses enjeux. Les conditions gagnantes étaient réunies pour qu’elle puisse passer à la prochaine étape consistant à détecter les risques en amont et à prendre les moyens pour les prévenir.

Pour ce faire, un nouveau processus annuel de gestion des talents et des risques en capital humain a été déployé par les partenaires d’affaires en ressources humaines. Le mode de déploiement a varié d’un secteur à l’autre en fonction de leur maturité ou de leur complexité, passant d’une simple évaluation du gestionnaire à l’animation d’une table ronde permettant d’échanger entre pairs.

On a évalué le potentiel de près de trois mille employés non syndiqués, ainsi que le risque associé à leur départ, et on a identifié tous les postes critiques.

Ce processus a permis d’établir les grandes priorités organisationnelles :

  • redresser la performance des employés peu performants;
  • développer les employés de la relève et favoriser leur mobilité pour accroître leur performance, les mobiliser et les fidéliser;
  • assurer la relève de tous les postes critiques ou prendre des mesures visant à réduire la criticité de ces postes;
  • assurer la relève ou un plan de continuité pour tous les postes de haute direction.

Pour assurer le succès du processus et pouvoir bien suivre les indicateurs, on a déployé un système de gestion des talents et un tableau de bord. Le gestionnaire a dorénavant une vue complète de chacun de ses employés. Les données relatives aux talents et aux risques sont croisées pour lui permettre de prendre les bonnes décisions en considérant tous les facteurs.

Comme l’illustre la figure 1, on constate que l’employé représente un haut potentiel et qu’il a été identifié comme relève pour un poste de gestion. Par contre, considérant qu’il occupe un poste critique, le gestionnaire doit lui trouver une relève avant de le promouvoir.

Le tableau de bord donne, quant à lui, une vue globale des talents et des risques dans un secteur ou dans l’organisation. Tel qu’illustré à la figure 2, on peut constater qu’il y a cent employés à haut potentiel (4 % de la main-d’œuvre), dont douze occupent un poste critique; sur ces derniers, un est à risque de quitter l’entreprise.

Une opportunité à saisir
Les données recueillies grâce à ce processus créent rapidement un engouement dans les autres centres d’expertise en ressources humaines, qui se mettent eux aussi à les utiliser pour proposer des initiatives favorisant la réduction des risques et la mobilité des talents. En voici quelques exemples.

Acquisition de talent
  • Utilisation des données pour alimenter la planification de la main-d’œuvre.
  • Entrevues exploratoires auprès des employés appartenant au bassin de relève permettant de cibler plus rapidement les bons candidats quand un poste devient disponible.
  • Primes de recommandation plus élevées pour les postes critiques, ce qui permet d’accélérer leur dotation et de réduire le risque associé à un poste demeurant vacant trop longtemps.
Rémunération
  • Utilisation des données pour analyser le positionnement salarial de certains segments clés (ex. : hauts potentiels) et pour effectuer des recommandations plus ciblées.
Leadership
  • Sélection des candidats à prioriser dans les programmes de développement.
  • Évaluation des budgets de développement requis pour répondre aux besoins de l’organisation.
  • Adaptation et évolution des programmes en fonction des besoins et des risques organisationnels.

Les défis rencontrés
Des défis, il y en a eu de toutes sortes. L’entreprise a réussi à tous les surmonter, mais un défi demeure constant : s’assurer que les gestionnaires se mettent en mouvement et le demeurent à l’égard de la prévention des risques en capital humain, du développement et de la mobilité des talents. Pour ce faire, ils doivent avoir d’excellentes habiletés de gestion.

L’heure du bilan
L’organisation est passée d’un processus RH à un processus de gestion à part entière. Ce processus crée beaucoup d’engouement chez les gestionnaires, car il guide leurs décisions au quotidien et contribue à la réalisation de leur plan d’affaires.

L’entreprise dispose maintenant d’indicateurs plus précis pour mieux segmenter ses interventions et mesurer leur efficacité.

Un an après le déploiement du processus de gestion des talents et des risques, elle en est à l’étape du bilan. Les prochaines semaines lui permettront de déterminer si ses actions ont permis de réduire les risques et de favoriser le développement et la mobilité des talents.

La clé du succès
Sans prétendre avoir trouvé la recette miracle, voici ce qui a bien fonctionné :

  • lier la mesure à un besoin ou à un enjeu organisationnel pour faire en sorte qu'elle apporte une valeur ajoutée et contribue à la réalisation du plan d’affaires;
  • voir grand, donc avoir une vision, mais commencer petit avec quelques indicateurs simples, apprendre à bien les mesurer et à démontrer leur valeur avant d’aller vers plus de complexité;
  • démocratiser les données : plus elles le seront, plus elles permettront la mise en place d’initiatives qui contribueront au succès de l’organisation;
  • démontrer patience et persévérance, faire un pas à la fois et capitaliser sur chaque petit succès, car bien mesurer et obtenir des résultats, cela prend du temps.

La conclusion L’entreprise en a parcouru du chemin depuis huit ans dans sa quête de mesure. Elle est passée de trois indicateurs de base à plusieurs indicateurs plus ciblés, d’initiatives s’attaquant aux enjeux (réactives) à des initiatives prévenant les risques (proactives) et d’un processus RH à un processus de gestion à part entière. Cette démarche est un réel succès chez Vidéotron. Le prochain défi consistera à passer d’un processus de gestion à un dialogue ouvert entre le gestionnaire et l’employé.

Line Duranleau, CRHA, conseillère principale, efficacité organisationnelle et formation, ressources humaines, Vidéotron

Source : Effectif, volume 18, numéro 2, avril/mai 2015.