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Des compétences clés garantes de succès en RH 

Comment la consultation RH peut-elle influencer la stratégie d'entreprise? Regard sur les compétences clés et modèles à maîtriser pour réussir.
8 juillet 2025
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

En affaires, il n’existe pas de formule magique qui assure le succès à tous les coups. À titre de professionnelle ou professionnel RH, comment peut-on bien influencer la direction stratégique d’une organisation en répondant parfaitement à ses besoins?

Selon le professeur Gokhan Turgut, affilié au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, certaines compétences clés permettent aux consultantes et consultants internes d’« ajouter de la valeur dans la stratégie d’une entreprise » et de se démarquer.

Trois modèles

Le service-conseil, c’est-à-dire la relation entre la consultation RH et la clientèle, repose sur trois modèles, indique le professeur Turgut.

Le premier modèle est celui de « l’expert », mandaté pour intervenir uniquement dans le cadre d’un problème précis, qu’il étudiera en profondeur. Le second modèle est celui du « médecin », qui pose un diagnostic. Enfin, le troisième modèle est celui du processus continu, où l’expertise est élargie et des vérifications ponctuelles sont effectuées pour s’assurer du succès des changements implantés.

Dans tous les cas, la relation de confiance entre la personne dirigeante et la personne spécialiste RH est essentielle pour mener à de réels changements puisqu’elles collaboreront pour l’atteinte d’objectifs communs, souligne Gokhan Turgut.

« Cette confiance peut être alimentée par les références du consultant et aussi par sa fiabilité et le degré d’intimité qu’il entretient avec son client. Le consultant doit s’efforcer de créer la meilleure valeur possible pour son client, et le client doit pour sa part tirer le meilleur parti de son choix. »

Curiosité, doigté et diplomatie

Selon Gokhan Turgut, les consultantes et consultants internes et la direction des ressources humaines doivent maîtriser plusieurs compétences clés pour influencer le changement.

La première consiste à bien cerner les enjeux de gestion et à circonscrire les outils ou les moyens qui seront les plus utiles pour atteindre l’objectif souhaité. « Moins, c’est mieux, relève le professeur. Les discussions sont importantes afin de déterminer cet objectif. »

La seconde compétence clé est la capacité à transposer les données recensées sur une situation en idées applicables. Pour y parvenir, il faut faire preuve non seulement de curiosité, mais aussi de tact et d’un soupçon de diplomatie. « Les recommandations issues du travail de conseil doivent être présentées au client avec soin, relève Gokhan Turgut. La ou le consultant doit faire preuve de sensibilité dans sa manière de formuler et d’enchaîner les recommandations, et cela, en étant efficace. »

Le processus de consultation peut en effet mener à des discussions difficiles. Elles sont en fait inévitables si l’on souhaite implanter des changements importants, estime le professeur, qui étudie la méthode ZOUD (zone of uncomfortable debate, ou la zone du débat inconfortable, en français).

La confrontation pour avancer

À l’aide d’un graphique aux airs de cible, Gokhan Turgut explique que les premiers échanges entre un consultant et son client sont souvent anodins ou axés sur des généralités, car il est ainsi plus facile de s’exprimer. Il faut toutefois savoir amener la discussion sur des enjeux qui entraînent une remise en question, et donc passer dans la zone du débat inconfortable. C’est uniquement par la suite que la réflexion pourra atteindre le centre de la cible, à savoir le « cœur intuitif » d’où émaneront des idées porteuses de changement.

« Nous avons tous des biais cognitifs, des idées et des hypothèses établies. Il faut challenger les idées du client, l’amener à percevoir la situation différemment », mentionne le professeur Turgut.

Confronter son point de vue à celui d’une autre personne qui regarde la même situation d’un autre œil est une façon de contourner ces biais et de sortir des sentiers battus.

Gokhan Turgut rappelle aussi que le profil de la consultante ou du consultant peut influencer la perception de son client. Certains préféreront travailler avec des gens qui leur ressemblent et avec qui ils se découvrent de nombreuses affinités alors que d’autres privilégieront la collaboration avec des personnes avec qui ils semblent de prime abord aux antipodes.

C’est ce que le professeur appelle la distance cognitive, un facteur avec lequel les consultantes et consultants RH doivent composer pour s’adapter à leur clientèle et bâtir rapidement une relation solide.

La gradation du changement

Implanter des changements durables dans une organisation ne se fait pas en criant ciseaux, prévient Gokhan Turgut.

Celui-ci donne sa faveur au modèle de communication appelé pull and push (tirer et pousser) : une consultante entraîne graduellement sa cliente dans l’action.

« Au début du mandat, la consultante doit être en écoute active, mais elle doit surtout essayer de comprendre, sans réagir, explique le professeur. Après, on tente de clarifier les choses et de poser des questions. La troisième étape de ce modèle consiste à bien résumer ce que la cliente a expliqué pour s’assurer qu’on est sur la même longueur d’onde, qu’on saisit bien de quoi il est question. »

C’est une fois le volet pull terminé, en ce sens où l'on a tiré les vers du nez de la cliente, qu’on peut la pousser à l’action. « À partir de ce moment, on doit ajouter notre valeur de conseil, poursuit Gokhan Turgut, en recadrant l’enjeu ou l’obstacle pour essayer de changer la perspective qu’en a la cliente. On peut ensuite recommander des changements, et à la toute fin ce sera à la cliente de passer à l’action et d’appliquer ces changements. »

Des pièges à éviter

Si le tout a l’air simple en apparence, il ne faut pas négliger certains biais qui influencent inconsciemment la prise de décision d’un client, signale le professeur. Bien reconnaître ces biais cognitifs et raccourcis mentaux permettra de mieux les éviter.

Gokhan Turgut fait référence notamment à l’ancrage (le fait de s’appuyer trop fortement sur le premier élément d’information offert), au biais de confirmation (se fier aux informations qui vont dans le sens de nos croyances), l’excès de confiance, l’aversion pour le risque et le biais de rétrospection (la tendance à considérer rétrospectivement un événement comme prévisible).

« La liste de tous les biais est beaucoup plus longue, mais ce qu’il faut retenir, c’est que, comme consultante ou consultant RH, on travaille avec des humains », indique-t-il.

Et c’est en misant sur ses forces et en prenant le temps de bien savoir à quelle organisation on a affaire que sa valeur ajoutée sera la plus pertinente, promet-il.

Pour en savoir plus, consultez :

Turgut, G. and Turki, S. (forthcoming). “Unveiling the Strategic Nexus: Internal Consultant Skills and HR Senior Professionals.” In Research in Management Consulting-Internal Consultants: The Driving Force Behind Innovation and Success in Organizations, Ed. Sanders, T., and Szabla, D., IAP Book Series, Information Age Publishing, Charlotte, NC.


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