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Travailleurs étrangers temporaires : pour des politiques plus stables et prévisibles

Manon Poirier, CRHA, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés signe une lettre ouverte dans le cadre de la consultation de l’Assemblée nationale sur la planification de l’immigration pour la période 2026-2029.
29 octobre 2025
Me Manon Poirier, CRHA

La consultation de l’Assemblée nationale sur la planification de l’immigration pour la période 2026-2029 bat son plein jusqu’à la fin du mois. Pour la première fois, le gouvernement du Québec propose d’y inclure des cibles pour l’immigration temporaire, notamment celle issue du Programme des travailleurs étrangers temporaires.

En raison de la rareté persistante de la main-d’œuvre, les travailleurs étrangers temporaires sont devenus, au fil de la dernière décennie, une ressource essentielle pour de nombreux employeurs qui ont épuisé toutes les autres options. À la fin de 2024, plus de 72 000 travailleurs étrangers temporaires étaient présents sur le territoire québécois — soit dix fois plus qu’en 2015. Environ 80 % d’entre eux occupent un emploi à l’extérieur de l’île de Montréal, contribuant à la vitalité économique de plusieurs régions.

Les employeurs qui embauchent à l’international le font avec rigueur, dans le respect des exigences provinciales et fédérales. Leurs démarches sont souvent encadrées par des professionnels et professionnelles en gestion des ressources humaines, qui veillent non seulement à la conformité des processus, mais aussi — et surtout — à l’accueil, à l’intégration et à la rétention des personnes recrutées. Résultat ? Ces travailleurs ne sont souvent plus « de passage » : ils font désormais partie intégrante de leurs équipes et de la culture organisationnelle.

Or, depuis un an, les gouvernements provincial et fédéral multiplient les restrictions qui plongent employeurs et travailleurs concernés dans une grande incertitude. Plusieurs organisations doivent — ou craignent de devoir — se départir de travailleurs étrangers déjà bien intégrés. Ces départs forcés entraînent des pertes de savoir-faire et de productivité. Et au-delà des chiffres, ils provoquent une véritable détresse humaine, tant chez les travailleurs concernés que chez leurs collègues, impuissants face à ce soudain changement de cap.

Les professionnels et professionnelles RH gèrent au quotidien les répercussions humaines et organisationnelles de ces changements et leur désarroi est aussi palpable. Ils ont l’impression de ne pas être entendus et déplorent que la classe politique, aux deux paliers de gouvernement, ne prenne pas pleinement la mesure des effets concrets des restrictions actuellement imposées.

La Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), qui conseille la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale sur les politiques du marché du travail, s’est penchée sur la question dans le cadre des consultations en cours. Parce que son avis repose sur un consensus entre le patronat, les syndicats et les milieux de l’éducation et du communautaire qui y sont représentés, il mérite une attention particulière. La réduction de 13 % du nombre de titulaires de permis de travailleurs étrangers temporaires envisagée par le gouvernement est trop importante selon la CPMT et le gouvernement devrait tenir compte des réalités régionales et sectorielles. La CPMT insiste également sur la nécessité de faciliter les voies de passage vers la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires touchés par les récents changements. L’Ordre estime que la réouverture du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) aiderait les travailleurs étrangers temporaires qui souhaitent cheminer vers la résidence permanente.

À plus court terme, nous invitons le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration à poursuivre ses démarches auprès du gouvernement fédéral afin d’obtenir une clause de droits acquis (ou « clause grand-père ») pour les travailleurs étrangers temporaires déjà établis au Québec et affectés par les nouvelles règles. Cette clause devrait s’appliquer à l’ensemble du territoire québécois.

Au-delà du Programme des travailleurs étrangers temporaires, les règles d’immigration changent tellement fréquemment qu’il est très difficile de s’y retrouver pour une professionnelle en gestion des ressources humaines comme moi. Imaginez l’impact sur les PME qui n’ont pas toujours à l’interne les ressources nécessaires pour gérer ces revirements aux ramifications complexes. Souhaitons que les deux paliers de gouvernement en arrivent le plus rapidement possible à instaurer des mesures plus stables, prévisibles, apolitiques et fondées sur une vision à long terme des besoins du marché du travail.

Cette lettre ouverte a été publiée le mercredi 29 octobre 2025 dans les médias suivants :


Author
Me Manon Poirier, CRHA Directrice générale Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Comptant plus de 25 ans d’expérience dans le domaine des ressources humaines, Manon Poirier, CRHA occupe, depuis 2016, le poste de directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, organisation dont la mission est de protéger le public et d’encadrer la profession des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) et des conseillers en relations industrielles agréés (CRIA).

Femme engagée, elle a la réputation de contribuer à faire émerger le meilleur des organisations et des équipes avec lesquelles elle travaille. Avant de se joindre à l’Ordre, Manon Poirier a occupé le poste de vice-présidente, Ressources humaines aux YMCA du Québec.

Manon Poirier est diplômée en droit de l’Université de Montréal. Titulaire d’une maîtrise en sciences de l’administration de l’Université Laval et d’un diplôme d’études supérieures en gestion de HEC Montréal, elle siège à de nombreux comités où son expertise du monde du travail est largement mise à profit. Très active au sein de la communauté, elle a également été membre du conseil d’administration de TDH pour les enfants et de La Relance Jeunes et Familles.