Malgré une diminution de la médiatisation des cas de harcèlement au travail depuis l'apogée du mouvement #MoiAussi, les ravages du harcèlement et de la violence sexuelle en milieu de travail persistent au Québec. Deux sondages récents de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés révèlent des faits préoccupants.
Le premier sondage, effectué en décembre 2023, révèle que sur 1000 répondants, 11 % d'entre eux ont été victimes de harcèlement au travail durant l'année écoulée. Un second sondage, réalisé en janvier auprès de plus de 600 CRHA et CRIA, montre que 63 % ont reçu au moins un signalement ou une plainte de harcèlement au sein de leur organisation.
Manon Poirier, directrice générale de l'Ordre des CRHA, souligne l'ampleur du problème : « Il n’est plus possible de se mettre la tête dans le sable. » Elle insiste sur la nécessité d'aborder cette question comme un enjeu de santé publique.
Près de 100 000 victimes annuellement
Des statistiques révélatrices émergent également : parmi les 4,4 millions de travailleurs au Québec, 484 000 considèrent avoir été harcelés au travail l'année passée. Des experts consultés estiment qu’environ 20 % des plaintes pour harcèlement en milieu de travail s'avèrent légalement fondées, les autres étant plutôt reliées à des conflits ou à de l’incivilité, ainsi qu’à des plaintes jugées frivoles. Selon cette hypothèse, il y aurait approximativement 96 800 victimes annuelles réelles, un chiffre bien supérieur aux 4 909 demandes de recours déposées pour harcèlement à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) en 2022.
Le problème s'étend à la gestion des plaintes. Un tiers des personnes interrogées ignorent si leur employeur dispose d'une politique de prévention du harcèlement, et un quart ne sait pas à qui s'adresser pour déposer une plainte. Pire encore, 24 % doutent que leur employeur prendrait une plainte au sérieux. Cependant, la perception des travailleuses et travailleurs est plus positive lorsqu'ils œuvrent au sein d'une organisation qui emploie un professionnel RH.
L'Ordre estime qu'une meilleure prise en charge au sein des organisations est la solution vers laquelle il faut tendre. En matière de traitement des plaintes, cela exige l'adoption d'un processus standardisé (analyse de recevabilité de la plainte, suivie d’une enquête obligatoire avec possibilité de médiation en tout temps si les parties le préfèrent), ainsi que d'assurer la compétence et l'encadrement de celles et ceux qui prennent en charge les plaintes. Ces deux propositions bénéficient d'un fort appui de la population, ainsi que des professionnelles et professionnels RH selon les sondages menés.
Source : communiqué, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés