lois-et-reglements / jurisprudence

Un prétexte pour s’ingérer dans les affaires du syndicat

L'employeur ne pouvait invoquer la Loi sur les normes du travail et ses obligations en matière de prévention du harcèlement psychologique pour justifier son ingérence dans les affaires syndicales.
19 novembre 2025

Intitulé

Louazel c. Réseau de transport de la Capitale, 2025 QCTAT 3047 *

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Québec

Type d'action

Plaintes en vertu des articles 3, 12, 14 et 15 du Code du travail pour pratique interdite, intimidation et entrave aux activités du syndicat — accueillies.

Décision de

Myriam Bédard, juge administratif

Date

23 juillet 2025


Décision

Les plaintes sont fondées sur la suspension de 5 jours sans traitement qui a été imposée au plaignant, soit le président du syndicat — l'employeur soutient que cette mesure était justifiée par le comportement inapproprié qu'aurait adopté le plaignant à l'égard d'un membre de l'unité de négociation lors d'une conversation et par ses obligations en matière de prévention du harcèlement psychologique — or, il n'avait pas à intervenir à l'égard d'un échange entre le président et un membre du syndicat dans un contexte syndical, d'autant moins qu'aucun élément ne démontrait l'intimidation alléguée — rien dans ce qui a été invoqué ne justifie l'imposition d'une sanction aussi sévère à l'égard du président du syndicat — à la lumière de la sévérité de la sanction, l'événement, lequel a été dramatisé par les responsables des ressources humaines, ne peut qu'avoir servi de prétexte pour sanctionner et écarter le président du syndicat en pleine période de négociation — ce faisant, l'employeur s'est trouvé à entraver l'action syndicale — il a forcé le syndicat à se réorganiser et à s'expliquer d'urgence auprès de ses membres dans un contexte de négociation collective — l'employeur s'est ingéré dans les communications entre un membre de l'unité de négociation et le président qui le représente, ce qui a forcé celui-ci à se justifier et à révéler des détails sur le contenu d'une conversation d'ordre syndical — il ne pouvait, comme il le soutient, invoquer la Loi sur les normes du travail pour justifier son ingérence dans les affaires syndicales — si les dispositions relatives au harcèlement psychologique sont d'ordre public, celles assurant l'autonomie syndicale et interdisant l'ingérence patronale le sont aussi — enfin, la sanction imposée, laquelle est fondée sur la seule foi des propos tenus par un salarié particulièrement anxieux et fragile, ne pouvait que viser à contraindre le plaignant à s'abstenir ou à cesser d'exercer un droit prévu au Code du travail, soit celui de présider son association — quant aux mesures de réparation, outre l'annulation de la suspension et la réintégration du plaignant avec une pleine compensation financière, le Tribunal ordonne le versement de dommages punitifs pour atteinte illicite à la liberté d'association, soit 5 000 $ en faveur du plaignant et 10 000 $ en faveur du syndicat.

Suivi

Pourvoi en contrôle judiciaire, 2025-08-22 (C.S.), 200-17-037900-255.