Intitulé
Succession de Batzibal c. Cultures Fortin inc., 2025 QCCA 940
Juridiction
Cour d'appel (C.A.), Québec
Type d'action
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du Tribunal administratif du travail (TAT). Accueilli, avec dissidence.
Décision de
Juges Julie Dutil et Marie-France Bich; Manon Savard (juge en chef) (diss.)
Date
31 juillet 2025
Un travailleur agricole est décédé lorsque le véhicule appartenant à son employeur est tombé sur lui alors qu'il procédait au remplacement d'un pneu crevé. Le TAT a conclu que le travailleur n'était pas décédé des suites d'un accident survenu à l'occasion du travail, au sens de l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), puisque l'activité exercée au moment de l'accident n'était pas connexe au travail d'ouvrier agricole. Le juge de première instance a déterminé que la décision du TAT était raisonnable et a rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire de la succession du travailleur.
Décision
Mme la juge Dutil: Le TAT n'a pas respecté les contraintes juridiques et factuelles auxquelles il était assujetti. Il a bien exposé le test applicable, soit celui élaboré par la jurisprudence, mais son analyse s'est limitée à la recherche d'un lien direct entre l'accident et les fonctions exercées par le travailleur. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles commande une interprétation large et libérale. Or, ce principe n'a pas été suivi. Le TAT a conclu que le travailleur agissait dans sa sphère personnelle et que l'événement au cours duquel il avait perdu la vie n'avait aucun lien avec ses fonctions, ce qui n'est pas le cas. Le véhicule qu'il tentait de réparer était utilisé pour exercer ses tâches. Le TAT a commis des erreurs révisables en rejetant la contestation de la succession, et la Cour supérieure aurait dû accueillir le pourvoi en contrôle judiciaire. Le renvoi du dossier en vue d'un nouvel examen par le TAT ferait échec à une résolution rapide et efficace de la présente affaire. Le décès du travailleur constitue une lésion professionnelle, et le dossier est retourné à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail pour qu'elle statue sur le montant de l'indemnité.
Mme la juge Bich: Le TAT n'a pas tenu compte du contexte propre à la situation d'emploi de la personne qui, en raison de cet emploi, réside sur les lieux du travail ou à proximité de ceux-ci, dans un logement fourni par l'employeur, à l'instar du travailleur. Ce contexte doit nécessairement être considéré en vue de déterminer l'existence d'un lien «plus ou moins étroit», caractéristique de l'expression «à l'occasion du travail». Or, le TAT en a fait fi, excluant ainsi la finalité de l'activité.
Mme la juge en chef Savard, dissidente: Le juge de première instance a correctement appliqué le cadre d'examen élaboré dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov (C.S. Can., 2019-12-19), 2019 CSC 65, SOQUIJ AZ-51654335, 2020EXP-27, [2019] 4 R.C.S. 653. Une analyse de novo du problème aurait peut-être pu mener à une solution différente, mais tel n'est pas l'exercice auquel le juge de première instance devait se livrer, pas plus que la Cour dans le cadre de l'appel de son jugement.
Instance précédente
Juge Carl Lachance, C.S., Québec, 200-17-034519-231, 2024-01-17, 2024 QCCS 157 (jugement rectifié le 2024-02-12), SOQUIJ AZ-51998711.
Réf. ant.
(T.A.T., 2023-02-07), 2023 QCTAT 597, SOQUIJ AZ-51913850, 2023EXPT-545; (C.S., 2024-01-17), 2024 QCCS 157, SOQUIJ AZ-51998711, 2024EXP-559, 2024EXPT-389; (C.A., 2024-04-10), 2024 QCCA 417, SOQUIJ AZ-52018060, 2024EXP-1120, 2024EXPT-811.