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Activités du syndicat, intimidation et pratique interdite

Les plaintes pour entrave aux activités du syndicat et pratique interdite sont accueillies, le TAT ne pouvant se résoudre à permettre à un employeur de s'immiscer dans les affaires syndicales dès qu'une allégation de harcèlement psychologique est portée à sa connaissance.
5 novembre 2025

Intitulé

Fortin c. Réseau de transport de la Capitale, 2025 QCTAT 2434 *

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Québec

Type d'action

Plaintes en vertu des articles 3, 12, 14 et 15 du Code du travail pour entrave aux activités du syndicat, intimidation et pratique interdite — accueillies.

Décision de

Myriam Bédard, juge administrative

Date

12 juin 2025


 

Décision

Le syndicat reproche à l'employeur d'avoir imposé à sa présidente une suspension de 3 mois en raison d'événements qui relèvent de sa régie interne — l'employeur soutient qu'il était tenu d'agir, vu ses obligations en matière de harcèlement psychologique, et que la sanction choisie est juste et a été imposée à la suite d'une enquête sérieuse menée par un cabinet externe — les obligations en matière de harcèlement ne peuvent avoir pour effet de porter atteinte au droit d'association, qui jouit d'une portée constitutionnelle — le Tribunal ne peut se résoudre à permettre à un employeur de s'immiscer dans les affaires syndicales dès qu'une allégation de harcèlement est portée à sa connaissance — une obligation de moyens est imposée à l'employeur — celui-ci «doit prendre les moyens raisonnables» pour prévenir ou faire cesser le harcèlement — évidemment, ces moyens doivent respecter la loi, et cette dernière édicte le principe de l'autonomie syndicale — l'employeur doit donc en tenir compte lorsqu'il décide des «moyens raisonnables» à utiliser pour prévenir ou faire cesser le harcèlement dénoncé — il doit aussi avoir à l'esprit que, bien que des allégations de harcèlement soient sérieuses et doivent être traitées en conséquence, il n'a pas une obligation de résultat — parmi les «moyens raisonnables» qu'il aurait pu prendre, l'employeur aurait pu diriger le dénonciateur vers les instances syndicales responsables du comportement de ses commettants, surtout dans le contexte opposant l'ancien et le nouveau bureau syndical — après analyse, il a préféré faire une enquête qui le menait résolument au coeur des affaires syndicales et qui lui permettait de s'attaquer directement au syndicat en le privant de sa principale dirigeante, sous prétexte qu'elle gérait inadéquatement les membres du bureau syndical et qu'il avait voulu en faire un exemple — en effet, les gestes et les comportements reprochés à la présidente sont tous survenus dans le cadre strict de l'exercice de son droit de direction et relèvent directement de son mode de gestion des affaires syndicales — ainsi, sous le couvert d'une obligation alléguée de vérification de la manière dont la présidente s'adressait à ses collègues, l'enquête a porté exclusivement sur le déroulement des activités syndicales, le recrutement des dirigeants, les conflits entre eux, les méthodes de travail, les règles administratives, le mode de prise de décisions, les questions traitées par le bureau syndical pendant ses délibérés, la prise de décisions relatives à la négociation collective, les stratégies de traitement des griefs ainsi que les relations entre les membres du bureau syndical et celles entre eux et l'assemblée générale — l'employeur n'a pas démontré de cause réelle et sérieuse de suspendre la présidente de ses fonctions qui ne serait pas un prétexte pour sanctionner ses activités syndicales — la sanction imposée ne pouvait que viser à contraindre la présidente à s'abstenir ou à cesser d'exercer un droit prévu au Code du travail, soit celui de présider son association — en enquêtant sur des faits portant essentiellement, voire exclusivement, sur le travail des membres du bureau syndical, l'employeur a en outre entravé les activités du syndicat — en plus des avantages perdus, le Tribunal accorde à la présidente 10 000 $ en dommages non pécuniaires et 5 000 $ en dommages punitifs — quant au syndicat, il obtient 10 000 $ à titre de dommages non pécuniaires et 15 000 $ en dommages punitifs.

Suivi

Pourvoi en contrôle judiciaire, 2025-07-15 (C.S.), 200-17-037748-258.