Intitulé
Teasdale c. Office municipal d'habitation Kativik, 2025 QCTAT 2890
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), AbitibiTémiscamingue
Type d'action
Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — accueillie.
Décision de
Anick Chainey, juge administrative
Date
16 juillet 2025
Décision
La plaignante occupait un poste de coordonnatrice à la logistique pour un office municipal d'habitation dans le Nord du Québec — l'employeur échoue à démontrer une cause juste et suffisante justifiant le congédiement de cette dernière — la plaignante ainsi que sa fille, laquelle était également au service de l'employeur, utilisaient leurs cartes Air Miles personnelles lorsqu'elles effectuaient des achats pour l'employeur — les points accumulés servaient à procurer des cadeaux aux employés — en mai 2019, la directrice générale a intimé à la plaignante et à sa fille de cesser cette pratique — en septembre 2020, la fille de la plaignante a dénoncé à l'employeur que cette dernière poursuivait la pratique — l'examen des documents déposés devant le Tribunal ne permet pas de conclure que la plaignante a reçu quoi que ce soit à titre de récompense en lien avec son emploi après la directive donnée par l'employeur en mai 2019 — l'élément déclencheur de l'enquête menée par ce dernier est la dénonciation faite par la fille de la plaignante, laquelle soulève de nombreuses incohérences et contradictions — la plaignante a remis à l'employeur le détail complet des transactions effectuées à l'aide de PayPal pour les années 2019, 2020 et 2021, et rien ne fait référence à des paiements provenant des sites Rakuten ou Ebates — l'employeur lui reproche, dans la lettre de congédiement, de n'avoir répondu que partiellement à sa demande de documents, mais il ne lui a fait aucun commentaire à la suite de l'envoi du 1er juin 2021, alors que l'enquête était toujours en cours et qu'il s'était engagé, à la fin de la rencontre du 26 mai, à assurer un suivi le 4 juin suivant, ce qu'il a négligé de faire — bien que l'employeur qualifie d'insubordination l'attitude de la plaignante lors de l'enquête, prétextant un manque de collaboration de sa part, le Tribunal, après avoir écouté l'enregistrement de la rencontre, estime qu'il n'en est rien — il s'explique mal que l'employeur, qui a accès à tous les relevés de la carte de crédit d'entreprise, n'ait pas effectué une vérification des achats, laquelle lui aurait facilement permis de confirmer ou d'infirmer les dires de la fille de la plaignante sur les transactions effectuées par cette dernière et sur la fréquence d'utilisation de sites non officiels donnant droit à des récompenses — en l'absence de preuves concrètes, s'il n'était pas satisfait des explications fournies par la plaignante, l'employeur se devait d'approfondir la question et de démontrer la faute en s'appuyant sur des faits objectifs — fort de l'aveu de la plaignante lors de l'enquête voulant qu'elle ait déjà reçu des ristournes d'Ebates avant l'avertissement de mai 2019, l'employeur lui reproche de ne pas avoir dénoncé l'utilisation de ce système lorsque la question de l'utilisation de la carte Air Miles a émergé — à la lecture des échanges de courriels concomitants de cette période, il appert que l'employeur n'a pas lui-même vérifié auprès de son équipe si des pratiques similaires en lien avec d'autres programmes avaient cours — la plaignante a eu recours au mécanisme de plainte de la CNESST en septembre 2020, mais s'est désistée par la suite — elle a déposé une réclamation pour un accident du travail qui a été refusée — on ne peut assimiler l'exercice de recours légitimes d'un salarié à un manquement à son devoir de loyauté — aucune faute n'a été démontrée — à propos de la question du contournement d'une directive relative au déplacement de la mère de la plaignante dans le Nord, la lettre de congédiement se limite à rapporter des demi-vérités — après avoir été informée par l'employeur que le refus était fondé sur une directive de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik interdisant certains déplacements sur le territoire, la plaignante a pris l'initiative de communiquer avec l'organisme, lui a expliqué la situation et a obtenu l'autorisation de faire voyager sa mère pour des motifs humanitaires — on ne peut raisonnablement conclure qu'elle a démontré une incapacité à respecter les directives ou les consignes en vigueur — le congédiement est annulé — la réintégration de la plaignante est ordonnée — cette dernière ne saurait subir les conséquences des choix personnels de sa fille et du conjoint de celle-ci ni être tenue responsable de préserver leur bien-être au détriment de ses propres droits — rien dans la preuve ne permet de conclure que le retour de la plaignante serait susceptible de causer une vague de départs d'employés, contrairement à ce que laisse entendre l'employeur — étant donné que le poste de la plaignante se situe dans une région éloignée, l'employeur disposera d'un délai plus souple pour procéder à la réintégration, laquelle devra se situer entre 8 et 30 jours suivant la date de la présente décision.
Plainte en vertu de l'article 123.6 L.N.T. pour harcèlement psychologique — rejetée — en ce qui concerne le déplacement de la mère de la plaignante dans le Nord en mai 2021, l'employeur a agi avec prudence et diligence en procédant aux vérifications nécessaires avant de rendre sa décision — le fait que la plaignante ait par la suite entamé des démarches de son côté et obtenu une autorisation ne permet pas de conclure que l'employeur a exercé son droit de direction de manière abusive — l'employeur n'a pas tenu une rencontre d'enquête factice le 26 mai 2021 — la plaignante considère que le déroulement de l'enquête constitue un exercice abusif du droit de direction, estimant qu'elle était condamnée d'avance et qu'elle n'a pas eu l'occasion de faire valoir son point de vue — cette perception repose davantage sur un ressenti personnel que sur des faits objectivement démontrés — les événements relatés par la plaignante n'ont rien de vexatoire — il devient inutile de poursuivre l'analyse des autres éléments constitutifs de la notion de «harcèlement psychologique».