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Garder ses établissements ouverts pendant une vague de chaleur

Si l'employeur n'a pas respecté son obligation de consulter le syndicat avant de décider de garder ses établissements ouverts malgré une vague de chaleur annoncée, sa décision, à la lumière des circonstances, n'était pas abusive pour autant.
14 juillet 2025

Intitulé

Syndicat du personnel professionnel de l'Outaouais et Centre de services scolaire au Coeur-des-Vallées (grief syndical), 2025 QCTA 118

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief invoquant un abus des droits de la direction. Accueilli en partie.

Décision de

Me Guy Roy, arbitre

Date

3 avril 2025


L'employeur est un centre de services scolaire qui regroupe une vingtaine d'établissements, dont des écoles primaires et secondaires. Le syndicat conteste la décision de celui-ci d'avoir maintenu ses établissements ouverts, en violation de sa «Politique concernant les conditions climatiques», malgré un vague de chaleur appréhendée (40o C et plus). Il soutient que, par cette décision, l'employeur a abusé de son droit de direction et a fait fi de ses obligations en matière de santé et sécurité au travail. Il demande donc au Tribunal de constater que l'employeur a volontairement et intentionnellement refusé d'appliquer sa propre politique, contrevenant ainsi aux dispositions de la convention collective et à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Des dommages compensatoires sont réclamés au bénéfice du syndicat et de ses membres ainsi que des dommages punitifs de 5 000 $.

Décision

L'employeur a mis en place la politique de son propre chef. Il est manifeste que le fait de garder les établissements ouverts pendant une vague de chaleur appréhendée de plus de 40 degrés Celsius peut avoir des conséquences sur les conditions de travail des salariés, les établissements n'étant pas tous entièrement climatisés. L'employeur a lui-même convenu dans sa politique que, dans un tel cas, il y aurait une fermeture des établissements et que les employés feraient du télétravail. En vertu de la convention collective, l'employeur doit, avant de prendre une décision ou d'effectuer un geste en lien avec la politique qui pourrait avoir une incidence sur les conditions de travail, consulter le comité des relations du travail (CRT). La décision demeure toutefois la sienne et il conserve à cet égard son droit de direction. Il est vrai que, en l'espèce, l'employeur n'a pas respecté cette condition. Il a donc contrevenu à la convention collective en ne consultant pas le CRT avant de décider de maintenir ses établissements ouverts. En revanche, il n'y a pas lieu de conclure qu'il a commis un abus de droit en agissant de la sorte. Le non-respect d'une disposition d'une convention collective ne permet pas de conclure automatiquement à un abus de droit. En l'occurrence, la décision de l'employeur de maintenir ses établissements ouverts n'était pas déraisonnable. En effet, celui-ci pouvait difficilement prendre une décision différente en apprenant le 14 juin 2024 qu'une vague de chaleur extrême était annoncée durant la dernière semaine du calendrier scolaire, alors que les examens ministériels devaient avoir lieu et qu'ils sont impératifs. Ces examens ne peuvent être reportés puisque tous les élèves du Québec doivent les passer en même temps, et ce, que leurs établissements scolaires soient climatisés ou non. En outre, il est clair que, entre l'annonce de la vague de chaleur et la date du début de celle-ci, l'employeur n'avait pas le temps d'effectuer des travaux afin d'assurer la climatisation de tous les locaux de ses établissements. La seule chose qu'il aurait dû faire était de convoquer le syndicat à une rencontre du CRT avant de prendre sa décision. Or, même s'il l'avait fait, le résultat aurait été le même: les établissements seraient demeurés ouverts pour la tenue des examens ministériels. Il y a donc lieu de conclure que l'employeur a agi de façon diligente et raisonnable dans les circonstances.