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Fixation d'une indemnité

Même si l'on tient compte de l'âge du requérant (59 ans) et de son état de santé, ses démarches pour se trouver un nouvel emploi étaient insuffisantes et déficientes; le requérant n'a posé sa candidature à un poste qu'en moyenne 1 fois par mois, n'effectuant aucune recherche d'emploi pendant de longues périodes.
2 juillet 2025

Intitulé

Belghmi c. Livingston international inc., 2025 QCTAT 1404

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Laval

Type d'action

Requête en fixation d'une indemnité — accueillie en partie.

Décision de

Christian Reid, juge administratif

Date

3 avril 2025


Décision

— le Tribunal a accueilli la plainte du requérant pour congédiement sans cause juste et suffisante en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail — il a été ordonné à l'employeur de réintégrer ce dernier dans son emploi et de lui verser, à titre d'indemnité, l'équivalent du salaire et des autres avantages dont l'avait privé le congédiement — la Cour supérieure a rejeté le pouvoir en contrôle judiciaire déposé par l'employeur — le requérant a renoncé à réclamer une indemnité pour perte d'emploi — les parties ont négocié un règlement en lien avec l'ordonnance de réintégration et il n'y a eu aucun retour du requérant dans son emploi — en ce qui concerne l'indemnité pour perte de salaire, en réaction à la pandémie de la COVID-19, qui avait commencé plus de 3 mois après le congédiement du requérant, l'employeur a dû prendre certaines mesures — il a notamment réduit les horaires de travail de la plupart des employés et certains ont été licenciés — l'employeur a démontré que, si le requérant avait encore été à son service, il aurait été licencié de manière temporaire — au moment de sa fin d'emploi, soit 3 mois auparavant, le requérant n'était plus en lien direct avec aucun client, contrairement aux autres membres de son équipe, et ses tâches pouvaient être réparties sans incidence significative sur la clientèle — la dernière évaluation de performance du requérant faisait mention de certains aspects à améliorer que l'on ne trouvait pas dans les évaluations de ses collègues — la preuve de l'employeur est toutefois insuffisante pour conclure que le licenciement temporaire du requérant serait devenu permanent — puisque l'employé licencié temporairement au sein de l'équipe du requérant l'a été du 20 avril au 8 octobre 2020, il est raisonnable de conclure que ce dernier aurait subi le même sort — il y a donc lieu de retrancher cette période du calcul de l'indemnité pour perte salariale — le requérant n'a pas suffisamment réduit ses dommages — il n'a pas affiché publiquement son curriculum vitae sur les sites de recherche d'emploi Indeed et Linkedln afin d'être plus visible auprès des employeurs potentiels, se contentant de poser sa candidature à des postes ciblés — à aucun moment il n'a demandé d'aide dans sa recherche d'emploi, que ce soit de la part de connaissances, d'organismes gouvernementaux ou communautaires, de recruteurs ou même d'agences de placement — son curriculum vitae ainsi que sa lettre de présentation contenaient des fautes d'orthographe et des erreurs grammaticales évidentes — il existe de longues périodes où le requérant n'a effectué aucune recherche d'emploi — bien que l'obligation de réduire les dommages à la suite d'un congédiement illégal soit une obligation de moyens, la preuve révèle que les démarches du requérant, même en tenant compte de sa situation particulière, notamment de son âge (59 ans) et de son asthme, sont insuffisantes et déficientes — le Tribunal tient surtout compte du fait que le requérant n'a posé sa candidature à un poste qu'en moyenne 1 fois par mois et qu'il existe de longues périodes, respectivement de 11 et de 5 mois, durant lesquelles il n'a posé sa candidature qu'à 1 seule occasion — l'employeur a démontré au surplus que, à partir du début de 2021, il y a eu reprise des activités et des offres d'emploi dans le domaine d'expertise du requérant — en analysant les efforts de recherche d'emploi de ce dernier sous l'angle de la personne raisonnable, on doit conclure qu'il a aggravé son préjudice — il est juste et raisonnable de réduire de 50 % le montant de l'indemnité due pour perte salariale — au moment de sa fin d'emploi, le salaire hebdomadaire du requérant était de 586,80 $ — aucune preuve ne permet de conclure que ce dernier aurait reçu une augmentation salariale ainsi qu'une prime annuelle — la durée totale de la perte salariale réclamée s'étend sur une période de 142,14 semaines — il faut soustraire de ce nombre de semaines la période durant laquelle le requérant aurait été licencié ainsi que les périodes de ses absences prolongées du pays — la durée de la perte de salaire est donc de 102,16 semaines, ce qui représente une perte pécuniaire de 59 947,49 $ — il y a lieu de déduire les revenus gagnés par le requérant au cours de cette période, soit 5 539,29 $, de même que les 1 173,59 $ reçus de l'employeur à titre d'indemnité tenant lieu de préavis d'emploi — la perte pécuniaire s'élève donc à 53 234,61 $ — étant donné que le requérant n'a pas suffisamment réduit ses dommages, ce montant est diminué de 50 % — l'indemnité totale pour le salaire et les autres avantages perdus est donc de 26 617,31 $ — le requérant n'a pas droit à une indemnité pour perte de couverture d'un régime d'assurance — le Tribunal avait ordonné la réintégration du requérant dans son emploi, ce qui lui aurait permis de retrouver le bénéfice des régimes d'assurance en question — celui-ci n'a pas droit non plus au remboursement des frais de recherche d'emploi et de stationnement — il n'a pas expliqué en quoi consistaient ces frais, pas plus qu'il n'a soumis de document à l'appui de cette réclamation — le requérant a droit à des dommages moraux de 4 000 $ en lien avec son congédiement déguisé — la manière de procéder de l'employeur, soit de cesser délibérément de distribuer du travail à un employé pendant plusieurs semaines sans lui donner la moindre explication, au vu et au su des autres employés, lesquels étaient alors tous très occupés, est manifestement répréhensible — le requérant a souffert de cette situation et le stress occasionné par le sentiment d'injustice qu'il a alors vécu doit être compensé — il affirme qu'il a également vécu beaucoup de stress à la suite de son congédiement, y compris des épisodes de perte de sommeil ainsi qu'une diminution de son estime personnelle — il ne fournit pas davantage de détails ni de précisions sur les souffrances liées à son congédiement — en outre, il n'a pas jugé nécessaire de consulter un professionnel de la santé à ce sujet — le requérant a droit à des dommages punitifs de 2 000 $ — il a subi une atteinte illicite et intentionnelle à son droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, essentiellement en raison du comportement de l'employeur — le Tribunal se prononce sur les intérêts dus sur l'indemnité pour perte de salaire et autres avantages, les dommages moraux et les dommages punitifs.

Réf. ant

(T.A.T., 2022-08-25), 2022 QCTAT 3968, SOQUIJ AZ-51876439, 2022EXPT-2037; (C.S., 2023-08-10), 2023 QCCS 3384, SOQUIJ AZ-51965731, 2023EXP-2341, 2023EXPT1822.