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Une briqueteuse-maçonne traitée différemment et pénalisée

C'est à bon droit que la plaignante, qui occupait le poste de briqueteuse-maçonne, se plaint d'avoir été traitée différemment et pénalisée parce qu'elle est une femme ainsi que d'avoir été contrainte de travailler dans un milieu toxique et hostile à son égard sur les chantiers.
10 juillet 2025

Intitulé

Association canadienne des métiers de la truelle (local 100) et Maçonnerie M. Demers inc. (Sabrina Lauzon), 2025 QCTA 115

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief pour harcèlement psychologique. Accueilli en partie.

Décision de

Me Francine Lamy, arbitre

Date

2 avril 2025


La plaignante, qui occupait le poste de briqueteuse-maçonne, soutient avoir fait l'objet de harcèlement psychologique à caractère discriminatoire. Elle considère avoir été traitée différemment et pénalisée parce qu'elle est une femme, en l'occurrence la seule dans l'entreprise au moment des faits en litige, et avoir été contrainte de travailler dans un milieu toxique et hostile à son égard sur les chantiers supervisés par un contremaître en particulier. Elle soutient également avoir subi un congédiement déguisé. Le syndicat réclame notamment l'adoption d'une politique conforme à la loi, la réintégration de la plaignante ainsi que des dommages moraux et punitifs.

Décision

Le syndicat a démontré que la plaignante avait subi du harcèlement psychologique à caractère sexiste, ce qui est discriminatoire, en raison de la conduite du contremaître à son endroit. L'employeur n'a pas démontré que la fin d'emploi de la plaignante était une mise à pied réellement motivée par le manque de travail. De plus, le choix de cette dernière ne repose pas sur des critères objectifs, étant plutôt teinté d'arbitraire et de discrimination. Il s'agit donc d'un congédiement déguisé au sens de la convention collective ainsi que d'une manifestation du harcèlement sexiste que le contremaître lui faisait subir. Puisque la fin d'emploi de la plaignante est liée au harcèlement sexiste dont elle a été victime, le grief n'est pas prescrit. Par ailleurs, l'employeur a manqué aux devoirs que lui impose la Loi sur les normes du travail et qui consistent à assurer un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. Il n'a pris aucune mesure pour former ou sensibiliser ses employés en ce qui a trait aux conduites hostiles ou non désirées à proscrire ni sur la procédure à suivre pour dénoncer de telles conduites. Il n'a adopté aucune politique de prévention et de traitement des plaintes. L'employeur est tenu responsable du harcèlement psychologique subi par la plaignante. Le congédiement illégal est annulé et le paiement d'une indemnité pour perte d'emploi est ordonné. À cet égard, le fait que la réclamation pour une lésion professionnelle en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ait été acceptée limite les pouvoirs de redressement en ce qui concerne les indemnités. La plaignante n'a pas droit à une compensation pour la période au cours de laquelle elle était victime d'une lésion professionnelle. De plus, le syndicat n'a pas démontré que la plaignante avait subi une perte de salaire entre le moment où elle est redevenue capable d'occuper son emploi à la suite de sa lésion professionnelle et le début de son nouvel emploi, si bien que cette réclamation est rejetée. Quant aux dommages moraux, le Tribunal réserve sa compétence pour les accorder, dans l'éventualité où la décision qui était favorable à la plaignante serait annulée. En ce qui a trait aux dommages punitifs, les dispositions de la Loi sur les normes du travail ont été modifiées en 2024 par la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail afin de permettre l'attribution de dommages punitifs lorsque la victime a subi une lésion professionnelle. Le syndicat demande au Tribunal d'exercer ce pouvoir, même si les contraventions sont survenues avant l'entrée en vigueur de ces modifications. Certes, il faut s'en remettre à la loi telle qu'elle existait au moment des événements pour déterminer s'il y a une violation. Toutefois, vu l'objectif poursuivi par le législateur, la modification apportée en ce qui a trait au remède demandé s'applique. Le Tribunal accorde une indemnité de 15 000 $.