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Suspendu dans l’attente de son vaccin

La décision de l'employeur, un centre de gestion des matières résiduelles, de suspendre le plaignant jusqu'à ce que celui-ci se fasse vacciner contre le tétanos est raisonnable et ne porte pas atteinte à ses droits fondamentaux.
30 juin 2025

Intitulé

Syndicat régional des employés(es) municipaux de la Mauricie (CSN) — section écocentre et Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie (Alain Houde), 2025 QCTA 134

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant une suspension administrative. Rejeté.

Décision de

Me Pierre St-Arnaud, arbitre

Date

11 mars 2025


L'employeur exige que les préposés à l'écocentre affectés aux résidus domestiques dangereux se fassent vacciner contre le tétanos. Le plaignant refuse systématiquement de se conformer à cette directive, ce qui a poussé l'employeur à le suspendre tant qu'il ne serait pas vacciné. La question est de savoir si la procédure de vaccination de l'employeur est raisonnable et conforme à la convention collective ainsi qu'à la législation applicable. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer si la procédure de vaccination porte atteinte aux droits à l'intégrité physique et à la liberté de la personne et, dans l'affirmative, si cette atteinte est justifiée au sens de l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Décision

La pratique consistant à faire vacciner les salariés des écocentres contre le tétanos existe depuis longtemps et cette obligation est énoncée à même la convention collective, laquelle prévoit que «l'employeur fait vacciner, à ses frais, toute personne salariée». En l'espèce, l'employeur a démontré son obligation de faire vacciner ses salariés dans le but de protéger leur santé et de s'assurer de leur sécurité ainsi que de leur intégrité physique et psychologique. La prétention du syndicat selon laquelle il n'y a aucun risque d'infection au tétanos dans le contexte de la manipulation de pots de peinture ou de bacs rouillés ne peut pas être retenue. Il y a lieu de souligner que c'est de sa propre initiative que le syndicat a demandé d'inclure dans la convention collective un article portant expressément sur la vaccination. Il y a également lieu de rappeler que le plaignant est un préposé qui doit manipuler des résidus domestiques «dangereux», ce dernier terme ayant toute sa signification dans le présent contexte. C'est dans son propre intérêt que le plaignant doit être vacciné s'il veut continuer à exercer ses fonctions. L'infection au tétanos constitue un grand risque qui peut avoir des conséquences graves sur la santé des préposés. Selon les autorités publiques, la vaccination est le meilleur moyen de se protéger contre cette infection et c'est la seule mesure préventive pouvant être prise par l'employeur pour protéger ses travailleurs. L'obligation légale de ce dernier prévue à l'article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail est une obligation de prévention et d'élimination du risque en milieu de travail. Si l'on permettait au plaignant et à l'ensemble des salariés de se faire vacciner seulement à la suite d'une blessure survenue sur les lieux du travail, l'employeur se placerait alors dans une situation indépendante de sa volonté et pourrait même être accusé d'avoir tardé à protéger ses salariés. Par ailleurs, le syndicat n'a pas démontré que la suspension sans solde administrative du plaignant en raison de son refus de fournir une preuve de vaccination contre le tétanos constituait une atteinte à ses droits fondamentaux et, même si c'était le cas, l'employeur a prouvé qu'elle était justifiée. Les droits individuels ne sont pas absolus et doivent être conciliés avec l'obligation d'ordre public qui incombe à l'employeur de protéger la santé de ses salariés. Il en est de même du fait de s'enquérir du statut vaccinal d'un salarié. Cela constitue une atteinte à sa vie privée mais, si l'objectif poursuivi par l'employeur est d'éliminer les dangers en matière de santé et de sécurité, elle est justifiée. L'employeur a respecté le choix du plaignant de ne pas fournir de preuve vaccinale et de ne pas se faire vacciner en le suspendant sans solde. Il revient maintenant à ce dernier de se conformer à l'exigence en vigueur pour revenir au travail. S'il refuse, il devra en subir les conséquences.