Intitulé
Côté et Centre Jeunesse de Montréal, 2025 QCTAT 1152
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Lanaudière
Type d'action
Contestation par la travailleuse d'une décision ayant déclaré qu'elle n'avait pas subi de lésion professionnelle. Contestation accueillie.
Décision de
Josée Audet, juge administrative
Date
14 mars 2025
En 2010, la travailleuse, une intervenante, a subi une lésion professionnelle, soit une entorse cervicale et un syndrome de stress post-traumatique, lorsqu'un adolescent plutôt costaud lui a asséné un coup au côté gauche du cou. Le 30 avril 2019, alors qu'elle était assise par terre pour faire une évaluation, un enfant de 2 ans lui a donné un coup sur le côté gauche du cou. La travailleuse a produit une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation suivant les diagnostics de réactivation de trouble de stress post-traumatique et de trouble de l'adaptation avec humeur anxio-dépressive. La CNESST a refusé sa réclamation. L'instance de révision a confirmé cette décision.
Décision
La travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation. La preuve tant documentaire que testimoniale démontre une modification objective de son état de santé. Avant le 30 avril 2019, la travailleuse était à son travail, elle fonctionnait, sa consommation d'alcool n'était alors pas problématique et elle n'avait plus de suivi médical pour sa condition psychique depuis des années. À compter du 30 avril 2019, les symptômes qu'elle avait conservés se sont aggravés de façon importante et l'ont empêchée graduellement de fonctionner. Sa consommation d'alcool a dès lors augmenté considérablement. En mai 2019, des diagnostics de trouble de stress posttraumatique et de trouble de l'adaptation avec humeur anxio-dépressive ont été posés. De plus, de la psychothérapie a été prescrite et la travailleuse a été dirigée vers un programme de trauma, puis mise en arrêt de travail.
La modification de l'état de santé de la travailleuse est en relation avec la lésion initiale. En ce qui concerne le délai entre la lésion initiale et la récidive, bien qu'il puisse paraître long, il ressort de la preuve que la travailleuse est partie à 2 reprises pendant une période de 2 ans, donc 4 ans au total, d'abord en retrait préventif et ensuite en congé de maternité. À la suite de la consolidation, la travailleuse n'est pas retournée au travail à temps plein, mais bien à temps partiel. Il est exact que la lésion initiale a été consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Cependant, il faut tenir compte du contexte particulier dans lesquelles ces conclusions ont été tirées, c'est-à-dire que la lésion a été consolidée à la demande de la travailleuse, en tenant compte du fait qu'elle était enceinte et qu'elle allait aussitôt repartir en retrait préventif pour être ensuite en congé de maternité, le tout représentant presque 2 ans d'absence. La lésion initiale consiste en un événement de violence de la part d'un adolescent qui a agressé la travailleuse de façon imprévisible. Ce n'est pas un événement banal. De plus, dans le cadre de son expertise, le psychiatre de la travailleuse explique qu'il n'est pas étonnant qu'un événement moins grave fasse revivre à cette dernière les sentiments et les émotions désagréables qu'elle avait vécus à la suite de l'événement initial. De plus, la preuve démontre que des symptômes résiduels persistaient même si des limitations fonctionnelles n'avaient pas été reconnues à la suite de la lésion initiale. Il faut également tenir compte du fait que la travailleuse a pallié ses problèmes résiduels en occupant des postes exigeant moins de liens avec la clientèle. Il n'y a pas eu de suivi médical important entre la consolidation de mars 2011 et l'événement du 30 avril 2019, sauf en lien avec les grossesses et une fausse couche. La travailleuse explique qu'elle préférait renoncer aux médicaments classiques et se soulager avec des traitements d'acupuncture et des méthodes de respiration afin de gérer son anxiété. Dans son rapport d'expert, le psychiatre de la travailleuse explique que: «L'absence de consultation n'est pas incompatible avec la continuité de la symptomatologie. L'absence de traitement est fréquente [...]. Dans le cas de [la travailleuse], il est probable que le fait qu'elle ne consultait pas faisait partie de la symptomatologie.» Selon lui, le cas de la travailleuse s'inscrit plutôt dans la règle que dans l'exception pour une personne victime de syndrome de stress post-traumatique. La CNESST a souligné le caractère tardif des évaluations du psychiatre de la travailleuse. Bien que ce soit exact, ce dernier n'a pas tiré ses conclusions en se fondant uniquement sur l'examen mental de 2023, mais bien sur l'ensemble du dossier, fort documenté. De plus, en tant qu'expert, il peut donner son opinion au sujet de la relation. Le Tribunal retient l'opinion du psychiatre de la travailleuse, laquelle n'est pas vraiment contestée. Par conséquent, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.